La Pieta Rondanini, la statue inachevée de Michel-Ange, sa dernière oeuvre sur laquelle il travaillait encore quelques jours avant sa mort, va être déménagée dans une prison! Dans quel autre pays que l’Italie aurait on pu imaginer pareille affaire !
N’allez pas croire qu’il s’agit là du résultat d’un procès en sorcellerie comme cela se produisait au Moyen-Âge quand des tribunaux ecclésiastiques jugeaient des animaux qui bien souvent avaient dévoré un marmot qui traînait à proximité, et les condamnaient à mort, cochon ou chiens pendus, et que l’on relègue vers une prison pour s’en débarrasser une statue qui dérange et encombre, que nenni ! Non, la raison est bien plus prosaïque et somme toute banale en effet. Le Château des Sforza à Milan où elle est exposée va connaître une période de travaux et la salle où elle est présentée au public devrait faire l’objet d’un bouleversement conséquent afin de la mettre mieux en valeur et au bout du compte d’accueillir un plus grand nombre de visiteurs, et c’est la prison San Vittore qui devrait accueillir provisoirement l’oeuvre, rayonnant au centre du dispositif architectural de l’ensemble carcéral en forme d’étoile, à la croisée des différentes ailes.
Pour le coup les détenus iront au bloc pour l’admirer et si parait-il la musique adoucit les moeurs, peut-être la sculpture quant à elle montant le corps du Christ supportant la Vierge, les portera-t-elle à des sentiments apaisés et de résipiscence… De là à imaginer que des publics pathétiques aillent visiter la prison, comme certains le suggèrent, pour au delà d’un hommage à l’oeuvre vivre des moments euphorisants et troubles il n’y a qu’un pas !
Non achevée, la sculpture porte les stigmates des ciseaux et des burins de l’artiste, et Michel-Ange malgré son âge avancé travaillait toujours dessus quatre jours avant de mourir (18 février 1564). Son canon est d’une grande sobriété, toute en élévation, et dans le positionnement des corps s’exprime toute une douceur, une émotion et une douleur. La sculpture après la mort de Michel Ange fut rapidement vendue à la famille Rondanini, qui lui a fourni son nom. Elle fut vendue en 1904 par le Comte Sanseverino Vimercati , propriétaire du Palais Rondini à Rome Via del Corso à la ville de Milan . Depuis 1954 elle est exposée au Château des Sforza, symbole de l’histoire et de la puissance de la ville ajoutant ainsi à la capitale de la Lombardie un chef d’oeuvre supplémentaire à côté de« La Cène» de Léonard da Vinci contribuant un peu plus à sa renommée.
Les autorités municipales milanaises, à l’origine de ce déménagement prochain vers la prison Vittore ont souligné que le nombre de visiteurs qui venaient voir la statue de Michel-Ange dans le château soit 350.000 par an, était insuffisant et qu’il convenait donc de lui donner un écrin muséographique digne de sa beauté lapidaire. «Certes» comme dirait d’aucuns de mes amis !
Cette décision, et il fallait bien s’y attendre, à déclenché une bronca dans les milieux culturels, politiques et médiatiques italiens.
Pourrait-on en retour imaginer que des détenus soient un jour prochain hébergés le temps d’une remise aux normes de leurs cellules et des bâtiments carcéraux qu’ ils occupent, dans des palais ou des manoirs grand siècle? Mais attention, pas question de faire des « Journées Portes-Ouvertes« , certains déjà se prennent à rêver !
Pierre-Alain Lévy