Accueil Actualités Festival de Pâques, une programmation avec audace et talent. Elim Chan, l’OSR et Renaud Capuçon

Festival de Pâques, une programmation avec audace et talent. Elim Chan, l’OSR et Renaud Capuçon

par Pétra Wauters

Un grand moment ce samedi 19 avril à 20h30 au Grand Théâtre de Provence d’Aix-en-Provence, avec l’Orchestre de la Suisse Romande, Elim Chan à sa direction et Renaud Capuçon au violon. Au programme : Ogonek, Strauss, Prokofiev.

La cheffe Elim Chan multiplie les collaborations avec des orchestres de premier plan, comme le Royal Scottish National Orchestra, l’Orchestre symphonique d’Anvers ou l’Orchestre de la Suisse Romande. Bref, on s’arrache Elim Chan, originaire de Hong Kong, à travers le monde.

Il faut dire qu’elle est remarquable, cette jeune femme de 38 ans (qui en fait beaucoup moins !) et, de toute évidence, elle est humble et sympa ! Ce samedi soir, elle dirige l’Orchestre de la Suisse Romande dans les suites de Roméo et Juliette de Prokofiev. Renaud Capuçon interprète le concerto pour violon du jeune Richard Strauss, un concerto qu’il vient d’enregistrer.

Elizabeth Ogonek : All These Lighted Things, trois petites danses pour orchestre
On ne connaît pas, et on est très curieux ! C’est formidable de mettre en avant des jeunes compositeurs et des œuvres récentes comme celles de l’Américaine Elizabeth Ogonek, au Festival de Pâques. Voilà qui vient enrichir la programmation, et crée un lien qui dialogue entre le répertoire classique et la création contemporaine. Le Festival de Pâques construit des ponts entre différentes générations d’auditeurs et d’artistes.

Elizabeth Ogonek est née en 1989, All These Lighted Things est une œuvre composée en 2017 pour l’Orchestre Symphonique de Chicago. Elle est joliment colorée et l’orchestration est plus complexe que le titre pourrait le laisser supposer. « Trois petites danses », mais que de textures sonores délicates, que d’harmonies sophistiquées ! Les défis de son interprétation sont évidents, notamment en raison des changements de rythmes très rapides. Un bel équilibre est trouvé entre les différentes sections de l’orchestre, car les musiciens doivent naviguer entre des passages très denses, compacts, et des moments tout en transparence, légers. Et tout cela, la cheffe l’exprime du haut de son estrade. Elle n’est pas très grande, mais elle paraît « immense » grâce à sa gestuelle éloquente, des gestes à la fois amples et doux qui racontent la partition et incarnent la musique ; les musiciens la regardent souvent, comme un phare qui clignote et donne des repères. On est fasciné par sa capacité à obtenir des couleurs si vibrantes de l’orchestre, tout en atteignant cette transparence lumineuse ; nous ne sommes pas les seuls à penser à Ravel, à son grand sens de la couleur et son goût pour la danse, même si les deux langages sont tout de même bien différents de Maurice Ravel,  plus proche de l’impressionnisme. 

Olécio partenaire de Wukali

Richard Strauss (1864 -1949) Concerto pour violon et orchestre en ré mineur, op. 8
Le Concerto pour violon en ré mineur, op. 8, est une œuvre de Strauss qu’il composa à 18 ans… seulement ! Il est moins joué que ses poèmes symphoniques ou ses opéras, mais honnêtement, c’est dommage, car il est magnifique.
Il y a toujours eu une belle alchimie entre le violoniste français Renaud Capuçon et les musiciens de l’OSR, notamment dans le répertoire romantique et français. Là, il s’agit de Strauss, et s’il n’est pas dans son répertoire de prédilection, on apprécie l’interprétation convaincante que le violoniste propose de cette œuvre. Il faut dire que l’excellente technique et la sensibilité du soliste sont la clé de la réussite, car rien n’est acquis d’avance :  Il y a de tels contrastes expressifs, des moments qui basculent entre lyrisme romantique et tension dramatique, qu’on imagine bien la difficulté à les maîtriser dans la partition.
Mais dans la salle, le son s’aventure, et durant tout le concerto, on a pu encore apprécier l’efficacité de la direction d’Elim Chan, qui trouvait le ton juste avec les gestes justes. Et ses sourires échangés entre tous les musiciens ne nous ont pas échappés. 

Après l’entracte,

Sergueï Prokofiev (1891–1953) Roméo et Juliette, extraits des suites n° 1 et n° 2
Un moment fort qui fait du bien ! Sur le plan technique, on admire la virtuosité présente à tous les pupitres. Les cordes, dans leurs passages rapides, nous éblouissent. Il y a une réelle maîtrise, avec des articulations ciselées, des changements surprenants dans les modes de jeu. On a aimé les vents, dans leurs solos de toute beauté, avec des phrases longues. Les cuivres sont brillants, sans vilain jeu de mot ; ils alternent entre puissance et douceur, entre le drame et l’apaisement.
Jamais évidente, une interprétation de Prokofiev ! Il y a des contrastes dramatiques soudains, des changements de couleurs inattendus dans cette œuvre complexe. Cela demande une grande concentration et exigence de la part de tous les musiciens. Une complexité qui fait que la coordination entre les pupitres s’avère indispensable, et la cheffe a un sacré rôle à jouer pour trouver l’équilibre sonore, et pour garder le côté expressif, si important dans de nombreux mouvements.
Et ce fut le cas : toute la palette émotionnelle d’un drame shakespearien a été déployée.

La haine entre deux familles en musique signifie des frissons garantis. Shakespeare a beaucoup inspiré les compositeurs : combien d’œuvres ont été nourries par Roméo et Juliette ! On pense à Bernstein et son West Side Story, ou encore Tchaïkovski et Gounod, et bien d’autres. Mais avec Prokofiev, on atteint des sommets… On est tout de suite dans la musique, comme aimantés, notamment par ce leitmotiv magnétique, dont l’intensité entêtante nous poursuit bien après le concert. A la sortie, combien le fredonnait ! 

Oui, on peut dire que nous sommes encore sous le charme de cette cheffe pleine de charisme, de son énergie. On la sent à l’écoute de ses musiciens, qu’elle présente par pupitre avec chaleur à la fin du concert ;  « Debout messieurs et mesdames ! Je vous veux dans la lumière ! » semblent-elle leur dire.  Applaudissement nourris pour eux, pour Renaud Capuçon, et pour cet orchestre au sommet ! 

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