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Didier van Cauwelaert s’interroge sur l’IA et l’intelligence naturelle

par Palantir Dewuka

L’ouvrage L’Intelligence naturelle de Didier van Cauwelaert occupe un espace hybride entre vulgarisation scientifique, émerveillement naturaliste et essai spirituel. Cette posture crée une tension fondamentale dès lors que l’auteur annonce une enquête scientifique rigoureuse. Cette ambivalence n’est pas condamnable en soi, mais elle révèle un écart significatif entre les ambitions affichées et le contenu réel, où anecdotes et exemples se succèdent sans véritable cadre épistémologique solide.

Un ouvrage pris entre plusieurs mondes

Le livre s’ouvre sur une critique sévère de l’intelligence artificielle, thème particulièrement sensible dans le contexte de 2025. L’auteur met en avant les failles des algorithmes, les risques de dépendance cognitive, ainsi que l’érosion potentielle des capacités créatives et empathiques induite par une soumission excessive aux systèmes d’IA. Cette première partie s’inscrit dans un débat public légitime sur les dangers bien réels des systèmes d’apprentissage automatique : fiabilité défaillante, manipulabilité des données et dépendance croissante à des technologies opaques.

L’argumentation repose sur une dichotomie centrale : face à l’omniprésence de l’IA, l’auteur invite à explorer et à valoriser les formes d’intelligence propres au monde naturel. L’ouvrage progresse de manière thématique, chaque chapitre examinant différentes manifestations de l’intelligence naturelle, des bactéries aux plantes, en passant par les animaux et certains phénomènes énigmatiques comme les expériences extracorporelles ou les ovnis. Van Cauwelaert poursuit ainsi une ambition globale : explorer un territoire à la croisée de la science, de la spiritualité et du merveilleux, dans une perspective qui entend dépasser le matérialisme réducteur et réintroduire des dimensions humanistes dans le débat sur l’intelligence.

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Le livre se présente comme une enquête, ou plutôt comme une collection de récits explorant les capacités cognitives et sensorielles du vivant. Pour appuyer son propos, Van Cauwelaert convoque un vaste bestiaire.

L’intelligence végétale : L’auteur décrit des plantes dotées de capacités d’anticipation, de communication complexe, voire de stratégies de défense élaborées, présentées comme l’expression d’une forme d’intelligence distribuée.

La conscience animale : Des chiens prémonitoires aux chats « guérisseurs », il explore les liens télépathiques ou intuitifs unissant l’humain à l’animal, en valorisant les formes de communication non verbales et les intuitions animales.

L’invisible : Le livre aborde aussi des territoires plus obscurs, tels que l’intelligence bactérienne ou la conscience délocalisée, frôlant des thèmes comme les expériences de mort imminente ou la communication avec l’au-delà.

Didier Van Cauwelaert excelle à rendre la science ou plutôt la para‑science narrative et séduisante. Le style est fluide, souvent teinté d’humour et de poésie, ce qui rend la lecture agréable y compris lorsque les sujets se complexifient. Cette qualité littéraire constitue un atout majeur et rend l’ouvrage accessible à un large lectorat. La capacité de l’auteur à transformer des concepts abstraits en histoires engageantes facilite indéniablement l’adhésion du lecteur à des thématiques parfois ardues.

Cependant, dès lors que le livre prétend documenter les formes d’intelligence naturelle, ses faiblesses apparaissent clairement. Le cœur du problème réside dans un glissement progressif d’un débat fondé sur les preuves vers un territoire d’affirmations extraordinaires largement dépourvues de fondement scientifique rigoureux. La faiblesse majeure tient à l’accumulation sans discrimination de phénomènes au statut épistémologique radicalement différent. Sous le même label d’« intelligence naturelle », l’ouvrage juxtapose par exemple la communication chimique des plantes, largement documentée, et l’hypothèse de consciences fonctionnant sans cerveau, hautement spéculative. Cette fusion produit une fausse équivalence et dilue le pouvoir démonstratif des phénomènes réellement établis.

Les chapitres suivent une progression apparemment logique, des bactéries aux plantes, puis aux animaux, avant de s’ouvrir à des sujets comme les ovnis, les expériences extracorporelles ou les guérisons inexpliquées. Cette pente, qui mène du bien établi au fortement spéculatif, crée une continuité trompeuse, normalisant progressivement les concepts les moins vérifiables. Il en résulte une tension profonde entre la prétention à une « enquête scientifique rigoureuse » et le contenu effectivement proposé. Plus qu’une enquête impartiale, le livre fonctionne comme un plaidoyer visant à défendre une thèse préexistante.

Une telle posture serait parfaitement recevable pour un essai philosophique ou spirituel, mais elle contredit frontalement la revendication d’objectivité scientifique. Le refus systématique d’établir des hiérarchies de plausibilité place sur un pied d’égalité phénomènes biologiques bien documentés et constructions hautement spéculatives ou paranormales.

Conclusion : un manifeste plutôt qu’une enquête

L’Intelligence naturelle excelle précisément là où il ne prétendait peut‑être pas le faire : il constitue un plaidoyer passionné et captivant pour une attention renouvelée aux merveilles du vivant, tout en proposant une alerte pertinente sur les risques cognitifs d’un usage non réfléchi de l’IA. En tant que manifeste culturel et spiritualiste, l’ouvrage possède une réelle cohérence interne.

Il échoue en revanche exactement là où il revendique la réussite : il ne s’agit pas d’une enquête scientifique rigoureuse. L’absence de protocole épistémologique clair, la confusion récurrente entre métaphores explicatives et mécanismes réels, et l’intégration de phénomènes extrascientifiques sans démarcation explicite affaiblissent considérablement la valeur démonstrative du texte. L’Intelligence naturelle est un livre littérairement réussi et intellectuellement stimulant, mais épistémologiquement problématique : il émerveille et interroge notre rapport à la technologie, tout en peinant à étayer de façon rigoureuse ses affirmations les plus audacieuses.

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