Deux tableaux sont au centre de cette exposition et éclairent le choix de son titre. Deux tableaux acquis récemment par le musée d’Orsay l’un Partie de Bateau (1877-1878) au cadrage frontal représentant un homme, en chemise et coiffé d’un haut de forme, ramant dans une barque, l’autre Jeune-homme à sa fenêtre (1876) représenté de dos, dominant et observant le nouveau Paris d’Haussmann.
Parmi les 65 peintures, 29 dessins, 34 photos, 10 pièces de costumes et accessoires présentés dans l’exposition, près de 70% des toiles de figures représentent exclusivement des hommes, tandis qu’à la même époque Manet ou Renoir par exemple s’étaient attachés à incarner « la vie moderne » plutôt dans des figures féminines ou des scènes de sociabilités mixtes.
Militaires, proches, passants, célibataires, canotiers avec lesquels le peintre et ses amis naviguent sur l’Yerres ou sur la Seine, ouvriers ou domestiques travaillant pour la famille, Caillebotte ne peint pas l’Homme mais des hommes ayant des existences particulières dont on peut découvrit les différentes facettes en parcourant l’exposition.
Chroniqueur pictural de l’existence « moderne » selon les mots du critique Gustave Geffroy, Gustave Caillebotte (1848-1894) donc peint la condition masculine qui est la sienne, celle d’un jeune bourgeois parisien, célibataire aisé, épris de liberté, de modernité mais aussi celle d’hommes appartenant à d’autres milieux que le sien dont témoignent deux œuvres emblématiques de sa modernité comme Raboteurs de parquets (1875) ou Peintres en bâtiment (1877).
Dans ces deux toiles qui marquent son engagement dans le réalisme et leurs nombreux dessins préparatoires où se lit une vraie admiration pour ces travailleurs manuels, artistes à leur façon, Caillebotte devient l’observateur du prolétariat parisien qu’il peint avec un mélange de naturel et de rigueur formelle, de franchise réalisme et de stricte ordonnance.
La modernité de la peinture de Caillebotte se situe aussi bien dans ses cadrages inattendus et ses compositions immersives que dans sa façon de faire entrer dans l’histoire de nouvelles figures, l’ouvrier urbain mais aussi le sportif ou l’homme nu à sa toilette non dénué d’un certain érotisme. Toutes ces images interrogent la notion de virilité, valeur fondamentale, dans la France du XIXe siècle, nuancée chez ce peintre par des portraits plus « féminins » d’hommes de la bourgeoisie, passant leur temps en jouant aux cartes ou en regardant la ville depuis leurs balcons.
Travailleur acharné, témoin de son temps, Caillebotte sillonne les larges boulevards de sa ville reconstruite par Haussmann, du quartier de l’Opéra à celui de l’Europe et de la gare Saint Lazare, jusqu’au large boulevard Haussmann. Sur la toile il multiplie les plans vertigineux des rues en angles plus ou moins aigus, de balcons suspendus au-dessus des cimes des arbres, de contre-plongées où le ciel disparaît.
A ses qualités d’artiste témoin de son temps il convient d’ajouter celles d’un homme généreux qui a soutenu moralement et financièrement beaucoup d’amis peintres en achetant des toiles notamment à Renoir et Monet, Pissarro, Sisley, Degas et à d’autres, mais aussi en léguant sa collection impressionniste à l’État en 1876.
Gustave Caillebotte, Peindre les hommes.
Musée d’Orsay, du 8 octobre 2024 au 19 janvier 2025.
Illustration de l’entête: Homme s’essuyant la jambe (1884). Huile sur toile 125/100cm (collection particulière)
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