Opacity and mystery surrounding the Germany’s Nazi looted art haul found in Munchen.


Cela fit l’effet d’une bombe et mit le monde international de l’art en effervescence, on venait juste d’apprendre que les douanes allemandes avaient saisi 1400 oeuvres d’art moderne dans un appartement de Munich appartenant à un homme de 80 ans Cornelius Gurlitt, le fils de Hildebrand Gurlitt, un marchand d’art de Hambourg ayant bénéficié de larges privilèges sous le régime nazi. Très certainement il devait s’agir d’oeuvres appartenant à des familles juives ou considérées part les Nazis comme « art dégénéré » (Entartete Kunst) et enlevées des musées allemands.

La réalité n’est pas si simple. Quelques unes des oeuvres ( la majorité sont des oeuvres sur papier) furent certainement saisies à des personnes et des musées.

Après que les oeuvres furent confisquées le 28 février 2012 ( la plupart sont des oeuvres sur papier(…)) et non un an plus tôt comme des rapports alors parus le laissaient entendre, l’expert berlinois Meike Hoffmann fut désigné par le procureur général d’Augsburg pour examiner la collection et dans un premier temps déterminer les artistes auteurs des oeuvres possédées par Gurlitt.

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Lors d’une conférence de presse qui s’était tenue à Munich après l’annonce surprise de la saisie, Hoffmann qui est, en charge du Centre de recherche sur «l’art dégénéré» de l’Université libre de Berlin depuis 2006, dévoila que des oeuvres non connues comme un auto-portrait d’Otto Dix faisaient partie du lot et que la collection comprenait aussi des oeuvres du style Biedermeier telles celles du peintre Carl Spitzweg et par ailleurs un Canaletto.

Le silence du procureur général après la découverte avait suscité des protestations massives. Le juriste berlinois Peter Raue avait qualifié cela de faute «incroyable». Il faut cependant considérer que pour ce genre d’enquête le secret peut être requis. Après tout au moment de la révélation dans la presse, Gurlitt n’avait été inculpé d’aucun délit criminel.

Aussi les autorités munichoises après qu’une intervention de la chancellerie fédérale et du ministre d’état pour la culture aient fait pression, décidèrent de présenter à reculons sur le site internet lostart.de, 25 oeuvres considérées comme «relevant probablement des confiscations nazies ». Parmi elles, la Femme assise, 1942 , probablement de Matisse et prise par l’organisation de pillage mise en place Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg, ERR, au marchand d’art Paul Rosenberg à Paris et « acheté » aux Nazis en 1944, ainsi que Cavaliers sur la plage 1901 de Max Liebermann provenant de la collection appartenant à David Friedmann à Breslau ( aujourd’hui Wroclaw).

Selon l’Office central allemand pour la documentation des biens culturels perdus (Koordinierungsstelle Magdeburg qui gère la base d’information internet Lost Art), 590 oeuvres sont considérées comme ayant été probablement saisies de façon illégale à leurs propriétaires juifs et 380 autres étaient estampillées comme« dégénérées» par les nazis et confisquées dans les musées. Cependant les institutions légales n’ont aucune capacité légale pour les restitutions.

L’histoire des 430 oeuvres restantes découvertes dans l’appartement de Gurlitt n’est pas très claire. Pour Uwe Hartmann, qui dirige l’institut de recherche muséologique des musées d’état de Berlin, Hildebrand Gurlitt a acheté beaucoup d’oeuvres à Goebbels ministre de la propagande, «compte-tenu à la situation légale de l’époque, il en était le propriétaire légal»dit-elle. Du fait de la pression publique autour de cette affaire, les autorités ont décidé de se pencher sur le cas.

Le ministre bavarois de la culture a qualifié toute cette zone de secret autour de cette affaire de« désastre». Au moment où nous mettions sous presse, les autorités envisageaient de mettre en ligne 590 oeuvres dont la provenance n’est pas identifiée suite aux décisions de la commission fédérale mise en place par le ministre d’état de la culture et dirigée par Ingeborg Berggreen-Merkel, cela signifie pour elle que «les ayant-droits potentiels ne peuvent pas rapidement être mis en position d’identifier les oeuvres disparues, et en conséquence ne peuvent pas qualifier leurs réclamations». Des représentants de toutes les autorités allemandes concernées sont maintenant réunis au sein de la commission après qu’elle fut critiquée pour n’avoir dès le départ désigné qu’un seul expert (Meike Hoffmann), pour diligenter les recherches de provenance.

