Voici un dessin animé russe sorti en 1984 et réalisé par Ivan Aksenchuk dans l’URSS dirigé alors par Konstantin Tchernenko. Si dans un premier temps on est justement séduit par le premier aspect folklorique puis rapidement par la qualité du dessin et de la peinture, cette évidente filiation avec l’art de l’icône, la stylistique notamment donnée à la représentation graphique du cheval et par le choix symbolique des couleurs (cape blanche et rouge du cavalier qui renvoient directement aux canons esthétiques exigés naguère par l’église orthodoxe russe pour la production des dites icônes), on découvre peu à peu tout un univers alors dissimulé et vivant difficilement. En effet cette histoire de cavalier et du dragon, n’est autre que celle de Saint Georges, saint patron de la Russie (en parallèle avec l’icône de Saint Georges de Novgorod) .
Ainsi disent les grands textes de la foi orthodoxe: «Saint-Georges était issu d’une famille de Cappadoce, riche et de haute condition. Ayant perdu son père à l’âge de dix ans, sa mère Polychronia, qui était devenue chrétienne à l’insu de son mari, retourna dans sa patrie, la terre d’Israël, et éleva son jeune fils dans les vertus évangéliques. De belle apparence, intelligent et de mœurs raffinées, Georges entra dans la carrière militaire à l’âge de dix-huit ans. Il plut à ses supérieurs et fut rapidement élevé au grade de tribun de la garde impériale, puis, semble-t-il, à la dignité de préfet.
«De retour vers la Cappadoce après une campagne victorieuse, passant dans la région d’Attalia en Pamphylie, il délivra la fille du roi, qui avait été livrée en pâture à un redoutable dragon, et mit à mort la bête par la force surnaturelle qu’il tirait de sa foi. Admiratifs devant cette démonstration de la puissance accordée par le Christ à ses fidèles contre les puissances du mal, les païens de l’endroit se convertirent tous au christianisme .»
Ivan Aksenchuk qui s’était illustré bien avant dans la réalisation de films d’animation à la gloire de l’URSS ou de la production d’électricité, retrouvait là, en concevant ce film, les chemins de la foi et de la tradition. Un an plus tard Mikhaïl Sergueïevitch Gorbatchev (en russe: Михаил Сергеевич Горбачёв) arrivait au pouvoir, intéressante constatation!
Comme toujours chez les Russes, esthétique et sensibilité artistique sont au coeur de l’acte créatif (on peut le constater dans un tout autre domaine comme le patinage artistique par exemple). À écouter la musique d’accompagnement de ce dessin animé, et notamment dans la scène véritablement fantastique de poursuite avec les serpents, on retrouve des accents droits tirés d’Alexandre Nevsky de Serge Prokofiev dans la scène de course à cheval sur la glace des chevaliers teutoniques.
Vous ne parlez pas russe, ne vous en faites pas, moi non plus d’ailleurs et je le regrette car cette langue est belle, laissez-vous simplement porter par le souffle chaud et le chuintement des mots et admirez ces belles images, ces icônes!
Pierre-Alain Lévy