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La Chronique littéraire d’Émile Cougut.
A la fin du dernier millénaire, est apparu une sorte de météorite dans le ciel quelque peu poussiéreux de la production littéraire. Une jeune réfugiée cubaine se mettait à écrire et nous offrait un petit diamant : le néant quotidien. Depuis Zoé Valdés a continué son œuvre avec la sensibilité qui lui est propre.
Hermann Editeurs viennent de publier, non un roman mais une sorte d’essai biographique de Zoé Valdés : l’Ange bleu.
L’Ange bleu, bien sur tout de suite par association d’idée nous pensons au superbe film de Josef von Sternberg qui a révélé Marlene Dietrich. Et nous avons raison !
Dans ce petit livre qui ne se lit pas mais qui se déguste, Zoé Valdés nous donne une clé pour comprendre sa démarche littéraire. Elle nous explique tout ce que ce film et son actrice principale lui ont amené. Elle nous plonge dans son enfance à Cuba, le Cuba de Castro, souvent ubuesque, où la télévision, en noir et blanc et le cinéma étaient les rares moments d’évasion et de rêve. Elle nous parle de l’importance de sa grand-mère qui admirait Marlene Dietrich, admiration qu’elle transmit à sa petite fille qui, sans le vouloir, se mit par intermittence à ressembler à Lola-Lola. Mais en parallèle, elle nous plonge dans l’élaboration, dans l’histoire du film, et surtout dans une description de la vie de Marlene Dietrich. Ce n’est pas, loin de là, une biographie de la comédienne allemande, plutôt une déclaration d’amour. D’ailleurs ne dit-elle pas qu’adolescente elle a eu une véritable relation lesbienne avec elle. Une relation spirituelle, à sens unique, mais une vraie histoire d’amour. Elle la perçoit comme Jean Cocteau quand il écrivait : « Marlene Dietrich, son prénom ressemble à une caresse, son nom à un coup de fouet. » Cette caresse que Zoé Valdès vit au quotidien en pensant à elle, ce coup de fouet qui a orienté toute son œuvre littéraire.
L’Ange bleu est une longue variation sur un des moteurs de la nature humaine : l’amour. Mais pas l’amour intellectuel, courtois, mais l’amour avec tout ce qu’il peut enclencher : le désir, la passion, la possession, la jalousie, la déchéance, la mort. C’est aussi le thème principal de la nouvelle de Mérimée : Carmen, mise en musique par Georges Bizet, et qui se passe… à Cuba.
Ce thème a été abordé des milliers de fois depuis David et Bethsabée. Mais ce qui fait que la variation que représente l’Ange Bleu est unique, géniale est due non seulement au travail de Josef von Sternberg, mais surtout à l’interprétation de Marlene Dietrich qui fit par sa présence, par son jeu, par son charisme, du second rôle, Lola-Lola, une des figures mythiques du cinéma. On se souvient de Lola-Lola, mais qui peut dire sans hésiter celui de son mari, celui qui perd tout, même sa dignité pour elle : le professeur Immanuel Rath ? Une inconnue qui par son talent éclipse un des acteurs les plus connus de son temps, mérite de passer à la postérité.
Zoé Valdés dans cet essai nous fait aimer, comprendre Marlene Dietrich. Sa lecture finit, il ne reste plus qu’une chose à faire : revoir le film et relire avec cette clé les autres livres de Zoé Valdés.
Emile Gougut
L’Ange bleu
Zoé Valdés
Hermann Éditions. 9€90