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Bernard Werber pourfendeur de l’écologie politique

par Émile Cougut

Il n’est plus besoin n’est-ce pas de présenter Bernard Werber, écrivain pour le moins prolifique ! Depuis le cycle des fourmis (voilà déjà plus de trente ans), il allie avec talent la fiction romanesque avec le savoir scientifique dans bien des domaines. Soit, parfois, il tombe de la fiction à la science-fiction, mais il ne fait en l’espèce que suivre quelques-uns de ses illustres prédécesseurs comme Jules Verne ou Wells.

Dans son dernier roman, La Voix de l’arbre, il s’attaque à un sujet qui fait l’objet de bien d’études scientifiques actuelles : la communication au sein du monde végétal et des arbres en particulier.

L’histoire est simple à résumer et se déroule dans la forêt du Ciron (une, voire la plus vieille forêt de France), à proximité d’un charmant petit cours d’eau du même nom traversant les départements de la Gironde et des Landes (là nous sommes à côté de Langon, sous-préfecture de la Gironde). Un couple est au coeur de l’intrigue. Aymeric, employé dans la société paternelle Monestier, dont le président (et non moins géniteur) est le député écologiste de la circonscription, et Rose, étudiante en informatique, jeune fille hyper sensible, asthmatique, étudiante en informatique et développant un logiciel pour pouvoir communiquer avec les baleines. Ils se trouvent devant un chêne pédonculé, haut de 23,5 mètres d’une envergure de 30 mètres et vieux de 1 227 ans. La jeune femme, qui n’a aucune appétence pour la nature en général et les arbres en particulier, n’a qu’une idée : partir. Une légère dispute s’ensuit, et, au moment de la réconciliation, une branche se détache et tue net le jeune homme. 

Comme des randonneurs ont vu la dispute et que sur la branche il y a les traces de Rose, celle-ci est accusée de l’avoir tué. Mais au moment de son interpellation, elle s’enfuit et se retrouve chez Sylvain Wells, professeur de botanique à l’université de Bordeaux, un mélancolique, hanté par son passé, fuyant le monde, mais aussi, comme bon membre de la famille Wells, auteur d’une encyclopédie du savoir relatif et absolu portant sur les végétaux.

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Tous les deux mettent au point une machine, l’arbrophone, permettant de communiquer avec le chêne (nommé Yggdrasil, par Rose en référence à « l’arbre monde » de la mythologie nordique) ce qui permet de totalement disculper la jeune femme. Mais ils apprennent que la forêt doit être rasée car, à partir d’un rapport d’expert biaisé, elle est considérée comme malade. C’est la société Monestier qui est chargée de l’abattage. S’ensuit une ZAD, l’engagement en politique de Rose et surtout un voyage aux Etats-Unis, dans l’état de l’Utah, pour recueillir le message de Pando,(cliquer) une forêt composée de 47 000 peupliers faux-trembles, tous issus d’une même et seule graine. Pando est l’être vivant le plus grand du monde car couvrant 53 hectares et le plus lourd : au minimum 6 000 tonnes. Et ce qu’ils découvrent…

C’est un bon roman de Bernard Werber, celui que l’on a appris à apprécier avec Les fourmis (je suis, dois-je vous l’avouer, nettement moins admirateur d’une autre partie de sa production qui confine à un certain mysticisme de rabais quelque peu facile et surtout commercial, mais dans La Voix de l’arbre, nous en sommes loin). 

Il nous livre ici une synthèse brillante des dernières études scientifiques se rapportant au monde végétal en général et la science des arbres en particulier. L’art de Bernard Werber consiste à résumer en quelques paragraphes des concepts difficiles, de les rendre accessibles aux non-savants sans les caricaturer. Voilà un bon roman qui permet à ceux qui ont lu de façon éparse des éléments sur ces sujets d’en avoir une bonne synthèse et pour ceux qui ignoraient ces phénomènes on ne peut plus naturels, de les aborder et de découvrir un univers immense qui se trouve tout à côté de nous. Le vivant, ce ne sont pas que les hommes, ni que les animaux mais aussi tout le végétal. Que de questionnements philosophiques ces études scientifiques ouvrent elles autour de la conscience du végétal, de ses moyens de communication et j’en passe. Si les adeptes de Descartes sont critiqués par les animalistes, ces derniers indéniablement sont particulièrement taiseux sur les végétaux. Le vivant est bien plus complexe que les caricatures développées aussi bien par les cartésiens que par les végétaliens, tout est une question d’entraide et non de domination.

Mais ce que j’ai adoré dans La Voix de l’arbre, c’est la critique lucide et mordante de l’écologie politique. Bernard Werber ne remet pas en cause la sincérité des militants, mais dénonce les dirigeants qui ne pensent qu’à des compromissions, des alliances dans le seul but d’obtenir des sièges aux différentes élections en mettant leurs opinions écologistes en berne et en s’éloignant énormément de la défense de la nature du général et du vivant oui en particulier ! Les membres du mouvement écologique ne soutiennent pas Rose dans sa lutte pour sauver la forêt du Ciron au nom des intérêts économiques, mais manifestent contre la guerre à Gaza ! Bonjour l’abandon des idéaux !

Et que dire de ceux qui défendent en apparence les idées écologistes pour, en fait, en profiter économiquement. La caricature (pas si caricaturale que ça!) c’est ici Monestier : député écologiste, il profite de sa position pour être mandaté à couper des forêts aux essences diverses (qu’il transforme soit en meubles soit en pellets pour les usines électriques) et ne replante que des résineux poussant plus vite (et donc plus rentables), au détriment de la diversité écologique. Au passage il bénéficie à chaque étape de généreuses subventions publiques. Et dire que l’on cherche des économies ! Il suffit de voir ce qu’est devenu la forêt des Vosges et une partie du Morvan. Alors oui, ce livre devient un vrai pamphlet de très bonne facture contre l’hypocrisie de l’écologie politique.

La Voix de l’arbre
Bernard Werber

éditions Albin Michel. 21€90

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