S’il y a bien un sujet qui fait polémique dans nos sociétés, c’est bien l’attitude du Vatican et du Pape Pie XII (1876-1958) lors de la Seconde Guerre mondiale face au nazisme en général et à l’extermination des Juifs en particulier. Pour les uns, le Pape a fermé les yeux, n’a strictement rien fait, voire même s’est réjoui de ce génocide, pour d’autres, « il a essayé de sauver les meubles » et a permis le sauvetage de milliers de Juifs.
Il fallait un historien comme Andréa Riccardi pour tenter de percevoir la « vérité » ou tout au plus de comprendre l’attitude du Vatican avec non seulement les mentalités, les cultures de l’époque, mais aussi avec les données dont il disposait. Ce travail n’a été possible que quand le Pape François a décidé d’ouvrir les archives du pontificat de Pie XII en 2020. Au moins, la communauté scientifique allait avoir les documents de l’époque qu’il fallait devoir étudier et analyser au-delà les a-priori de tout un chacun.
Un premier constat, la personnalité d’Eugenio Pacelli, élu Pape en 1939 est complexe. C’est un homme intelligent, un juriste brillant qui fait une très belle carrière dans la diplomatie vaticane. Quand il est nonce apostolique auprès de la République de Weimar il se dit effrayé par Mein Kampf et ressent de la répulsion pour la personnalité de son auteur Adolf Hitler est évidente.
Sa nomination en 1930, à la surprise générale, comme secrétaire d’État de Pie XI, lui permet de bien connaître tous les rouages du Vatican. Il est le principal négociateur du concordat avec l’Allemagne en 1933 et émet de nombreuses protestations face à toutes les violations qu’opère le pouvoir nazi. Tout comme Pie XI, il est absent à Rome en 1938 lors de la visite d’Hitler et rédige les protestations contre les lois antisémites décrétées par Mussolini.
En 1939, il est élu Pape. Moins rugueux que son prédécesseur, c’est n’oublions pas un diplomate, il se montre moins ferme en public contre les nazis, essaie d’éviter la guerre et surtout il veut rester neutre. De fait durant toute la guerre, le Pape est très attentif aux menaces qui pèsent sur les catholiques en général et particulièrement en Pologne.
S’il souhaite que le Vatican reste neutre, il ne veut pas être accusé comme Benoît XV d’avoir penché pour un camp lors de la Première Guerre mondiale et, en plus, il a conscience qu’il est sous la perpétuelle surveillance de la police fasciste et sous la menace des nazis après l’occupation allemande de 194. Un homme, un état sous surveillance constante.
Quoi qu’il en soit, il publie de nombreuses encycliques condamnant les Allemands, l’idéologie nazie, les exactions dans les pays occupés, cela avec toujours la volonté de préserver les catholiques, ce qui eut le dont d’irriter quelque peu le pouvoir nazi qui alla jusqu’à brouiller les émissions de radio Vatican. Il faut dire que dès 1941, le Vatican est au courant de l’élimination systématique des Juifs. Pie XII proteste auprès de Ribbentrop et dans un message radiophonique à Noël 1941 puis en 1942, ce qui fait dire aux nazis que : « le Pape se fait le porte parole des Juifs, criminels de guerre. »
Pour autant quand les Allemands entrent à Rome, ils n’occupent pas le Vatican, mais le Pape n’a plus aucun pouvoir, Il est totalement impuissant devant le massacre des fosses adréatines. Pour autant, il agit positivement, mais pas assez pour certains à l’égard des Juifs de Rome. Ainsi, plusieurs centaines d’entre eux trouvent refuge au Vatican et des milliers dans les monastères. Le Pape entretient des liens personnels avec le grand rabbin de Rome Israel Zolli (qui se convertira au catholicisme à l’issue de la guerre) permettant le sauvetage de milliers de juifs. Mais à noter qu’à la fin du conflit il ouvre le Vatican à des soldats allemands en déroute, mais surtout, publiquement distingue formellement les nazis des Allemands.
A l’issue de la guerre, la personnalité du Pape est très positive, en particulier dans la communauté juive de Rome. Mais dès son décès les repproches, les critiques apparaissent, selon certains chercheurs, Hitler a décidé le génocide des juifs car il était persuadé que le Pape ne réagirait pas.
Les travaux des historiens, maintenant que les archives de cette époque sont ouvertes, dessinent, comme d’habitude, une vérité beaucoup plus nuancée. Soit, il y a eu bien trop de « silences » au regard des nouvelles dont disposait le Vatican concernant les territoires occupés par les nazis. Mais ces « silences » ne concernaient pas que les Juifs, mais toutes les autres populations persécutées par les nazis. Il ne faut jamais oublier que la position du Vatican était avant tout d’avoir une position qui n’aggrave pas la situation en général et des catholiques, en particulier. Il est certain que la Curie était composée d’hommes de leur époque, emplis d’un anti-judaïsme profond. Le cardinal Tisserrant qui était très critique sur la politique vaticaine, y était très minoritaire.
Pie XII est, comme nous l’avons écrit, très intelligent, totalement conscient de ses silences, soucieux de garder un chemin sur le « juste milieu ». C’est dans les circonstances un homme en grande difficulté, craignant quotidiennement de faire « le faux pas » qui entraînerait l’occupation (et la fin) du Vatican ou tout au moins qui le priverai des moyens de communication à sa disposition. S’il est anti-communiste, il est difficile de le percevoir comme anti-sémite à l’inverse de bons nombres de personnages de son entourage.
Non Pie XII n’était pas un saint, mais un homme qui a du diriger la communauté catholique à la pire époque de son histoire. Il n’avait aucun goût, attirance pour le martyr. Ainsi a-t-il essayé de combattre l’idéologie nazie, pas assez fortement pour certains, avec tous les moyens à sa disposition pour les autres.
Grâce à Andrea Riccardi, nous pouvons, quantiquement jour par jour, suivre les questionnements et les réponses aussi qui se sont posées à Pie XII, le chef du Vatican.
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À la grâce de Dieu Les Églises et la Shoah
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Le Pacte entre Hitler et le Vatican, le Concordat du Reich, un dossier brûlant
La guerre du silence
Pie XII, le nazisme, les juifs
Andrea Riccardi
éditions du Cerf. 25€
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