Je suis passé à côté de beaucoup de choses cette année. Pour éviter tout épanchement trop personnel (quoique), nous allons rester dans le tryptique : l’art, le numérique et le droit. Avec ses richesses insoupçonnées.
La trêve des confiseurs fut l’occasion d’une petite remise à niveau sur deux questions :
- Non Funjible Tonkens ;
- Liberté d’expression artistique et salariat
Pas très fun ? Jugez-en plus tôt.
Art dans la crypte : « à poil » sur un prie Dieu
La liberté d’expression artistique est-elle totale pour un salarié ? Quel beau sujet…
Malgré une revue récurrente de jurisprudence que je pense assez sérieuse, je suis passé l’été dernier, à côté d’un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 23 juin 2021 qui répondait à la question.
Question première, fondamentale, essentielle car très personnelle : puis-je en tant que directeur des affaires sociales d’un organisme National de l’Enseignement catholique me prendre en photo « à poil » sur un prie-Dieu dans une crypte et mettre cette œuvre en page d’accueil de mon linkedin ?
Vous vous doutez bien que c’est évidemment une question que je me pose chaque matin.
Au moins pour mon public. Quand on peut faire plaisir.
Bref.
Passé inaperçu cet été, cet arrêt m’est tombé dans les mains il y a peu (Cass. Soc., 23 juin 2021, n°19-21.651. Il m’est même tombé des mains. Cette fois sans décrochage maxillaire, comme cela arrive parfois lors des revues de jurisprudence ; mais avec zygomatiques en action, ce qui arrive moins souvent, je l’avoue.
Dans cette affaire, le directeur d’un établissement d’un foyer de vie d’adultes handicapés géré par l’association des Œuvres hospitalières françaises de l’Ordre de Malte a été licencié pour faute grave pour avoir publié sur son compte Facebook une photographie le présentant nu agenouillé sur un prie-Dieu dans une église.
Le conseil de prud’hommes avait requalifié le licenciement en « faute simple » et la Cour d’appel avait confirmé la faute grave privative d’indemnité de licenciement et de préavis :
« X… assumait des fonctions de directeur d’un établissement, accueillant dans un régime d’internat des adultes présentant des déficiences mentales, appelés à partager des moments de vie dans le respect de leur intégrité personnelle propre et de celle des autres résidents également en difficulté ce qui exige de la part des personnels les entourant et a fortiori de la part du directeur de l’établissement un comportement et des attitudes excluant toute confusion à cet égard et par suite, une obligation de retenue directement inhérente à ses fonctions et à ses obligations déontologiques.
Dans ces conditions, la large diffusion par X… sur le réseau social facebook, qui plus est sur la page d’accueil, accessible à tout public, c’est à dire à ses subordonnés, aux membres des familles, aux représentants de l’association, aux résidents eux -mêmes, d’une photographie le montrant dénudé, agenouillé dans une église était inappropriée et excessive et a caractérisé de sa part un abus dans l’exercice de la liberté d’expression de nature à causer un tort à l’employeur, nonobstant le fait que la photographie a été prise à des fins artistiques hors de son lieu de travail et sur le temps de sa vie privée.
(…) X… a failli aux obligations inhérentes à ses fonctions d’encadrement et d’éducateur et abusé de sa liberté d’expression en sorte que la poursuite de la relation contractuelle était immédiatement impossible et que le licenciement reposait sur une faute grave. »
L’ex-directeur mis à nu saisit la Cour de cassation qui sanctionne les juges d’appel.
Pour elle : la photographie, dépourvue de caractère injurieux, diffamatoire ou excessif, ne caractérisait pas un abus dans la liberté d’expression du salarié puisqu’elle « a été prise à des fins artistiques hors de son lieu de travail et sur le temps de sa vie privée » ;
– les juges n’ont pas caractérisé de manquement à des obligations contractuelles.
Car enfin c’est vrai, en droit, selon l’article L. 1121-1 du code du travail, sauf abus, le salarié est assuré dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression à laquelle seules les restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.
On ne peut que se réjouir que les magistrats du quai de l’horloge aient remis les pendules à l’heure. Les libertés d’expression et de création artistique sont sauves !
Et puis après tout on s’en fiche que le directeur exerçait dans une association catholique.
On reste d’ailleurs interrogatif que ce point de détail n’ait pas été mis en avant. Par discrétion sans doute.
Et on se dit quand même que ce directeur d’une œuvre catholique qui prend soin de se prendre en photo « à poil » sur un prie Dieu dans une église et qui fait de la photographie sa page d’accueil sur son compte Facebook est un sacré croisé de la liberté artistique qu’on ne peut que remercier pour son implication et son engagement.
En fermant le fichier, on remonte le texte et on s’aperçoit alors que présidait l’audience Madame le conseiller doyen Leprieur.
Il y a des jours comme ça….
Petite frustration, on aimerait tout de même jeter un œil sur le cliché. On trouve tout sur le net mais évidemment pas cette photo !
J’aurais tant aimé acheter son NFT.
Son NFT oui.
Quoi ? Vous ne savez pas ce que c’est ? La médiocrité de mon lectorat me désole.
Je fais le malin, je ne savais pas ce que c’était il y a 15 jours.
Je suis passé à côté cet été d’un autre article sur mon blog artistique et culturel préféré
Non Funjible Tonken : l’art et cryptomonnaie décryptée
Le NFT est donc, pour les incultes… un jeton non-fongible.
Les spécialistes de la formation professionnelle se souviendront avec délice de la « fongibilité asymétrique descendante » pratiquée dans les organismes paritaire gérant les fonds mutualisés (anciens OPCA).
Et bien, j’ai fait à peu près la même tête quand j’ai entendu cette expression la première fois et quand j’ai lu ce terme de Non Funjible Tonken. Avec décochage maxillaire les deux fois !
Non Funjible Tonken ?
Louis Vuitton & Evoss : « un ballon unique à porter l’histoire de France » Exceptionnel « ballon 1998 » Collectible unique associé à un NFT
1/11 ballon Vuitton signé
1 vidéoclip 1920×1080 durée 1min04s format MP4 avec son certificat NFT 1/1
Et puis on apprend que le British Museum, dans le cadre de son exposition consacrée à Hokusai s’est associé à la start-up française La Collection pour commercialiser des versions NFT de deux cents œuvres du Maître de l’estampe japonaise.
A l’heure où j’écris ces lignes, la Grande vague vaut 3271€.
Déjà que le marché d l’Art m’est étranger dans sa philosophie même alors s’il est lié à la blokchain.
Dans ce cas je vais retourner prier dans le plus simple appareil.
Illustration de l’entête: Les Plaideurs. Les gens de justice. Honoré Daumier (1808-1879)