Bien que la publication d’une liste des oeuvres de Munich puisse contribuer à clarifier les demandes légitimes des héritiers et également à réfuter des requêtes moins justifiables, cette avancée n’en est pas moins légalement problématique.Si des collectionneurs privés commencent à se soucier que leurs collections soient rendues publiques, la volonté de coopérer et de trouver ainsi «une bonne et juste solution»selon l’esprit de la déclaration de Washington du 3 décembre 1998, non impératives pour des personnes individuelles privées, sera compromise. Il est important d’arriver à une solution à l’amiable avec Gurlitt; c’est ce qui est arrivé l’année dernière quand il a vendu le dompteur de lion de Beckmann à une vente aux enchères et ainsi doubla les procédures avec les héritiers du propriétaire d’origine, le marchand Alfred Fletchheim.

Affaire de famille

Hildebrand, le père de Gurlitt, n’était apparemment pas sans tache. Il était un des cinq marchands nommés par Joseph Goebbels, ministre de la propagande à la pointe du combat contre « l’art dégénéré», pour « recycler » les oeuvres confisquées. Les trois autres marchands à savoir: Bernhard Böhmer, Karl Buchholz et Ferdinand Möller ont par ailleurs fait l’objet de recherches poussées. Seule l’activité de Gurlitt n’ a pas été explorée en profondeur. Gurlitt dit que toute sa documentation concernant ses affaires a été détruite lors du bombardement de Dresde de 1945. Le tribunal allié chargé après 1945 de la dé-nazification, et qui établissait quelle proximité liait une personne au régime nazi avant d’établir toute autorisation de travail, le classa comme «moins impliqué», et il put ainsi continuer sa carrière.

La biographie d’Hildebrand Gurlitt (1895-1956) est intéressante. Quand il fut à partir de 1925 directeur du musée de Zwickau, Saxe, il acheta de l’art contemporain, principalement expressionniste objet de la colère des nazis, et il dut abandonner son poste en 1930.

Il dirigea alors le Hamburger Kunstverein, mais en 1933 il fut considéré comme “Jüdisch versippt” ( marié ou ayant un lien avec le judaïsme, une de ses grands-mères était juive) et il fut révoqué. C’est à partir de là qu’ il travailla comme marchand d’art. Du fait de ses bons contacts avec les collectionneurs d’art moderne, son ascendance «non-aryenne» fut apparemment oubliée et il devint un des marchands d’art privilégiés choisis en 1937 pour vendre à l’étranger les oeuvres d’art confisquées. Il fut aussi de ceux choisis pour les achats du futur «musée du Führer» à Linz, la ville d’Autriche où Adolph Hitler aimait à séjourner, et à ce titre il fut nommé «acheteur en chef » pour le marché de Paris et acheta pour la Chancellerie du Reich des tapisseries et autres oeuvres d’art pour plus de trois millions de Recihmark jusqu’en 1944. Il fut rétribué en commission pour ces transactions : entre 5% et 25% et gagna plusieurs centaines de milliers de Reichmarks.

Gurlitt posséda nombre des peintures et des dessins qui viennent d’être saisis chez son fils. Cornelius Gurlitt est né en 1933, il avait ainsi 12 ans quand la guerre s’est terminée et il n’a certainement jamais connu l’exacte origine de chacune des oeuvres. Pour l’heure, nous ne pouvons que spéculer sur ce qui se cache derrière une telle collection.

Il est bien possible qu’Hilldebrand Gurlitt n’ait pas pu trouver suffisamment d’acheteurs fortunés alors que le marché des« oeuvres dégénérées» continuait sous le Troisième Reich. Pendant cette période et sous le nez de la Gestapo, des collectionneurs comme Joseph Haubrich à Cologne et Bernhard Sprengel à Hanovre construisirent leurs collections d’art moderne condamné par les nazis. A la différence de son collègue Möller qui conserva pour lui-même des peintures expressionnistes trompant ses employeurs nazis, Gurlitt ne voulut pas vendre ce qu’il avait en possession aux musées désagrégés après la guerre.

