Elle est partie dans l’éternel de la musique bien au-delà du temps. Marie-Claire Alain s’en est alléé à l’âge de 86 ans. C’est toujours un moment difficile d’écrire pour saluer la mémoire d’un ami, d’une personne chère qui nous quitte à jamais. Il existe cependant des spécialistes de cela, mais leurs propos sont sans véritable chaleur, circonvenus et privés de chair, leurs mots se déploient comme automatismes, ou reproduisent l’esprit du temps par conformisme par des déplorations inconsistantes et artificielles, des panégyriques trompeurs, l’actualité immédiate en fournit de bien tristes exemples sur des personnages falots.
Parler de la mort d’un artiste, c’est d’abord un hommage, un remerciement, une vibration, c’est aussi un peu parler de soi, c’est un compagnonnage , une complicité, un accompagnement un flot de souvenirs et de visages et de sensations musicales en l’occurrence qui se figent et nous laissent un peu plus seul. Marie Claire Alain s’en est allée, ses 250 enregistrements nous restent et nous portent vers elle dans le souffle éthéré des anges.
Marie Claire Alain, restera la mémoire d’une grande dame, passionnée de musique, fidèle à la mémoire de son frère organiste et compositeur Jehan mort héroîquement à Saumur en 1940, elle avait à peine 13 ans. Elle fut une musicienne passionnée de Bach dont elle enregistra pas moins de 3 fois l’oeuvre complète pour orgue. Née dans une famille de musiciens, son père Albert Alain, élève de Gabriel Fauré, était tout à la fois maître de chapelle, compositeur et organiste, (voire facteur d’orgue insolite, il avait construit de bric et de broc un orgue dans la maison familiale qui recelait aussi parait-il plusieurs pianos), c’est dans ce milieu passionné de musique que’lle évolua, ses parents fréquentaient le monde des arts et Maurice Denis était de leurs amis. La mort tragique de Jehan Alain son frère aîné, jeune compositeur talentueux et précoce, mort à 29 ans, bouleversa le destin de Marie-Claire Alain, elle portera toute sa vie durant la mémoire de ce frère tendrement chéri et entretiendra toujours sa mémoire en jouant ses pièces pour orgue. Adolescente elle se battra pour exister par elle même dans un milieu plutôt rigide et conservateur où l’identité féminine ne pouvait guère s’affranchir des strictes règles de bienséance alors acceptées. Elle devint cependant musicienne concertiste, organiste et professeur. Elle fut titulaire de l’orgue de Saint Louis en l’ile et de St Germain en Laye. Son répertoire fut vaste, non seulement Bach et Buxtehude bien sûr mais aussi la flamboyance de l’ école d’orgue française qui de Charles Henri Widor, César Franck, Louis Vierne , Marcel Dupré, Olivier Messiaen ou Jean Françaix fournit un répertoire riche et lumineux.
Pierre-Alain Lévy
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