Enfin une vraie biographie du général Dumas, loin des souvenirs particulièrement partiaux de son génial rejeton, biographie qui a bénéficié de l’accès pour l’auteur à des documents privés, encore jamais exploités.
Le général Dumas, une destinée comme l’époque révolutionnaire a permis de se réaliser, une destinée qui n’aurait jamais pu s’accomplir sous l’Ancien Régime et, il faut bien le reconnaître, eût très peu de chance de se réaliser de nos jours. Je n’ai pas écrit ne peut se réaliser, car il y a toujours une ou deux exceptions que l’on donnera, mais à l’époque de la Révolution et l’Empire, une période de moins de trente ans, des destinées « extraordinaires » sont nombreuses.
À cet égard, celle de Thomas-Alexandre, né le 25 mars 1762 de l’esclave Césette et d’Antoine Delisle, nom que portait à cette époque Alexandre-Antoine Davy de la Pailleterie, descendant d’une famille anoblie sous Louis XI, dont un ancêtre a combattu aux côtés de Jeanne d’Arc, par ailleurs ancien officier d’artillerie, parti faire fortune à Saint-Domingue. Le couple, non marié, aura en tout quatre enfants : deux garçons (dont un disparaît vite dans les pénombres de l’histoire) et deux filles. De part le droit issu du Code noir, les enfants ont le statut d’esclave. La bizarrerie aboutit à ce que le général se retrouvera propriétaire de sa mère et de ses sœurs. Mais un lien étroit lie le père et son fils, et quand il part en France recueillir l’héritage paternel, il amène avec lui le jeune Alexandre.
Ce dernier reçoit une très bonne éducation, dans la meilleure école de préparation au métier d’officier, endroit où il rencontre et sympathise avec le chevalier de Saint-George, le Mozart noir et un des plus grands escrimeurs de son époque (Dumas lui aussi sera un redoutable bretteur). En brouille avec son père (qui vient de se marier) il s’engage comme simple cavalier chez les dragons de la reine. Là, il y rencontre trois autres héros de la révolutions et de l’Empire : D’Espagne, de Beaumont et Piston. Trois d’entre eux ont leur nom gravé sur l’Arc de Triomphe.
Arrive la Révolution. Dumas non seulement s’y montre « brave » mais aussi bon tacticien. Quand Saint-George prend la tête de la nouvelle Légion des Amériques et du Midi, le 13e régiment de chasseurs à cheval le jeune capitaine Dumas (depuis une semaine) y est nommé Lieutenant-Colonel. Il continue de montrer sa bravoure et son attachement à la République, à l’inverse de Saint-George qui a eu une attitude plus qu’ambigu lors de la trahison de Dumouriez.
Très vite il devient général et se voit attribuer des commandement prestigieux : l’Armée des Pyrénées, puis celle des Alpes. S’il se couvre de gloire, il est souvent en butte aux intrigues des envoyés de la Convention dont Robespierre jeune qui souhaite promouvoir un jeune général d’artillerie, Napoléon Bonaparte.
Dumas sera de l’expédition d’Égypte et pas souvent en accord avec le chef de l’expédition. D’autant que ce dernier sait que c’était Dumas qui devait réprimer la tentative de coup d’état royaliste de Vendémiaire (un essieu de berline cassé l’empêcha d’arriver à temps) et que lui n’était qu’un « second choix ».
Le consulat et l’empire jetèrent Dumas, le républicain intransigeant, dans une semi-misère. Napoléon, qui était rancunier ne lui accorda jamais la solde qu’il lui devait (et qu’il refusa à sa veuve). Il décéda le 26 février 1806, laissant trois enfants et le petit Alexandre qui n’avait pas atteint sa quatrième année.
Claude Ribbe nous montre un homme parfois en butte au racisme, un militaire, strict dans la discipline, n’hésitant pas à entrer en conflit avec les représentants du pouvoir, demandant d’être relevé d’un commandement quand il pensait qu’il ne pouvait correctement remplir sa mission, comme en Vendée ou en Bretagne, un cavalier accompli doté d’une grande bravoure, un tacticien prudent mais efficace. Et aussi un homme fidèle en amitié et un époux tendre et amoureux. Bien sûr, comment ne pas penser avec Dumas, d’Espagne, Beaumont, Piston, aux Quatre mousquetaires de son génial fils, avec le rôle de d’Artagnan tenu par Dumas. Au demeurant voici une excellente biographie qu’il faut lire que l’on apprécie, ou pas, l’œuvre du fils et du petit-fils.
Le général Dumas
Né esclave, rival de Bonaparte et père d’Alexandre Dumas
éditions Tallandier. 19€90
Illustration de l’entête: Portrait d’un chasseur avec ses chiens dans un paysage (détail), dit Portrait d’Alexandre Dumas père. Huile sur papier (0,325m/0,25). Bayonne, musée Bonnat-Helleu. Photo (C) RMN-Grand Palais / Daniel Arnaudet