Si vous vous rendez à Londres, ne manquez pas l’exposition exceptionnelle consacrée au peintre Lucian Freud à la National Portrait Gallery

Une rétrospective impressionnante voulue et préparée quelques mois avant son décès brutal en juillet, ( Lire article) couvrant soixante dix ans de travail, depuis les premiers portraits en 1940 peu après son arrivée à Londres jusqu’à sa dernière oeuvre non achevée retrouvée posée sur son chevalet “Portrait of the Hound 2011”et présentée pour la première fois au public

Lucian Freud est né en 1922 à Berlin, fils de l’architecte Ernst Ludwig Freud, il est le petit-fils du psychanalyste Sigmund Freud. Par suite de l’arrivée au pouvoir des nazis, sa famille quitte l’Allemagne et s’installe en Angleterre 1934. Sigmund Freud les y rejoindra quatre ans plus tard et mourra l’année suivante.

Ses parents l’inscrivent dans une école de renom Darlington Hall School, connue pour ses méthodes d’enseignement progressives. Lucian Freud a dix sept ans quand il acquiert la nationalité anglaise. ll étudie le dessin et la peinture, s’installe dans la quartier de Paddington à Londres dans un grand atelier et commence à vivre de ses oeuvres. Il fait la connaissance de Francis Bacon son aîné de 13 ans avec qui il tisse une amitié durable. Lors de visites à Paris il rencontre Giacometti et Picasso. Il épouse, Kitty Garman, la fille du sculpteur Jacob Epstein, c’est le début d’une vie amoureuse foisonnante.

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Au début des années cinquante Il abandonne le dessin pour se consacrer quasi exclusivement à la peinture, Influencé par Bacon, notamment par ce compromis entre expressionnisme et figuration, il modifie sa technique et choisit d’utiliser des brosses aux poils durs. A la fin des années cinquante c’est le grand tournant, de là découle une peinture à la matière épaisse en des aplats précis , capricieux, violents et énergiques exprimant une vérité intérieure

Dès la fin des années soixante Lucian Freud multiplient les nus, ses portraits deviennent de plus en plus fouillés, il choisit ses modèles parmi ses proches , non seulement il devient le peintre de l’aristocratie anglaise, de personnalités célèbres, mais sa réussite est éclatante avec la commande royale du portrait du visage de la reine Elizabeth II (2001)

Peintre d’atelier, Freud consacre beaucoup de temps à la réalisation de ses portraits, et ses modèles posent pendant des séances qui s’étalent sur de longs mois. Il s’agit pour lui non seulement de produire la réalisation matérielle d’une oeuvre mais foncièrement de se pénétrer de l’esprit de celui ou celle qui pose pour lui pour en saisir et comprendre intimement les ressorts mentaux et le psychique. Le travail en atelier c’est un long cheminement entre deux identités, le peintre et la vision qu’il a de son modèle

Son travail est rigoureux et il revient maintes fois par approximations méticuleuses de touches de peinture répétées jusqu’au résultat espéré et obtenu

Dégagé de tout atavisme familial certes il s’agit bien là d’un souci d’introspection pour dégager des profondeurs du sujet peint la vérité intrinsèque qui y est dissimulée. Il fouille son modèle pour dégager la vigueur de son identité originale.

L’exposition débute avec quelques croquis et un portrait de celui qui fut son premier prodesseur Cedric Morris

Les portraits du début reflètent encore cette acidité du regard ( Girl with Kitten 1947) et l’expression bien qu’assez distante dans des tons plutôt froids est transcendée par des regards pénétrants, un modelé raffiné des traits et un souci du détail visible dans le traitement de la chevelure et la géométrie incarnée dans le visage féminin et la tête du chat.

Ultérieurement l’expression se densifie et le traitement du visage devient plus intériorisé (Smiling Woman, 1958-59) marqué par des traits plus forts

Le changement de style devient drastique, les pinceaux se font plus forts et la touche plus marquée et puissante et Freud ne se contente plus de ne peindre que des visages, ce sont maintenant des corps entiers et le rendu est puissant et vigoureux. Le corps dans son entier et la chair catalyseront l’énergie et la puissance, qui plus est il pousse son art jusqu’à dévoiler les moindres détails et les attributs sexuels de ses modèles hommes ou femmes, l’expression se fondant ainsi dans un traitement réaliste et troublant

Son premier nu datant de 1969 est tout à la fois anatomique, sculpturale, dense et tout simplement magnifique ( Naked girl), loin des modes romantiques ambiantes. Freud désormais travaille un style tout en intensité, consistance et force. Les réactions ne sont pas unanimes en un temps où la tendance était plus marquée vers l’abstraction que la figuration qui faisait figure de passéiste.

Freud multiplie les nus. Quand un jour un interlocuteur lui demanda » mais pourquoi tant de nus ?, il répondit » parce que c’est le plus complet des portraits « . La vie, la soif de la vie, c’est le coeur même de ses nus, de ses portraits, sa recherche contante.

Il peint les femmes qu’il a aimées, de ce point de vue là il eut une une vie sentimentale particulièrement intense. Pour certain on lui connait pas moins de 14 enfants dont la filiation est avérée, mais la rumeur concernant le nombre exact des fruits de sa descendance putative est plus élevée et impressionnante !

Il peint aussi ses amis, des artistes Frank Auerbach, Francis Bacon, David Hockney, la comédienne Kate Ross, le Gotha aristocratique, on se presse dans le Royaume-Uni pour se « faire faire le portrait ». Son atelier ne désemplit pas. Sa cote atteind des sommets, En vente chez Christies à New-York en 2008 la toile intitulée Benefits supervisor sleeping ( voir supra photo) est vendue 34 millions de dollars (22 millions d’euros) et pulvérise les records pour un peintre vivant. Elle est acquise par l’oligarque russe propriétaire du club anglais de football de Chelsea. Lucian Freud devient ainsi le peintre contemporain le plus cher du monde.

En 2010 une exposition lui rend hommage à Paris au Centre Pompidou. En voyant ses oeuvres Jean Clair déclare : “le temps semblait aboli : elles assuraient que la peinture n’avait jamais parlé que de cela ; la mort et la jubilation des apparences qui, dans la vie, fait accepter la mort.”

Sa derrière oeuvre non achevée: Portrait of the Hound, 2011 un des clous de l’exposition, représente son assistant David Dawson posant nu avec près de lui son chien whippet Eli. Commencée quatre ans auparavant, Freud y travaillait régulièrement, la dernière séance de pose aura lieu au tout début de juillet 2011 deux semaines avant son décès. Tout y est, même le chien.

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Pierre Alain Lévy


LUCIAN FREUD

Portraits

National Portrait Gallery

St Martin’s Place/ London WC2H 0HE. Metro: Charing Cross. Londres.

Ouvert tous les jours de 10h à 18h

Nocturne les jeudi et vendredi jusqu’à 21h


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