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Records battus chez Christie’s à New York avec la vente de L’empire des Lumières de Magritte

par Pierre-Alain Lévy

Tout à la fois un événement mondain mais aussi un marqueur ( le mot est à la mode), du marché de l’art, les nocturnes d’automne 2024 et autres mises en enchères chez Christie’s à New York ont dépassé les espérances et les pronostics que l’on pouvait envisager pour la vente de peintres modernes ( si le mot a toutefois un sens !).

Il est vrai que le programme ( oui c’est aussi un spectacle), la vente de la collection Mica Ertegun avait de quoi allécher ou provoquer de nombreuses réactions.

Ainsi des peintures des artistes proposées et dont voici une liste non exhaustive: Ed Ruscha, Roni Horn, Sarah Sze, Ana Mendieta, Susan Rothenberg, Firelei Báez, Hilary Pecis, Sasha Gordon, Amédée Ozenfant, Denzil Forrester, Christian Schad, William Eggleston. Keith Haring mais aussi Jean-Michel Basquiat, Louise Bourgeois et Roy Lichtenstein pour des dessins.

Une vente (ou plutôt plusieurs ventes, tant les choix étaient diversifiés et leurs programmations planifiées) à New York dans les salons cossus du Rockfeller center que notre correspondant américain a pu suivre sur place, mais aussi une vente mondialisée par téléphone où les putatifs ( le mot me plait) acheteurs pouvaient proposer leurs enchères.

Allons droit au but et parlons gros sous, toute autour de cette session de ventes, toute la collection Mica Ertegun a été vendue pour atteindre la coquette somme de $183,915,000. vendant 100 % par lot, 100 % par valeur, et 132 % au marteau et à la prime par rapport à l’estimation basse (sources Christie’s).

Olécio partenaire de Wukali
René Magritte (1898-1967), L’empire des lumières, 1954. Huile sur toile. (145.4 x 113 cm). Collection Mica Ertegun.
Vente Christie’s. New York 19 novembre 2024

Bien entendu quelques oeuvres pivots marquaient cette vente notamment quelques peintures. De Magritte tout d’abord, L’empire des lumières, une huile sur toile de 1954 vendue 121 160 000 $ ce 19 novembre soit un record pour cet artiste comme au demeurant pour une oeuvre surréaliste. Spectacle n’est-ce pas aussi (et cela n’a rien de dépréciatif), l’annonce du résultat des enchères suscita comme il me fut reporté un tonnerre d’applaudissements. D’autres peintures de Magritte passèrent également sous le maillet telles La Mémoire (1945) et La Cour d’amour (1960) vendus respectivement $3,680,000 et $10,530,000.

David Hockney partagea aussi les lumières avec Still life on a glass table ( Nature morte sur une table de verre) une nature morte de 1971 peinte à l’acrylique et vendue $19,040,000. Une peinture quelque peu intimiste et dont l’interprétation analytique renvoie à la vie privée du peintre.

Alberto Giacometti (1901-1966). Femme qui marche (II) Bronze avec patine brune, 146,2cm
Vente Christie’s XXè siècle. 19 novembre 2024

La peinture française était bien représentée avec une oeuvre de Amédée Ozenfant, La Source: Femme au broc une toile de 1927 atteignant l’enchère de  $1,008,000, ou encore La Bande verte de Jean Hélion.

Plus tard, le 19 novembre, une somptueuse Femme qui marche (II) de Alberto Giacometti, un superbe bronze avec patine brune datant de 1961 fut adjugé pour $26,630,000.

Comme le souligne la Fondation Giacometti au sujet de cette oeuvre; il s’agit en l’occurence d’une réalisation « créée durant sa période surréaliste, la Femme qui marche marque un retour de l’artiste à la représentation du corps humain.
C’est la première sculpture de Giacometti dont le motif est une figure en marche. 


Le thème est lié à Gradiva – roman de Wilhem Jensen, dans lequel un archéologue reconnaît en une jeune femme l’incarnation contemporaine d’une sculpture antique –, qui inspira aussi Sigmund Freud, Salvador Dalí et André Breton.
Cette représentation féminine rappelle l’art égyptien par ses formes stylisées et sa pose figée, le pied en avant entraînant une légère rotation des épaules. Sans bras, ni tête, le corps mince et délicat s’apparente à un objet archéologique et rappelle aussi la sculpture symboliste. Le thème de la figure en marche ne réapparaîtra qu’après la guerre.
»

Peintures américaines obligent, une huile sur toile de De Kooning ( né néerlandais puis naturalisé américain), précurseur de l’expressionnisme abstrait, City Landscape (1955) fut vendu $17,085,000 et une oeuvre sur papier de Roy Lichtenstein, George Washington (1962) atteignit pour cette catégorie le prix record de $7,068,000.

Nous ne manquerons dans un futur proche de réactualiser dans WUKALI, noblesse oblige, une étude sur la peinture américaine de l’après-guerre que nous avions publiée et des jeux d’influence considérables que sa montée en puissance signifiait non seulement sur le marché de l’art dont il est un épiphénomène, mais surtout eu égard aux rapports de force alors nés au sein du monde occidental pour ce qu’il conviendrait d’appeler de nos jours le «leadership», ou mieux mais en français, la souveraineté intellectuelle et artistique, politique et artistique, l’entropie culturelle en quelque sorte, le softpower comme l’on dit, bref une analyse «gramscienne»1 du rôle de l’art.

La vente qui se déroula de jour le 20 novembre chez Christie’s mit en lumière un incontournable Picasso, Trois personnages debout (1969, bâtonnet d’huile, pastel gras avec crayons sur papier qui se vendit pour $567,000

Pablo Picasso. Trois personnages debout. Bâtons d’huile, crayons de cire colorés et crayons sur papier. 44,4×31,5cm
Vente Christie’s, collection Mica Ertegun, New York, 20 novembre 2024

Une écuyère au bouquet sur un cheval (1955), une peinture sur papier de Marc Chagall estimée 500 à 700 000$ partit pour $1,008,000, quant à un Degas, Danseuse tirant son maillot (La Précaution), un très beau dessin, pastel et fusain mesurant 20/25cm, il atteignit la somme de $478,800.

Edgar Degas (1934-1917). Danseuse tirant son maillot (La Précaution). Pastel et fusain sur papier, 20x25cm, vers 1882-1885

Le sujet est intéressant et l’on peut le rapprocher d’une statue en bronze de Degas sur presque le même sujet ( Danseuse attachant le cordon de son maillot) et acquis par l’état avec la générosité des héritiers d’Edgar Degas et de la famille Hébrard en 1931, et aujourd’hui exposé au musée d’Orsay.

Quelques jours à New York de grande intensité et de concentration loin des tumultes ordinaires donc, le soir du 21 novembre d’autres ventes chez Christie’s toujours. Un Jean-Michel Basquiat retint l’attention pour un bâton à l’huile sur papier Untitled ( Sans titre), datant de 1982 qui provoqua une compétition d’enchères acharnées au téléphone et qui fut vendu pour $22,950,000

Jean-Michel Basquiat (1960-1988). Untitled, 1982. bâtonnets huile sur papier.(161.3 x 111.8 cm).
Vente Christie’s New York, 21 novembre 2024

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  1. Gramsci (1891-1937) était un philosophe et théoricien politique communiste italien, dont peut reconnaitre la validité de ses reflexions sur l’hégémonie culturelle et de l’importance des valeurs sensibles, artistiques et intellectuelles comme objets d’influence vis-à-vis des sociétés politiques et sociales ↩︎

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