Les institutions de 1958 avaient été conçues pour mettre un terme au « régime des partis » qui avaient amené la crise finale de la IVème République. La personnalité du général de Gaulle avait fait du président « l’homme de la nation » au-dessus des enjeux partisans. Georges Pompidou avait essayé de poursuivre cet élan. L’élection en 1974 de Valéry Giscard d’Estaing, commence à faire évoluer le paysage : le président assume le fait d’être à la tête de sa majorité qu’il souhaite voir rassembler deux Français sur trois. Et en 1981, les deux blocs qui s’affrontent représentent bien la gauche et la droite. Depuis lors alterneront au pouvoir avec la régularité d’un essuie-glace, le parti socialiste et le parti de la droite classique (RPR, UMP, LR). Le « régime des partis » a investi l’élection présidentielle depuis 1974 et domine la vie politique durant quarante ans.
Les Français s’en étaient accommodés, mais ont fini par déchanter : la gauche et la droite se succédaient, l’une attendant son succès de l‘échec de l’autre, sans que les graves problèmes de l’emploi, du déclin industriel, du rapport à l’Europe, de la maîtrise de l’immigration soient résolus. Et l’élection de 2017 doit être comprise à cette lumière : les électeurs ont à leur tour mis fin au « régime des partis », choisissant un président qui n’était pas issu des appareils. Ils ont renvoyé les formations qui avaient dirigé la France depuis 40 ans, et ne paraissent pas le regretter puisqu’aujourd’hui elles sont ramenées pour l’une à 3 % dans les sondages, pour l’autre à 9 %. On n’observe pas de nostalgie du quinquennat Hollande, et la nostalgie du quinquennat Sarkozy s’évanouit.
Les deux pôles qui avaient structuré notre vie politique s’éteignent. Quel nouveau paysage émerge de cette période mouvementée ? A droite, l’aspiration à surmonter les divisions progresse : la plupart de ses électeurs voient d’un bon œil l’alliance allant de Laurent Wauquiez à Eric Ciotti, en agrégeant Eric Zemmour, voir Marion Marechal. L’exemple de l’Italie semble leur montrer le chemin, celui d’une droite plus marquée par les enjeux identitaires, de sécurité, de contrôle de l’immigration, et fidèle aux principes d’une économie libérale. Ce sera l’un des deux pôles qui structureront la vie politique française demain.
L’autre pôle se constituera autour du président élu, amené par la simple géographie électorale à resserrer les rangs des « républicains des deux rives ». Et la gauche dans ce nouveau paysage ? Une grande partie de ses électeurs a déjà rejoint la future majorité en comptant bien y faire valoir son influence ; face à une droite radicalisée, elle sera entendue. Une autre partie risque de se trouver « cornerisée », fidèle aux clivages politiques traditionnels, mais sans capacité de rassemblement et encore moins d’hégémonie. Les deux nouveaux pôles se mettent en place : c’est un glissement sismique qu’il est nécessaire de saisir pour comprendre ce qui arrive à notre pays.