Avec ce titre, Ce qu’il reste à faire, Marie de Chassey signe son premier livre. Une écriture pudique, sensible et retenue pour dire l’amour. Un très beau roman.
Judith n’a pas encore 25 ans, Judith n’aura jamais 25 ans. Judith est atteinte d’une forme de cancer rare qui métastase dans tout son corps dans ses os. Elle est revenue dans sa chambre d’enfance et d’adolescence. C’est sa mère Florence qui a voulu qu’elle soit hospitalisée à domicile et non dans un service de soins palliatifs.
Florence sa mère qui s’est occupée seule de sa fille (le père étant partie sans laisser de nouvelles à l’annonce de la grossesse). C’est elle qui l’a élevée, soignée, choyée, soutenue. C’est elle qui a affronté la crise de l’adolescence, qui l’a rassurée, calmée, comprise. Florence sait, au plus profond d’elle même qu’il n’y a qu’elle qui comprenne Judith, même sans mot, qui sait ce qui est bien pour elle. Pour Judith, elle sacrifie tout : son travail de traductrice, ses amis, ses sorties. Elle vit continuellement avec elle, attentive au plus petit changement, au moindre bruit, au moindre signal provenant de tous les appareils médicaux qui aident Judith à lutter. Ses journées sont rythmées par la venue de Théo, l’infirmier qui vient donner les soins qu’elle ne peut prodiguer, et, parfois, rarement, par la visite des amis de Judith.
Florence s’épuise, elle ressent une sorte de jalousie à cause du lien qui se tisse entre Judith et Théo, d’autant que ce dernier pense qu’elle ne pourra pas s’occuper correctement de sa fille dont son état se dégrade progressivement. Mais pourquoi poser des questions à Judith, elle sa mère sait très bien ce qu’il lui faut ? Mais face à l’agressivité de plus en plus importante de Judith, vis-à-vis d’elle, elle finit par comprendre Théo, quand il lui disait qu’elle ne devait pas la laisser prendre un peu de plaisir même si c’était mauvais pour sa santé et, surtout « cesser de vouloir la retenir ». Elle prend conscience que tout ce qu’elle fait c’est avant tout pour elle, pour refuser la réalité, qu’elle a une forme de déni, déni qui, de fait est contre productif pour Judith. Quand cette dernière entre en soin palliatifs, la relation mère/fille redevient fluide, complice.
Ce qu’il reste à faire, ce livre écrit par Marie de Chassey, est un très beau roman sur les aidants, sur ces personnes qui se dévouent pour assister un proche dans leur fin de vie. Ils se sacrifient littéralement, se dévouent entièrement à l’être cher. Mais, nous dit l’autrice, il se peut que ce sacrifice, réel, soit teinté d’égoïsme, de déni du réel et ne réponde pas exactement aux attentes du patient. C’est un roman aussi sur les soins palliatifs dont la définition est « tout ce qu’il reste à faire, quand il n’y a plus rien à faire ». Les soins palliatifs sont un vrai métier, ceux qui y travaillent ont des qualifications spéciales, se sont des professionnels. Cela ne veut pas dire que les aidants sont exclus, au contraire, ils sont nécessaires aux patients. Tout est une histoire de complémentarité : d’un côté les « techniciens », pleins d’empathie, et de l’autre l’amour, l’immatériel, ce lien qui s’est tissé entre deux personnes au fil du temps depuis longtemps.
Il est très difficile sans tomber dans le pathos ou le larmoyant d’écrire sur la fin de vie. Marie de Chassey, dans son premier roman, ne tombe pas sur ces écueils, bien au contraire, elle nous livre des pages d’une grande humanité, d’amour et de compréhension.
Ce qu’il reste à faire
Marie de Chassey
éditions Alma. 16€
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