C’est le genre de nouvelles que nous aimons bien, non point que nous ayons des pulsions sanguinaires et sadiques, mais c’est parce qu’elles permettent de révéler au grand public des connaissances académiques de recherches par le biais du fait-divers. Le petit bout de la lorgnette1 de l’histoire de l’art et de la vulgarisation scientifique si vous préférez. Voyons donc de quoi il retourne !
Tout pourrait débuter comme un feuilleton policier de télévision anglais: veste de tweed, marais, bruyères et un brouillard dense dans la lande irlandaise, un mort. Le décor est posé !
Tout commence en octobre 2023 en Ulster, près du village de Bellaghy dans le comté de Londonderry, quand un promeneur aperçut des ossements affleurant dans une tourbière. Il avisa aussitôt la Police. Aussitôt arrivés sur les lieux, les constables et autres détectives d’Irlande du Nord diligentèrent en premier lieu une enquête criminelle, depuis quand ces restes humains se trouvent ils là, à quand remonte donc cette mort ? Quelques jours après, le médecin légiste fit part de ses conclusions et déclara qu’il s’agissait d’une mort ancienne, celle d’un garçonnet décapité, le torse seul retrouvé, de quoi alimenter les gazettes locales. Glauque bien sûr !
Mort ancienne certes mais remontant quand même à 2000 ans, de quoi tempérer les instincts primaux. De la police, la première sollicitée, l’enquête passa alors aux mains des scientifiques des laboratoires et autres spécialistes. Si vous préférez (et en oubliant certes les sensibilités nationales d’Outre-Manche) c’est un peu comme si Sherlock Holmes demandait au Dr. Watson de prendre la suite d’une enquête !
Some more tea Dear ?
Si vous avez le coeur bien bien accroché et que vous continuiez à lire cet article ( ce dont je vous remercie!), les premières observations furent assez stupéfiantes. Un inspecteur de police du nom de Nikki Deehan, déclara alors à la presse que certaines parties de la peau du corps étaient intactes et « aussi roses que la vôtre ou la mienne », il précisa même que « le rein était malléable au toucher.»
C’est que çà conserve la tourbe, comme le whiskey d’ailleurs qui y trouve son eau ! Surtout que ce cadavre datait de 2000 à 2500 ans ! Des anthropologistes spécialisés en médecine légale donnèrent les résultats d’une datation selon la méthode du carbone 14, il s’agirait en fait du corps d’un garçon entre 13 et 17 ans.
Ce n’est pas au demeurant la première fois que l’on retrouve des corps d’individus ayant succombé dans les temps anciens et préservés dans des tourbières, sans mentionner bien entendu le corps entier d’ Ötzi, ce berger cueilleur retrouvé dans un glacier d’Autriche en 1991 et manifestement mort il y a 5300 ans !
Ces découvertes sont rendues possibles par les processus chimiques qui se produisent dans une tourbière : Peu de minéraux, des températures froides, peu d’oxygène et des niveaux élevés d’acide se conjuguent pour préserver un cadavre placé à l’intérieur. La conservation est également facilitée par les excrétions de la sphaigne, une variété de mousse, qui extrait le calcium des os et arrête la croissance bactérienne.
Cependant et en quelques mois, et après un transfert pour une étude plus complète au siège des laboratoire nationaux des musées d’Irlande du Nord, et la collaboration de différents centres de recherches dans le Royaume Uni et de l’Université de Glasgow en Écosse, l’on a estimé qu’il s’agissait non point du corps sans tête d’un garçon mais de celui d’une femme. On lui a même attribué un nom, comme c’est l’habitude en archéologie : la femme More de Ballymacombs.
Par ailleurs, Eileen Murph professeur spécialiste en bio-archéologie au Queen’s Hospital (Cliquer) a apporté les précisions suivantes: «La femme More de Ballymacombs avait entre 17 et 22 ans lorsqu’elle est morte et mesurait environ 1,7 mètre. Elle a vécu entre 343 et 1 av. J.-C., pendant la période préhistorique de l’âge du fer en Irlande, et les marques de coupure sur ses vertèbres cervicales suggèrent qu’elle est morte par décapitation. Des fragments de tissu ont également été retrouvés avec le corps ». On estime qu’elle a été décapitée lors d’un sacrifice rituel.
– Some more tea… ?
– No thanks, it was perfect !
1/ Un peu comme le sketch des routiers où Jean Yanne et son compère Paul Mercey, tous deux chauffeurs d’un poids-lourd, discutent des mérites d’une interprétation du Quatuor à cordes n° 6 de Beethoven.
Illustration de l’entête: Photo de la Police de l’Ulster, examen in situ des restes humains retrouvés dans la tourbière de Bellaghy
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