Les importants travaux de mise aux normes du bâtiment et des salles de La Comédie -Française qui se sont déroulés tout au cours de l’année 2012 ont fourni l’occasion de rénover l’acoustique et l’esthétique de la salle Richelieu.
Cette rénovation acoustique a été intégralement financée par des fonds privés avec l’engagement de trois grands mécènes: La Caisse d’Épargne Ile-de-France, Natixis, La Fondation Total en partenariat avec la Fondation du Patrimoine.
Revêtue de velours et de damas tendus, la Salle Richelieu avait une acoustique mate et une réverbération trop courte par rapport au volume de la salle.
L’évolution des techniques du jeu au cours des trente dernières années a rendu encore plus nécessaire une acoustique de qualité afin de mieux rendre les nuances vocales des comédiens.
Les aménagements réalisés ont réajusté l’équilibre entre les matériaux absorbants (sol en moquette épaisse, fond de salle, séparatifs des baignoires, etc.) et les réverbérants (plafond de salle, dorures des balcons, etc.)
Ces mesures acoustiques de réverbération ont été couplées à l’élaboration d’un modèle numérique acoustique 3D, permettant de quantifier le gain obtenu sur la réverbération et d’apprécier l’amélioration de confort acoustique pour l’ensemble des spectateurs.
PRINCIPALE MODIFICATIONS 2012
Remplacement de la moquette au sol (orchestre) par du parquet wengé de couleur brun sombre, «dévêtement» de nombreuses surfaces recouvertes de velours et de damas, les dossiers des fauteuils ont été recouverts de bois, l’intégration dans les surfaces courbes de portes feintes en bois teinté du même ton que les fauteuils (réminiscences des loges qui s’ouvraient de 1786 à 1974) afin de réduire la surface absorbante des damas muraux.
Ces modifications ont permis de rendre les surfgaces en question plus réfléchissantes ( apport du bois) et de redonner force à la salle, notamment dans les hautes fréquences. Ce bois a été teinté en harmonie avec le bois des fauteuils( couleur brun chaud);
Une attention particulière a été portée aux loges d’avant-scène habillées de bois ou de balustres, car elles sont non seulement la structure architecturale du passage entre la salle et la scène, mais aussi le «porte-voix» des acteurs depuis la scène vers la salle.
Tous ces ouvrages réalisés en bois, sont indispensables pour améliorer l’acoustique. Ils ont été peints ou laissés au naturel, de façon à aboutir à un retour à la trichromie blanc, or et rouge, qui a prévalu de la fin du XVIIIème siècle jusqu’aux années 1930. Cela contribue , par des contrastes plus marqués, à la réaffirmation de l’ordonnancement, et donc de l’identité, de la Salle Richelieu, salle de spectacle historique et de renommée internationale.
Ces travaux de rénovation, confiés à Sophie Bourgeois, directeur du Bâtiment et des Équipemens de la Comédie-Française, ont été réalisés par Christophe Bottineau, architecte en chef des Monuments historiques
CHIFFRES CLÉS POUR LA RESTAURATION ACOUSTIQUE DE LA SALLE RICHELIEU
* 6 mois de travaux
* Budget de 1,4 millions€ financé par 3 mécènes pour la restauration acoustique
* Une opération menée en parallèle des grands travaux de mise aux normes des équipements techniques et accessibilité financés par le ministère de la Culture et de la Communication en 2012 (12,6M€)
* 8 corps de métiers spécialisés dans la restauration des Monuments historiques
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PETITE HISTOIRE ARCHITECTURALE DE LA COMÉDIE-FRANÇAISE
1786. Commanditée par Louis Joseph d’Orléans, la Salle Richelieu est construite sur l’actuelle place Colette, dans le 1er arrondissement de Paris. Inaugurée en 1790, elle a été dessinée par l’architecte Victor Louis, auteur du théâtre de Bordeaux en 1773-1780.
1798. La salles est transformée par les architectes Moreau et Palaiseau, qui s’inspirent de l’Antiquité, des ordres grecs et romains: ajout d’une colonnade antiquisante, cloisonnement des niveaux inférieurs des baignoires- y compris les loges d’avant-scène- abaissement de la coupole centrale et destruction de la charpente originale en métal. Dès cette époque, la salle est mentionnée en rouge pompéien et or.
1822-1847. Plusieurs campagnes de travaux sont conduites par l’architecte Fontaine : reconstruction d’une coupole en charpente métallique et terre cuite, démolition des colonnes ajoutées en 1798- qui rendaient la vue difficile depuis certaines parties des balcons- restitution des charpentes métalliques dans les planchers.
