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Scandales au British Museum, disparitions et enquêtes

par Pierre-Alain Lévy

Something is rotten in the British Museum, ou en français dans le texte et d’après Shakespeare bien entendu, «Il y a quelque chose de pourri au British Museum ! Le musée est au coeur d’un scandale sur la disparition, pour ne pas dire le vol et le trafic d’objets d’art de ses collections et vendus sur E-Bay. La presse britannique titre à la une sur les disparitions d’objets, les évaporations (disons plutôt les vols) commis dans le vénérable musée de Londres. Factus Horribilis, un conservateur du British Museum, expert reconnu dans le domaine des antiquités grecques, est au coeur du dispositif.

Nous nous sommes intéressés à ce nouveau scandale qui entache ce grand musée et nous avons fait notre enquête. Au de la de l’aspect criminel de l’affaire, l’attitude des autorités de tutelle et au premier chef de la direction du musée, a de quoi surprendre. Çà sent déjà le thé de Ceylan, le cuir des vieux chesterfields, et l’odeur de la custard qui nappe un bon gros pudding, nous attendons la suite.

Tout a commencé le 16 août par un communiqué de presse du musée informant qu’une enquête était en cours «que des objets de la collection ont été trouvés manquants, volés ou endommagés». L’ampleur de ce vol ou de ces dommages n’est pas précisée, mais le musée a révélé qu’un membre du personnel avait été licencié et qu’une action en justice avait été engagée contre la personne en question et dont le nom n’a pas été rendu public.

La police a immédiatement ouvert une enquête et les plus hautes autorités du musée indiquèrent par la voix d’un de ses anciens administrateurs, Sir Nigel Boardman et de la chef de la police Lucy D’Orsi, «que des recommandations concernant les futures dispositions en matière de sécurité étaient envisagées », et qu’«un programme vigoureux pour retrouver les objets manquants» allait s’appliquer. À ce débordement de précisions qui éclaire l’affaire, le musée ajouta que les objets n’étaient gardés «que pour des motivations académiques et à fins de recherches». Parmi ces objets des pièces d’orfèvrerie en or et des pierres semi-précieuses allant du 15è s av. JC au 19è siècle.

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Les autorités ont tenu à contenir le scandale, ainsi le directeur Hartwig Fischer insistant sur le fait qu’il s’agissait d’une situation « tout à fait inhabituelle ». En présentant ses excuses pour toute l’affaire, il a également assuré le public précisant « nous avons maintenant mis un terme à cette affaire – et nous sommes déterminés à redresser la situation ». L’occupation du poste de directeur par Hartwig Fischer prendra également fin en 2024. Que ne dira-t-on pas la subtilité de l’euphémisme et de la litote en anglais !

Jusqu’au président du musée et ancien Chancelier de l’Échiquier, George Osborne, qui y a même vu l’occasion d’intégrer le vol dans une stratégie de réforme de l’institution. « Cet incident ne fait que renforcer le bien-fondé de la réorganisation du musée que nous avons entreprise ».

Peter John Higgs
©D.M

Un certain Peter John Higgs, conservateur au département des antiquités grecques, semble être l’un des personnages pivots de cette carambouille. Ce petit détail est au demeurant d’autant plus cocasse quand on a à l’esprit la question de la restitution des marbres Elgin à la Grèce (affaire toujours pas terminée et dont on a déjà fait état à plusieurs reprise dans WUKALI). Ce dernier Peter John Higgs a été discrètement conduit vers la sortie et licencié le 5 juillet dernier.

Il semblerait selon certains rapports que le nombre d’objets disparus s’établisse entre 1500 et 2000 et que Higgs ait agi sur une période de 20 ans. Certains objets ont été directement mis en vente sur E-Bay et, humour superbement anglais, vendus à des prix défiant toute concurrence, tel un bijou romain en onyx valorisé ente £25000 et £50000, et parti sur E-Bay à £40 (1£ =1€17).

Pour le quotidien britannique Daily Mail « M. Higgs a été décrit comme l’un des meilleurs experts britanniques en matière d’objets antiques grecs et méditerranéens. Conservateur des collections grecques du musée, il faisait également partie de l’équipe des « Monuments Men » du British Museum, chargée de retrouver les objets pillés et de les restituer à leur pays d’origine ou de les exposer à Londres.

Sa famille affirme qu’il est innocent et qu’il lavera son nom. Son fils Greg a déclaré aujourd’hui : « Il n’a rien fait. Il n’est pas du tout heureux de cette situation. Il a perdu son travail et sa réputation et je ne pense pas que ce soit juste. Cela ne pouvait pas être [lui]. Je ne pense pas qu’il manque quoi que ce soit, pour autant que je sache».

Un laxisme étonnant

Déjà en 2016, un expert en antiquités anonyme cité dans un rapport du Telegraph a commencé à noter plusieurs listes d’objets en verre et de pierres semi-précieuses sur le site de commerce électronique. Des pièces de la collection Townley d’artefacts gréco-romains, que le musée a commencé à acheter en 1805, ont été repérées par un expert sur eBay et proposées par un vendeur se faisant appeler «sultan1966». Sultan1966 s’est montré peu coopératif avec l’expert en question lorsqu’il a été interrogé sur un éventuel lien avec Higgs.

Plus tard, en juin 2020, le musée est informé de l’affaire. En février 2021, la BBC révèle qu’un marchand d’art du nom d’Ittai Gradel a alerté l’institution sur la vente en ligne de certains objets. Le directeur adjoint, Jonathan Williams, a mis cinq mois à réfuter cette allégation :  «il n’y a aucune suggestion d’actes répréhensibles». Peu convaincue, Mme Gradel s’est adressée à un membre du conseil d’administration du musée, affirmant que M. Williams et M. Hartwig Fischer avaient balayé  «tout cela sous le tapis». En octobre 2022, Fischer a répété qu’ «aucune preuve» de malversation n’avait été identifiée.

Le magazine The Economist, réagissant à l’affaire, a suggéré que s’emparer de tels objets dans un musée «est plus facile qu’on ne le pense». Mais ce qui importe également, c’est la réponse du musée aux allégations de vol. Comme le dit Christopher Marinello (PDG du groupe Art Recovery, NDLR), les cas de vol ne sont pas inhabituels, mais le fait que le British Museum n’ait pas fait intervenir la police  «tout de suite» est tout simplement  «choquant». L’affaire Higgs le laisse entendre et risque de donner du tonus à ceux qui cherchent à récupérer les diverses collections déposées au British Museum au fil des ans. Pour les anglicistes : «the fish rots from the head» ( le poisson pourrit toujours par la tête), à méditer !

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