Voilà bientôt 8 ans que Jean d’Ormesson n’écrit plus et ses lecteurs pensaient se trouver devant une œuvre « finie ». Mais une sorte de petit miracle vient de se produire. La famille de l’écrivain a décidé d’offrir ses archives à la Bibliothèque Nationale. Plus d’un an de travail avant que ne soit constitué le fonds Jean d’Ormesson. Il faut dire qu’il gardait tout : ses manuscrits, mais aussi ses copies de khâgne ou des billets de théâtre, c’est dire le volume de papiers à traiter en sachant qu’en plus Jean d’Ormesson avait un sens du classement plus vertical que raisonné.

Parmi ces milliers de feuillets, se trouvait un manuscrit inédit, écrit indéniablement au début des années soixante et qui ne fut jamais proposé à une maison d’édition. Manuscrit écrit à la main, ce qui, indéniablement posa quelques difficultés à sa fille, Héloïse d’Ormesson, pour déchiffrer certains mots. Quoiqu’il en soit, il existait bien un manuscrit inédit de Jean d’Ormesson, écrit à l’aube de sa carrière d’écrivain, que viennent de publier les éditions Eloïse d’Ormesson, et nous ne devons pas (surtout pas) nous priver du plaisir de le lire.
L’Enchanteur c’est, bien sûr, François-René de Chateaubriand, dont nous connaissons déjà les beaux passages que Jean d’Ormesson a parsemés dans toute son œuvre sur cet immense écrivain. Ce n’est pas une biographie digne d’un travail d’historien, non, plutôt une hagiographie dans laquelle l’auteur montre son admiration pour Chateaubriand. Il suit fidèlement le déroulement de la vie du malouin telle qu’il l’a racontée dans les Mémoires d’Outre-Tombe. Si c’est un des plus beaux monuments de la littérature française, le moins que l’on puisse dire, elles sont loin d’être d’une totale objectivité, c’est certain ! Mais il y a l’auteur dont l’œuvre est une sorte de reflet, est c’est à une brillante analyse des deux et de leurs rapports à laquelle, dans cette sorte d’essai, Jean d’Ormesson s’attelle.
Je ne vais pas me lancer dans une description de toutes les analyses de l’auteur, d’autant que si je fais partie des lecteurs assidus de Jean d’Ormesson, je porte comme lui une immense admiration à Chateaubriand et je ne serai donc pas très objectif (et d’ailleurs devant ces deux monstres de la littérature, je n’en ai aucune envie). Nous ne pouvons que suivre Jean d’Ormesson sur l’analyse du caractère de Chateaubriand, des paradoxes qui le caractérisaient comme rechercher la gloire tout en aspirant à une totale solitude.
Ses ambigüités face à la Révolution, ses relations on ne peut plus ambigües avec Napoléon (et réciproquement de la part de l’Empereur vis-à-vis de l’Enchanteur). Le rôle des femmes dans sa vie ; ses déceptions politiques lors de la Restauration (même s’il a été ministre des affaires étrangères). Sa recherche d’une certaine pureté, loyauté loin de toutes les magouilles, des cabales des affairistes ; ses prises de positions politiques qui en fait ne sont que la concrétisation de sa soif de liberté ; ses problèmes vis-à-vis de l’argent. L’importance au niveau de la littérature du Génie du Christianisme, influence qui perdure de nos jours ; et j’en passe… Ce n’est pas pour rien que le jeune Victor Hugo a dit : « je veux être Chateaubriand ou rien ».
Quand l’Enchanteur vint au monde est le premier, et sûrement le dernier manuscrit inédit de Jean d’Ormesson et, dans cet écrit de sa jeunesse littéraire, se trouve déjà tout le talent au niveau écriture et du style de l’écrivain. Et puis, il y a celui qui l’a guidé dans l’élaboration de son œuvre : François-René de Chateaubriand. Deux excellentes raisons pour lire et l’un et l’autre, et bien entendu ce récit jusqu’alors inconnu, retrouvé, juste publié, et qui revient de loin.
Quand l’Enchanteur vint au monde
Jean d’Ormesson
éditions Héloïse d’Ormesson. 18€50
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