La Chronique littéraire d’Émile COUGUT.
Voilà un petit livre de géopolitique, court facile à lire, clair qui fait tomber bien des lieux communs dont les médias se font des relais passifs. Iran Etats-Unis : les amis de demain ou l’après Ahmadinejad d’Ardavan Amir-Aslani que vient de publier Pierre Guillaume de Roux, est un livre utile pour ceux qui veulent comprendre ce qui se passe dans cette partie du Moyen Orient, à un moment ou les iraniens votent pour leur prochain président de la République.
Soit, le président de la république iranienne n’a pas des pouvoirs étendus, ceux-ci sont détenus par l’ayatollah Ali Khameni dont les partisans, les conservateurs du parti islamique, seul parti reconnu dans ce pays, ont la majorité à l’assemblée nationale. Mais les dernières années ont été marquées par la lutte sourde que se livraient Khameni et Ahmadinejad, ce qui a empêché à ce pays de parler d’une seule voix sUr la scène internationale.
Ardavan Amir-Aslani insiste sur le fait que l’Iran est peuplé à 85% de chiites, les ennemis depuis presque les origines de l’islam des sunnites majoritaires dans le reste du monde musulman. Le chiisme est avant tout un islam spirituel, alors que le sunnisme prône un islam plus agressif. D’ailleurs le terrorisme islamique, depuis trente ans est d’origine sunnite pas chiite. Le seul mouvement soutenu clairement par l’Iran est le Hesbollah au Liban, tout comme il est l’allié de Bachar El Hassad en Syrie, alaouite (sous courant du chiisme) contre les rebelles sunnites dont on vu ce qu’ils sont capables de faire quand ils arrivent au pouvoir par les armes…
De plus la majorité des réserves de pétrole du Moyen Orient, en Arabie Saoudite, au Bahreïn, en Irak, se trouve dans des régions où la population est en majorité chiite.
Le peuple iranien est jeune, l’immense majorité n’a pas connu l’époque du shah. C’est un peuple qui souffre de l’embargo international, qui connait une crise économique profonde, entre 25% et 50% de la population est au chômage. Mais pour autant, même si la religion a toujours une importance dans la vie quotidienne, force est de constater que par rapport à ses voisins, les femmes ont un meilleur statut, l’accès aux moyens de communication moderne (internet, paraboles pour la télévision, etc.) est libre, les infrastructures (routes, eau courante, téléphone, etc.) sont développées, le niveau de formation est très élevé. De plus les iraniens se savent les héritiers d’une culture plurimillénaire qui leur est propre, qui a permis l’apparition d’une vraie nation iranienne transcendant les clivages religieux : ainsi les sunnites ou les kurdes ont combattu dans l’armée iranienne contre les Irakiens sunnites. La société iranienne ne souhaite pas remettre en cause le caractère religieux du régime, tout au plus désire-t-elle que les religieux s’occupent plus de religion que de politique.
Se pose bien sûr le problème du nucléaire, ou plus exactement de l’arme nucléaire. Les iraniens veulent avant tout la technologie pour fabriquer la bombe, ils savent très bien qu’au moindre essai, la riposte sera autre que celle qui ne frappa pas la Corée du Nord.
De fait, il est apparu que le Hamas dans la bande de Gaza était financé par les monarchies sunnites du Moyen Orient et non par les chiites iraniens, et au-delà des mises en garde cycliques de Benjamin Netanyahou, l’Iran n’est plus considéré comme un ennemi sérieux.
C’est ce qui peut être perçu dans l’évolution de la politique américaine qui s’est infléchie avec l’élection, et surtout la réélection de Barack Obama et l’arrivée de John Kerry à la tête de la diplomatie américaine.
Les américains savent que le terrorisme international est financé par les monarchies pétrolières du Moyen Orient. Mais d’ici une dizaine d’années, grâce au gaz de schistes, les Etat Unis, suivant les experts devraient non seulement être auto-suffisant en pétrole mais en plus le premier exportateur mondial, leur dépendance vis-à-vis de ces pays ne sera plus du tout la même.
En plus, les américains sont très inquiets de l’avancée chinoise vers le proche orient. Déjà très présents au Pakistan, ils ont besoin pour leur développement du pétrole du Moyen Orient. A long terme, le seul allié qu’ils puissent trouver contre les chinois et leurs alliés sunnites en cette région du monde sont les chiites iraniens.
On perçoit un rapprochement entre les deux pays, rapprochement qui est visible aussi du côté iranien, dans ses interventions, le guide suprême infléchit petit à petit ses positions contre les Etats-Unis. Le départ d’Ahmadinejad devrait permettre à ce mouvement de continuer.
Il y a encore bien des rancœurs chez les deux parties, les relations ne seront normalisées que dans longtemps et après bien des soubresauts, mais cette normalisation est dans l’intérêt de chaque pays.
Et puis, en avril 2013, pour la première fois depuis la révolution de 1979, un drapeau américain s’est dressé en Iran. C’était lors de la rencontre entre l’équipe de lutte des Etats-Unis et celle d’Iran. En 1971, l’équipe américaine de ping-pong était invitée en Chine, alors considérée comme le symbole du mal absolu. Un an après le président Nixon rencontrait Mao en visite officielle.
Ce petit livre, surement critiquable sous certains aspects n’en est pas moins un vrai porteur d’espoir de paix
Emile Cougut
Ardavan Amir-Aslani
Éditions Guillaume de Roux. 17€
Ardavan Amir-Aslani a fait ses études à l’American School of Paris (Saint-Cloud) puis à l’Université Paris II Panthéon-Assas et Panthéon-Sorbonne où il a obtenu un Doctorat en droit. Il a été chargé de cours de droits anglais et nord-américain à l’Université François Rabelais de Tours. Il est Maître de conférence à l’École de guerre économique1 et a été enseignant à HEC en 2011-2012, où il était chargé d’un enseignement sur la géopolitique du Moyen-Orient. Ardavan Amir-Aslani est Avocat Associé au sein du cabinet d’avocats d’affaires Ngo Cohen Amir-Aslani & Associés.