Anne Bonny, Mary Read, les amateurs de l’histoire de la piraterie (ou des innombrables romans portant sur cette activité) connaissent le destin quelque peu atypique pour le moins de ces deux femmes (tout particulièrement à cette époque). Et oui, deux femmes pirates, et parmi les plus féroces, combattantes de talent (il suffit de penser à leur défense quand elles ont été arrêtées en même temps que Barbe noire qui s’est rendu sans se battre). Des destins hors norme qui ne peuvent que titiller l’imagination des romanciers intrigués par leur personnalité. Jean-Marie Quéméner ne peut qu’y succomber après tant d’autres. Mais lui est avant tout attirer par la soif de liberté d’Anne, ce ne sont pas les richesses qui motivent son héroïne, mais sa soif, sa volonté de vivre comme elle le souhaite, sans chaînes, sans obligations et surtout celles que la société impose à son sexe, en un mot, à son genre.
De fait, sans en faire une féministe, il nous décrit une femme totalement égale aux hommes qui l’entourent, voire supérieure, car il faut bien l’avouer, elle les manipule quelque peu tant ils sont impressionnés par son courage, son art de se battre, son sens tactique, pas moins ! C’est une dominatrice, c’est certain, mais en étant « supérieure » aux autres, elle peut vivre pleinement sa liberté. Bien sûr, Jean-Marie Quéméner prend beaucoup de libertés avec ce que l’on sait de la personnalité et du peu que l’on connait de la vie d’Anne Bonny, mais n’oublions pas qu’il écrit une fiction et non une biographie et que ce qui l’intéresse, c’est la personnalité de son héroïne et non une quelconque réalité historique.

Anne est née en 1697 en Irlande, elle est le fruit des amours ancillaires d’un avocat William Cormac et de la domestique de sa femme : Mary. Le couple, avec leur fille, part en Amérique où il fait fortune et William Cormac devient ainsi un riche planteur de coton. Anne, dès son enfance s’habille en garçon, pense en garçon, vit en garçon ,ce qui ne va pas sans poser quelques tensions dans le cercle familial, ses parents ne comprenant ainsi pas l’attitude de leur fille. Quand sa mère décède, elle devient encore plus rebelle. Sous les injonctions de son père, elle finit par se marier. Mais avec James Bonny, un marin de fortune rencontré dans une gargote à marins, plus attiré par le rhum et autres boissons alcoolisées que par l’aventure et le combat. Son père lui donne une petite fortune et la déshérite pour le reste.
Le couple part pour Kingstown en Jamaïque puis à Nassau, sur l’île de la Providence, « capitale de la piraterie » des Caraïbes où elle commence sa carrière de pirate. A Nassau, où toujours habillée en homme, elle se fait appeler Adam, elle va être videur dans un bordel tenu par une Française, puis rencontre Mary Read et surtout Barbe Noire. Elle participe à quelques expéditions où elle impressionne par sa bravoure. Animée toujours par sa soif de liberté, elle va jusqu’à libérer des exclaves d’un navire négrier qui allaient être jetés en mer car « invendables ». Cela lui permet de retrouver ses amis d’enfance qui sont restés et surtout qui ne critiquent pas ses choix de vie. Et nous la quittons, à Nassau un soir toujours animée par cette soif de liberté qu’elle a tant de mal à concrétiser au quotidien.
Au lecteur d’imaginer la suite de sa vie. Un beau roman autour de la personnalité d’une femme qui refuse la place que la société (et sa famille) lui assigne à cause de son sexe et qui choisit de tout quitter pour l’aventure et la sensation de liberté qu’elle lui apporte.
Anne Bonny
Jean-Marie Quéméner
éditions Récamier. 29€25


