L’Histoire adore les paradoxe et les légendes. Allez à Florence, regardez le portique des Offices et vous verrez une magnifique statue de Jean des bandes noires… sculptée au XIXè siècle. Il y a bien, gravé dans la pierre : Giovanni delle bande nere. Or il apparaît que du vivant de l’homme ainsi représenté, jamais il n’a eu ce surnom, mais celui de Giovanni l’invincible !
Jean de Médicis est un rejeton de la branche cadette des maîtres de Florence. Un aristocrate, soit, mais éloigné du pouvoir. Quand on a un, puis deux oncles papes, cela aide quelque peu pour faire carrière, mais cela ne suffit pas, il faut bien d’autres choses.
La biographie que lui consacre Florence Alazard nous permet de revivre, non seulement une phase des Guerres d’Italie, mais aussi la création d’un mythe. Mort à 28 ans en 1526, c’est le condottiere le plus renommé de son époque. On a même avancé que François Ier aurait dit que le désastre de Pavie n’aurait pas eu lieu s’il avait été présent.
Jean de Médicis, n’ayant aucune appétence pour la carrière ecclésiastique, choisit très vite le métier des armes qui allait très bien avec son caractère emporté, violent, colérique, rancunier. Il est banni de Florence pour avoir tué quelqu’un lors d’une rixe, passe son temps dans les bordels de Rome, il y attrape la syphilis (« le mal français » comme l’on disait alors) et probablement contamine son épouse Maria qui en mourra. Il dépense sans compter mais surtout apprend le métier des armes.
Progressivement, dans cette Italie ravagée par les guerres entre états mais aussi entre les ambitions françaises et l’Empereur, il devient un condottiere particulièrement renommé. Il est adoré de ses hommes, montrant son charisme certain, bien qu’il fasse régner une discipline de fer. Chef de guerre, mais dans le sens du début de ce XVIè siècle : il ne participe pas à une des grandes batailles de l’époque (Marignan, Pavie, la Bicoque, etc.), mais multiplie les embuscades, les raids, et pratique un harcèlement continu contre les troupes de l’ennemi.
C’est un condottiere, alors il se vend au plus offrant. Soit, c’est un Médicis, alors il sert avant tout Florence et la papauté (Léon X et Clément VII sont de sa famille), mais il est capable de changer rapidement de camp, parfois par amour propre. Par deux fois il va servir le roi de France qui l’accueille avec magnificence.
Blessé une première fois à la jambe, il ne peut soutenir François Ier juste avant Pavie. Blessé à nouveau lors d’une escarmouche, il décède après l’amputation de sa jambe à 28 ans. Dés sa mort, des rumeurs sur un potentiel empoisonnement font jour, il faut dire qu’il est soigné par le médecin du duc de Mantoue, loin d’être un ami.
Vie courte d’un chef de guerre au caractère fort peu sympathique (et je ne vous parle pas de son rapport aux femmes et aux tourments qu’il cause à son épouse Maria) mais talentueux comme meneur d’hommes. Il serait sûrement passé, comme bien d’autres condottieres, dans les oubliettes de l’histoire, si son meilleur ami n’avait pas été l’Arétin, mais surtout si son fils unique, dix ans après sa mort et indirectement grâce à Lorenzaccio, arrive au pouvoir à Florence. Côme Ier pour asseoir son pouvoir fait revisiter la vie de son père pour en faire un héros.
Et la réécriture de l’histoire va continuer… Au XIXè siècle, il passe pour un des premiers à avoir lutter pour la création de l’Italie, et que dire de la période fasciste qui le récupère dans sa propagande. Et depuis, même de nos jours, il fait partie des grands héros fondateurs de l’Italie.
Alors pourquoi ce surnom de Jean des bandes noires. Pour Brantôme (qui n’était pas italien, loin s’en faut), c’est parce que ses soldats ont mis des bandes noires en signe de deuil après la mort de Léon X. Or, à cette époque, tous les témoignages montrent qu’il n’en fut rien, Jean arborant toujours les couleurs des cadets Médicis : le blanc et le violet. Il apparaît que ces fameuses bandes noires ont été portées, soit en signe de deuil, après la mort de Jean. Et comme ses troupes ont continué les combats avec bravoure sous la direction d’anciens compagnons d’armes du Médicis, progressivement ce surnom s’est imposé.
Voilà une biographie qui nous plonge dans les guerres d’Italie et surtout dans le milieu des condottieres, ces chefs de mercenaires qui étaient tout aussi bien loués pour leurs qualités militaires que par la crainte qu’elles causaient même aux cités états qui les employaient.
Jean des bandes noires
Florence Alazard
éditions Passés/Composés. 22€
Illustration de l’entête: Jean de Médicis, dit « Jean des Bandes Noires», et son épouse Maria Salviati (détail), par Giovanni Battista Naldini (1535-1591)
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