Saisies ou volées

Deux différentes catégories d’oeuvres peuvent être répertoriées dans la scandaleuse caverne d’Ali Baba de Cornelius Gurlitt : la première «l’art dégénéré» sorti des musées allemands par les Nazis et donc confisqué du fait de la loi en 1938. Cette loi n’ a jamais été abolie et s’applique encore aujourd’hui en Allemagne fédérale. Les Alliés victorieux ( spécialement le gouvernement militaire américain) et par la suite la nouvelle et naissante République fédérale, voulurent préserver les collectionneurs privés et le marché de l’art d’interminables batailles juridiques sur les oeuvres acquises sous le régime nazi. Le Museum of Modern Art de New-York put ainsi acquérir d’exceptionnelles oeuvres anciennement en possession des musées allemands , il en a été de même pour le Solomon R. Guggenheim Museum et le Kunstmuseum de Bâle ( ce dernier essentiellement lors de l’infâme vente aux enchères de Lucerne, en Suisse, le 30 juin 1939 ( lire notice en bas de l’article NDLR Wukali).

Les autres oeuvres entrent dans la catégorie des oeuvres volées – trésors qui furent soit volés à leurs propriétaires juifs ou acquis sous la pression ou la menace. De telle sorte, il est fort malaisé de déterminer de quelle manière les oeuvres possédées par Gurlitt furent rassemblées: du fait d’achat ou d’échange, légalement ou illégalement, achetées ou en dépôt. Faire la lumière pour chaque cas individuel sera dur, mais cependant pas plus que pour les autres cas de restitution où les musées publics allemands furent concernés. La proclamation d’ Hildebrand Gurlitt laissant à croire que ses documents concernant ses affaires et ses transactions avaient été détruits s’est révélée être un mensonge; on les a retrouvés dans des caisses dans l’appartement de son fils. Peut-être contribueront-ils à reconstituer l’histoire de l’origine de chaque oeuvre.

Pour les cas où Cornelius Gurlitt ne pourra pas établir la preuve qu’il est bien le propriétaire des oeuvres en sa possession, celles-ci se seront alors attribuées à l’état allemand. La classe politique concernée, redoutant les vives batailles d’avocats et de procédures judiciaires ( tant allemandes qu’étrangères) , de même pour ce qui concerne les musées, a promis des solutions généreuses en accord avec la déclaration de Washington, et a suggéré qu’elle renoncera aux statuts de limitations généralement appliqués dans des cas civils.

Quoi qu’il en soit, on ne peut pas s’attendre à de rapides progrès; Gurlitt, un reclus qui n’a jamais travaillé et fait ses fins de mois en vendant de temps à autre une oeuvre, a déclaré l’autre mois au Spiegel

qu’il voulait que ses peintures lui soient restituées: « Je ne rendrai rien volontairement, non, non, non» a-t-il dit au magazine allemand, «quand je serai mort, ils pourront en faire ( des oeuvres) ce qu’ils veulent !».

Source : The Art Newspaper. Bernhard Schulz. Traduction pour Wukali, Pierre-Alain Lévy.


Déclaration de Washington du 8 décembre 1998 sur les oeuvres d’art pillées( cliquer)

Vente de Lucerne. Dès le début des années ’30, les dirigeants du Parti nazi se montrent hostiles aux recherches des avant-gardistes artistiques. Quand, en 1933, Adolf Hitler est nommé chancelier, une véritable campagne de « désinformation » est mise sur pied afin de déprécier les créations dites « dégénérées ». C’est surtout l’expressionnisme qui est visé. Dans la seconde moitié de la décennie, une commission dirigée par Ziegler et patronnée par Goebbels est chargée de collecter dans les musées allemands les pièces qui ne correspondent pas à l’esthétique officielle du Parti. Plusieurs milliers d’œuvres sont détruites. D’autres sont cédées, comme les 114 pièces mises en vente à la Galerie Fischer de Lucerne en juin 1939.

Il semblerait que la Galerie Fischer à Lucerne, toujours active, ait perdu la mémoire de cet événement…


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( faire aussi des recherches dans la fenêtre « Rechercher » associée en haut de page d’accueil à droite)


Illustration de l’entête: Goebbels et Hitler visitant en 1937 l’exposition « Entartete Kunst » à Munich. Photo : picture alliance / dpa


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