Baptiste de Beaulieu est médecin généraliste, Laure de Chantal, normalienne, est agrégée de lettres classiques. De leur rencontre est né ce livre Le chien d’Ulysse et autres récits composé de courts chapitres dans lesquels la sagesse grecque est mise au service du quotidien de la médecine moderne.
Baptiste de Beaulieu nous explique son univers professionnel, ses questionnements alors qu’il était interne et surtout expose ses doutes autour de l’idée quelque peu fondamentale de savoir ce qu’est un bon médecin ?
Soit, la précision du diagnostic est fondamentale mais sûrement pas suffisante pour permettre une guérison, voir une « belle mort » quand le savoir médical ne peut combattre une pathologie (et il en est de même pour le côté inéluctable du vieillissement). Il faut d’autres choses qui, de fait, ne sont pas enseignées dans les facultés. Ces autres choses, parfois des « petits riens » peuvent se résumer dans le concept d’humanité et de respect de l’autre, l’autre pouvant être aussi bien le patient que sa famille. Il est certain que ce médecin qui vient constater un décès sur réquisition judiciaire et fait payer la famille (au motif que la justice ne paie pas assez vite) a une attitude fort peu emphatique. A l’inverse, un mot, des sanglots contenus peuvent être d’une aide extraordinaire. Baptiste de Beaulieu nous explique sa vision du médecin qui doit avant tout être honnête avec ses patients, ne jamais biaiser, toujours expliquer, comprendre que le jargon médical n’est pas accessible aux non professionnels, doit savoir se mettre à la place des autres et/ou leur faire comprendre qu’avant d’être médecin, il est avant tout un homme comme eux, avec ses peurs, ses maladies, ses révoltes, ses questionnements.
Et cette humanité, elle se trouve dans la sagesse grecque (ce qui nous vaut un beau passage pour critiquer l’abandon de ce que l’on appelait les humanités autour du grec et du latin classique). Les mythes grecs sont aussi (ou avant tout) une description des nombreux questionnements que se posent les hommes et une leçon pour y répondre. La démarche si elle peut paraître, de prime abord, originale, devient vite une évidence pour le lecteur : la pudeur à travers l’histoire d’Actéon, la douleur et le bannissement de la société du malade à travers le mythe de Philoctète, la reconnaissance de l’humanité et de son unicité avec Argos, le chien d’Ulysse.
En effet, dans l’antiquité, les explications, les connaissances scientifiques n’étaient pas du même ordre de celles que l’on connait aujourd’hui. Aussi, pour expliquer la complexité du monde en général et des pathologies que les hommes subissaient, a-t-on inventé les mythes pour chaque phénomène qui se répète. Et de fait, ces mythes avaient aussi pour utilité de les reconnecter entre eux, les plaçaient au sein de la communauté les empêchant de se sentir isolés. Ils leurs montraient qu’avant eux d’autres hommes mais aussi des héros et des dieux avaient subi les mêmes maux, ce qui les mettaient sur un chemin connu et non sur une route où ils se retrouvaient isolés. C’est toute une philosophie d’inclusion dont devrait s’inspirer la médecine moderne qui, elle, exclut.
Baptiste Beaulieu et Laure de Chantal nous montrent qu’il faut connaître notre histoire, ses mythes, ses philosophies, savoir en tirer les leçons « intemporelles » pour les appliquer de nos jours. L’homme est toujours aussi complexe quelque soit l’époque, ou la société dans lesquels il évolue. N’est-ce pas la plus grande leçon de l’humanisme ?
Le chien d’Ulysse et autres récits
Baptiste Beaulieu et Laure de Chantal
éditions Albin Michel. 19€90
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