1833. L’éclairage à l’huile est remplacé par le gaz, sauf pour les feux de la rampe.
1847. L’état de la salle semble déjà donner les lignes directrices des volumes et des partis-pris décoratifs jusqu’à aujourd’hui: balcons en blanc et or, tentures rouges pompéien, loges d’avant-scènes encadrées par deux Atlantes.
1860-1864. Les maisons adjacentes à la Comédie-Française sont détruites, le théâtre est alors agrandi. Un vestibule et un foyer monumental sont construits, un foyer des artistes, des dépendances et des loges sont ajoutés dans les étages supérieurs.
1879. L’architecte Chabrol restaure la salle- remplacement de parquets, portes, croisées, peintures du plafond et du rideau de scène, etc et crée de nouvelles baignoires à salon.
1887. Des travaux dans les dégagements et les sorties sont réalisés pour prévenir les incendies, et l’éclairage au gaz est remplacé par l’électricité. Un rideau est installé afin d’isoler la scène de la salle.
1893-1900. La Salle Richelieu est incendiée en 1900. L’architecte des Monuments et Palais nationaux, Julien Guadet, prend la tête de travaux qui réduisent la salle à un orchestre et quatre balcons et ajoute une allée centrale dans l’orchestre, ce qui diminue le nombre de spectateurs à environ mille cent. La fosse d’orchestre est supprimée. Les dégagements sont agrandis et d’importantes mesures de lutte contre l’incendie sont prises. Des ascenseurs hydrauliques et des monte-charges sont mis en oeuvre, toute l’installation électrique du théâtre est refaite et un chauffage à vapeur est posé. La salle est toujours blanche et or.
1935. Joseph Marrast, architecte des Bâtiments civils et Palais nationaux, va profondément transformer la Salle Richelieu qu’il dénude de ses décors jugés trop baroques pour l’époque- élilination des moulures, pilastres, cartouches, médaillons, vases, faux marbres, etc. Les balcons deviennent gris clair et or et les damas posés sont rouges.
La scène est totalement rééquipée : machinerie, électricité, jeu d’orgues à cent soixante-quatre circuits au lieu de soixante-quatre, installation du cyclorama. La fosse d’orchestre- supprimée en 1900 par Guadet- est rétablie, la façade ainsi que les parties publiques du théâtre sont restaurées (vestibule, foyer, dégagements) et un bar est créé.
1971-1976. Les travaux de l’architecte des bâtiments civils et Palais nationaux, Louis Blanchet, achèvent cette série de grandes transformation de la salle initiale conçue par Victor Louis. Blanchet dépose tous les décors de la salle, démolit le plancher, les balcons et les murs du tour de la salle pour les reconstruire en béton; un double mur entoure désormais la salle pour y loger les locaux techniques nécessaires à la ventilation. Les baignoires et les loges sont ainsi réduites en profondeur; Le dernier niveau du poulailler est des loges d’avant-scène est fermé au public et doté de projecteurs. Les boiseries anciennes sont nettoyées, des tentures de damas et de la moquette rouge sont posées sur les nouveaux ouvrages. Le lustre central est restauré et des lampes tubes sont ajoutées sous les balcons. L’allée centrale de l’orchestre disparait, la fosse de scène est recouverte d’un sol escamotable; la salles est à présent réduite à huit cent quatre-vingt douze places.
1987. Inauguration du rideau de scène d’Olivier Debré
1994-2004. L’architecte en chef des Monuments historiques, Alain-Charles Perrot restaure les façades extérieures et le péristyle, aménage la boutique de la Comédie-Française, remplace les fauteuils de salle en les plaçant en quinconce, crée des sièges surélevés sur les balcons, remplace tous les habillages-tentures, velours, moquettes- et assure la réfection des dorures et des patines.
CHIFFRES-CLÉS
* Surface du théâtre: 1408 m² au sol
* Surface du plateau : 396 m² proscénium inclus
* 876 places
* 420 000 spectateurs par saison dont 304 000 Salle Richelieu
* 800 représentations dont 391 Salle Richelieu
* Taux de fréquentation supérieur à 85%
* Jusqu’à 5 spectacles différents joués en alternance Salle Richelieu
* 60 comédiens, pensionnaires et sociétaires composent la troupe
* 14 campagnes de restauration en 200 ans
Wukali tient à remercier vivement le service communication de la Comédie-Française qui a fourni les informations pour la rédaction de cet article.
Illustration de l’entête. © Cosimo Mirco Magliocca, coll. Comédie-Française