Jeudi soir, un homme a jeté de l’acide à la tête de Sergei Filin, qui pourrait perdre la vue. Sans doute une vengeance artistique.

L’attaque a eu lieu jeudi soir. Sergei Filin, 42 ans, revenait chez lui après un gala en hommage à Stanislavski lorsqu’un homme masqué lui a jeté de l’acide à la tête. Le visage et surtout la cornée sont atteints de brûlures au troisième degré. On redoute qu’il perde la vue. «Le malheur qui est arrivé à Sergei Filin n’est pas dû au hasard. Le marché noir, la magouille, les prix exhorbitants des billets, le fanatisme de certains balletomanes prêts à trancher la gorge des adversaires de leurs idoles, les déclarations scandaleuses de certains employés du Bolchoï à la presse,tout ceci a un effet boule de neige», écrit Igor Ratmansky, son prédécesseur à la tête du Bolchoï, sur sa page Facebook.


Le directeur du Bolchoï attaqué à l'acide par Zoomin_France

Au Bolchoï, Katerina Novikova, chargée de la communication et amie de Filin, explique que Ratmansky vivait sous la menace depuis un certain temps. On avait crevé les pneus de sa voiture et piraté sa page Facebook. Père de famille, il avait refusé de se faire accompagner d’un garde du corps, persuadé que son devoir était de résister aux menaces. Les prémisses de l’enquête montrent que ce geste ne serait pas celui d’un vulgaire voyou mais plutôt une vengeance liée aux responsabilités artistiques de Sergei Filin. Le directeur du Bolchoï dispose, comme n’importe quel directeur de compagnie, d’un pouvoir absolu pour donner des rôles, et construire des carrières.

Olécio partenaire de Wukali

«Sergei recevait sans cesse des menaces, comme ses prédécesseurs», rappelle Katia Novikova. «Nous n’avions jamais pensé que la guerre pour des rôles, et non pour des richesses ou du pétrole, puisse atteindre un tel niveau criminel. On voulait croire que les gens impliqués dans la vie du théâtre puissent conserver une certaine moralité. Cette histoire est effrayante». Déjà, Guennadi Iannine , prédécesseur de Serge Filin avait dû démissionner à la suite de la publication, à son insu, de photographies pornographiques le mettant en cause. Elles avaient été envoyées par mail ornées du logo du Bolchoï, à des centaines de professionnels du secteur.

Terrible guerre des clans

Le Bolchoï est extrêmement difficile à gouverner à cause de ses 250 danseurs (un nombre record, plus du double du ballet de l’Opéra de Paris), de sa fonction de vitrine du Kremlin et aussi de la virulence des fans . Ils attisent sans cesse en coulisses et dans la salle, une terrible guerre des clans. S’y affrontent la vieille garde des partisans de Grigorovitch qui en a été le tsar pendant les trente dernières années de l’URSS, et les fans de danseurs plus jeunes, notamment du charismatique Nikolaï Tsiskaridze, 41 ans. L’étoile d’origine georgienne, danseur de Bolchoï chéri par Roland Petit qui lui a confié notamment sa Dame de Pique, s’est illustré, l’an passé, en décriant la rénovation du théâtre du Bolchoï. Et en se plaignant de ne plus être distribué. En novembre dernier, ses fans ont adressé à Poutine une pétition réclamant sa nomination à la tête du théâtre. Aussi impitoyable que puisse être le monde du ballet, on voit mal Tsiskaridze commanditant un tel crime.

Étoile du Bolchoï, distingué par le prix Grigorovitch, merveilleux partenaire de Svletana Zhakharova, Sergei Filin a été nommé pour cinq ans à la tête du Bolchoï, en 2011. L’une de ses actions les plus spectaculaires a été d’engager David Hallberg, étoile américaine, dans la compagnie russe et de laisser partir en décembre 2011 au Mickhailovski Ivan Vassilev et Natalia Osipova, le couple star de la compagnie.

Le FIGARO

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