Qui ne connait pas l’écrivain « régionaliste » et plus précisément de l’Aveyron, Daniel Crozes, l’auteur d’une longue œuvre à travers laquelle il fait vivre, revivre cet endroit d’une très grande beauté. Il n’y a pas que les gorges de la rivière qui a donné son nom au département, mais des paysages, des monuments sans nombre. Mais je ne suis pas l’auteur d’un guide touristique et ne vais pas vous faire le panégyrique de ce lieu béni des dieux, et ce n’est sûrement pas Daniel Crozes qui me démentira !
Dans ce nouveau roman, La Femme du diable, il nous retrace, sous les traits, le nom d’emprunt de Marianne Cancellier, le combat, lors du début de la Première Guerre mondiale d’Antoinette Durand de Gros, qui fut célèbre en son temps, mais que l’histoire a eu tendance à oublier. C’est une militante de la cause ouvrière, plus anarchiste que communiste, défendant l’idée d’une égalité parfaite entre les sexes, dotée de vrais talents d’organisatrice, elle fut même qualifiée de « femme la plus dangereuse d’Europe », ce qui montre bien l’efficacité de son activisme. Par certains côtés, elle est la digne héritière des grandes figures féminines du XIXème siècle que furent Flora Tristan ou Louise Michel.
Nous sommes au début de la guerre de 14/18, Marianne arrive à partir de Bruxelles juste avant l’arrivée des troupes allemandes pour assister à l’enterrement de l’homme de sa vie qui vient de brusquement décéder. De là, elle part au château de Lagarde, le bâtiment qui reste de l’héritage de ses parents. Elle a été obligée de vendre à son cousin (dont elle est proche) l’exploitation agricole qu’elle a voulu gérer (ce qui lui a valu bien des déboires et l’animosité des autres propriétaires terriens qui refusaient l’idée des journées de 8 heures). Du fin fond de l’Aveyron, elle continue son combat : elle se bat pour que les femmes qui ont droit aux subventions dues au départ de leurs maris au front leur soient bien données; Par ailleurs, elle continue son métier de journaliste, ses articles sur le travail des femmes en période de guerre lui valent l’animosité de plus d’un notable, de plus d’un « monsieur au chapeau haut », elle est aussi volontaire auprès de l’hôpital de Rodez qui soigne des soldats blessés, elle aide à l’accueil des Allemands réfractaires, Belges, Français du Nord obligés de s’exiler. Il faut dire que leur venue est particulièrement mal perçue par une grande partie de la population locale : on retrouve à cette époque, et en période de guerre qui plus est, les mêmes sentiments xénophobes qu’actuellement (ne veulent pas s’intégrer, voleurs, violents, souvent protestants donc ayant une religion de haine, prêts à tout pour prendre le travail aux Français, et j’en passe). Une femme suractive qui pense d’abord aux autres avant elle-même et qui croit en la bonté des hommes et à leur amélioration intellectuelle et sociale. Pour autant, elle n’est pas pacifiste, pour elle, il y a un ennemi, il y a des barbares et il faut les combattre, les vaincre pour que le règne de la fraternité entre les hommes puissent enfin voir le jour. Un journaliste local, Vincent Chaumes, l’admire et veut écrire sur elle, et c’est à travers leurs échanges qui se font de plus en plus étroits, qu’elle raconte sa vie, ses combats, ses victoires mais aussi ses échecs.
Avec grand talent Daniel Crozes fait revivre la mémoire d’une grande militante qui agissait sans idéologie, qui ne voulait « choquer » personne, qui était contre toute violence (elle a été horrifiée par la révolution russe) mais surtout qui a mené sa vie en harmonie avec les idées de liberté et de fraternité auxquelles elle croyait. D’où les haines à son encontre des bien-pensants de son époque. Une grande figure de l’histoire de l’humanité à (re)découvrir.
La femme du diable
Daniel Crozes
éditions du Rouergue. 22€
Illustration de l’entête: Femmes travaillant aux champs en Auvergne pendant la guerre de 14-18
_________________
Vous souhaitez réagir à cette critique
Peut-être même nous proposer des textes et d’écrire dans WUKALI
Vous voudriez nous faire connaître votre actualité
N’hésitez pas, écrivez-nous : redaction@wukali.com
Notre meilleure publicité c’est VOUS !
Soutenez-nous et si vous avez aimé, merci de relayer l’article auprès de vos amis sur vos réseaux sociaux😇…