Dans la liste des « plus vieux métiers du monde », à côté de la prostitution, nul doute l’espionnage occupe une bonne place. Il suffit de lire les classique grecs pour comprendre que cette activité avait droit de cité dès l’Antiquité. Si l’on trouve dans les archives des traces d’actions à lier indéniablement à des activités d’espionnage, une étude précise et minutieuse de celles-ci à partir de la moitié du Moyen Âge nous permet d’étudier ce phénomène qui va, en quelque sorte, devenir une activité propre à l’État sous Louis XI.
L’auteur, Vincent Baricault, pose dans une brillante présentation digne d’un cours de toute bonne académie ou école du renseignement, parfaitement le cadre. Ainsi, qu’est ce qu’espionner, quels en sont les acteurs, quel en est la finalité, le contenu ? À la base c’est la différence entre une information et un renseignement : une information est un fait non vérifié, qui peut d’ailleurs se résumer à une rumeur, voire même avoir été mis sur la place publique pour fausser l’analyse de l’autre qui, par voie de conséquence, prendra une « mauvaise décision » pour lui. A l’heure des réseaux sociaux et des conflits tant militaires qu’économiques nous appelons ce phénomène des « fake news » et avons pris conscience qu’il existe des officines qui lui sont dédiées. Le renseignement, quant à lui, est un fait qui a été vérifié, recoupé à travers d’autres sources aussi bien humaines que visuelles.
Le renseignement a pour but de permettre au décideur de prendre la meilleure décision pour lui, pour sa politique, pour ses intérêts.
Pour que l’on puisse parler d’espionnage, il faut donc un décideur qui questionne, une phase de recherche, c’est durant celle-ci que les « espions » agissent, une phase de recoupement et d’analyse qui aboutit à un bilan. Trois solutions s’offrent au décideur : il peut demander de nouveaux renseignements, il peut archiver ce bilan qui sera utile plus tard, il peut déclencher une action.
L’espionnage emploie divers acteurs, surtout au Moyen Âge : les ambassadeurs qui représentent l’autorité mandante, les « espions » qui sont là pour recueillir le plus d’information possible, les messagers qui sont chargées de transmettre ces informations vers leur « employé ». Valentin Baricault, à travers de nombreux exemples dont celui de Commynes, exemple parfait de l’acteur de l’espionnage, nous détaille le rôle de chacun, mais aussi les supports de la transmission des informations : oral, écrits, la nécessité d’avoir des réseaux qu’il faut activer en temps que de besoin, etc.
L’espionnage, comme le montre l’auteur, est devenu à cette époque un élément fondamental dans la stratégie militaire. Ses précédentes études sur les premières croisades lui permettent de nous donner des exemples « parlant » dont l’attaque de la caravane égyptienne par Richard Cœur de Lion. Mais aussi, l’espionnage est fondamental en temps de paix : il est particulièrement utile de connaître les forces de son voisin, ses intentions, ses stratégies pour pouvoir élaborer sa propre stratégie, la plus efficace pour défendre ses intérêts. Être parfaitement renseigner lors des négociations des traités de paix s’avère être particulièrement précieux, comme le montre l’exemple de Philippe le Bon lors de la négociation autour des frontières suite au traité de paix avec Charles VII.
L’espionnage a été au Moyen Âge le fait aussi bien des chefs militaires, mais aussi de toute entité politique dont les communes. Il faut lire le passage sur la ville de Châlons en Champagne pour comprendre, non seulement les peurs et les craintes de cette époque de guerre entre les Armagnacs et les Bourguignons, mais aussi les moyens mis en place par les édiles pour avoir les meilleurs renseignements possibles et pour détecter les espions ennemis.
C’est sous Louis XI que l’espionnage devient un quasi monopole du pouvoir central avec la création de la « poste » permettant la vitesse de l’information et en interdisant, sous peine de mort, l’espionnage « privé ».
Valentin Baricault nous offre une étude intéressante de ce phénomène peu étudié en France au contraire de nos amis américano anglo saxon. Il montre parfaitement, à travers des exemples clairs et précis, le fonctionnement de l’espionnage qui, de fait perdure toujours sur les mêmes grands principes, de nos jours.
L’espionnage au Moyen Âge
Valentin Baricault
éditions Passés Composés. 19€50
Illustration de l’entête: Bataille de Roosebeke. Grandes Chroniques de France de Jean Froissart, gravure de Léopold Massard
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