Lu dans la presse anglaise.

Les voleurs d’œuvres art sont souvent considérés comme d’incorrigibles romantiques, mais il est bien dur de dire s’ils sont motivés par un désir obsessionnel ou par pure cupidité

Un crime dont l’actualité remonte à un siècle vient juste d’être élucidé. Le Museum of Fine Arts de Boston (MFA) a restitué un bronze romain qui était dans ses collections depuis 1904 à un musée à Douai en France.( lire dans la rubrique Brèves NDLR) C’est en examinant ll’histoire et la muséographie de l’oeuvre que le MFA a réalisé qu’il s’agissait d’une œuvre volée en France au Musée de la Chartreuse de Douai en 1902 !

Ainsi un vol oublié d’une oeuvre d’art a-t-il pu être réparé : le musée de Boston a immédiatement alerté le musée français et la statuette expédiée en avion. S’il en est toujours ainsi, cela peut donner une once d’espoir à tous les musées dans le monde toujours à la recherche de pièces volées depuis bien longtemps. Il se trouve qu’un des plus douloureux crime en matière de vols d’œuvres d’art s’est produit à Boston le 18 mars 1990 quand furent dérobées dans ce si charmant musée qu’est le Isabella Stewart Gardner Museum des œuvres de Vermeer, Rembrandt, Manet et Degas.

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Je lis actuellement deux livres qui présentent deux perspectives contrastées sur le sujet du vol des œuvres d’art. Le roman de Noah Charney Le voleur d’œuvre d’art (The Art Thief) contient une scène où un détective de fiction avance une théorie indiquant qui se trouve derrière le vol non élucidé du musée Isabella Stewart Gardner. Le « Parrain » du crime doit être quelqu’un qui a grandi à Boston ou tout du moins qui y a été éduqué- car les peintures et les dessins volés en 1990 procèdent d’un choix subtil de quelqu’un qui connaissait et aimait la collection dans toutes ses richesses. Le coupable est aussi probablement un riche collectionneur, qui affectionnait Degas. Peut-on alors tracer cette personne ?

«Le Voleur d’œuvre d’art» est un roman policier charmant, mais Charney est un historien d’art qui pense que le vol d’œuvre d’art fournit l’occasion de réfléchir sur la valeur et la fascination qu’exerce l’art. Un voleur, suggère-t-il dans son roman, est un amoureux obsessionnel et cela a pour implication que le vol constitue en soi un acte d’hommage à la beauté de l’art. Dans le livre enquête intitulé «Le Vol de L’Agneau Mystique» (Stealing the Mystic Lamb), il raconte l’histoire du retable de Jan van Eyck de Gant qui a été volé maintes et maintes fois dans son histoire. Il suggère que ce vol répété constitue un tribut à la majesté et à la grandeur du chef d’œuvre de Van Eyck.

Voici donc une vision rafraîchissante du vol d’œuvres d’art, elle met en exergue l’émerveillement que l’art provoque.

Le livre de Sandy Nairnes « Art Theft »( Vol d’oeuvre d’art), qui vient juste de sortir en édition de poche, est un tant soi peu plus mélancolique bien qu’il ait une happy end. Nairne est aujourd’hui directeur de la National Portrait Gallery, mais pas plus tard que 1994 il était alors directeur de la Tate Gallery. C’est quand deux Turner du Tate furent volés alors qu’ils étaient prêtés pour une exposition en Allemagne qu’il y fut nommé avec mission de tenter de les retrouver. Il raconte comment il travailla de concert avec des policiers, détectives et des experts pour essayer de récupérer les Turner et de les restituer au musée.

On est bien loin alors d’une romance avec des cambrioleurs style catwoman romantiques et esthètes qui portent une dévotion sur l’art. Dans la seconde partie du livre Nairne critiquent les media qui célèbrent le mythe séduisant de la criminalité dans le trafic des biens culturels.

Je sais qu’à chaque fois où j’ai regardé de près l’histoire de ces vols , j’observe qu’il se révèlent être banals et horribles. J’ai fait ma propre enquête (en chambre) d’une peinture perdue de Caravage volée dans une chapelle de Palerme, les archives d’un procès de la Mafia révèlent qu’elle fut détruite de la plus stupide manière possible par les gangsters qui la dérobèrent.

Cependant le roman policier raffiné de Charney m’émerveille. Peut-être existe-t-il une poignée de gentlemen qui se font du vol d’œuvres d’art une spécialité et qui volent sans obsession et désir, et peut-être même font-ils partie des amoureux de l’art les plus raffinés.

Jonathan Jones

The Guardian.

Traduit pour Wukali par P-A L


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