When André Gide apologized to Marcel Proust for not having printed at first glance Swann’s way
Voilà maintenant un siècle en ce mois de novembre 2013, que l’oeuvre phénoménale de Marcel Proust débutant par Du côté de chez Swann a été édité. À travers l’actualité des ventes de Sotheby’s où le brouillon sera mis aux enchères, Le Figaro retrace l’histoire d’une erreur littéraire entre Gide, directeur éditorial à la toute jeune NRF et Proust et le revirement intelligent et digne d’André Gide décidant de revenir sur sa décision et d’éditer «À la recherche du temps perdu»
P-A L
Lu dans la presse: Le Figaro
L’édition n’est pas une science exacte. Après avoir refusé Du côté de chez Swann, l’éminence de la NRF le regrette dans une lettre dont le brouillon est mis en vente chez Sotheby’s, le 26 novembre. Que l’encre semble fraîche à lire ce brouillon écrit il y a cent ans! Anne Heilbronn pétille plus encore qu’à l’accoutumée quand elle suit ces lignes. Marcel Proust est un monument de la littérature mondiale, surtout à ses yeux à elle, experte en livres et manuscrits à Paris chez Sotheby’s, dont elle est vice-présidente. Cette lettre, dans laquelle André Gide, membre de la Nouvelle Revue française (NRF), s’excuse du refus de publier Du côté de chez Swann, «je l’ai citée des milliers de fois. Ce sont les plus célèbres excuses de la littérature française». Or, quand elle a découvert le 21 juin dernier le brouillon, chez des collectionneurs franciliens qui souhaitaient s’en séparer, Anne Heilbronn a bondi. La version était inédite. Les mots de Gide avaient été mal recopiés. Elle en fit la lecture auprès des collectionneurs, comme d’un scénario, avec cette passion simple des mots écrits pour être lus, transmise par son père bibliophile militant à la BnF, Hubert Heilbronn, et par son oncle, le cinéaste Claude Sautet . Choc émotionnel Tout est dans la rature. «Et dans les passages en plus. Les notes qui disparaîtront après», souligne-t-elle. On pense à l’écrivain et ex-éditeur Paul Fournel qui, dans son roman La Liseuse (Folio) écrit: «Ce que j’aime dans les notes marginales, c’est l’écart qui existe entre le texte et elles. Hâtivement tracées, elles sont le contraire du texte lui-même. Elles dialoguent avec l’auteur.» Bientôt, les manuscrits seront des raretés. «Ne croyez pas pour autant que mon métier disparaisse. Il y a un côté hypersensuel dans le livre. Et puis la provenance, quel choc émotionnel!», dit la spécialiste, qui a collé sur son scooter cette étiquette: «Reading is sexy.» Retour à Gide. Pour elle, «ce brouillon a été écrit la veille ou le jour même de la lettre envoyée à Proust le 11 janvier 1914». En archéologue, la bibliophile lit ces mots gommés au fil des versions: «Je m’en sursature avec délice. Je m’y vautre.» Gide confesse aussi être tombé distraitement sur des passages comme celui de «la tasse de camomille», ou du «front où des vertèbres transparaissent». Froissant entre ses doigts un papier invisible, Anne Heilbronn, admet: «Révéler un brouillon, c’est revenir sur le droit à l’erreur du premier jet. Mais l’autographe est si sincère!» Surtout quand on sait l’origine de l’initiative. Elle figure au catalogue: «En décembre 1912, la NRF refusa d’éditer Du côté de chez Swann. Il se peut très bien que les membres du comité aient tout simplement reculé devant l’énormité de l’ouvrage et le côté mondain de Proust», y écrit Anne Heilbronn. Du côté de chez Swann est donc paru à compte d’auteur chez Grasset le 14 novembre 1913. Mais, après la lecture du roman, Henri Ghéon, écrivit un article dans la NRF publié le 1er janvier 1914, pressentant l’importance de l’œuvre. «C’est cet article qui poussa Gide à lire Du côté de chez Swann», selon l’experte. Dans sa lettre, Gide s’y accuse. Seul responsable? «C’est un stratège! Il va en faire des tonnes pour convaincre Proust. C’est cela qui est touchant. En réalité, Proust rêvait d’être publié par la NRF. C’était son obsession. Il va d’ailleurs répondre, extrêmement intelligent, sensible et ironique: “Sans le refus, sans les refus répétés de la NRF je n’aurais pas reçu votre lettre (…). Il n’est pas possible qu’ayant lu mon livre vous ne me connaissiez pas assez pour être certain que la joie de recevoir votre lettre passe infiniment celle que j’aurais eue à être publié par la NRF».À l’ombre des jeunes filles en fleurs sera publié par la NRF en 1918. Chez Sotheby’s, le brouillon des excuses est estimé 100.000 à 150.000 €. Valérie Sasportas ÉCOUTER VOIR You have liked this article, great ! Don’t forget to click on the FaceBook or Tweeter icons below, per advance Thank You !
D’où vient l’erreur? «Il semble que Philip Kolb n’a pas eu le brouillon entre les mains, et qu’il a reproduit le texte tel qu’il l’avait été dans la correspondance entre Marcel Proust et André Gide, publiée à la NRF en 1928», analyse Anne Heilbronn. «Ce brouillon est bien plus émouvant que l’original, qui se trouve aujourd’hui à l’université d’Urbana, dans l’Illinois, aux États-Unis. Gide y est totalement sincère. Il ne s’autocensure pas. C’est le premier jet de ses regrets!» Elle lit, sur le ton de la confidence, ce que furent ces mots à l’auteur: «Le refus de ce livre restera la plus grave erreur de la NRF, et (car j’ai cette honte d’en être beaucoup responsable) l’un des regrets, des remords les plus cuisants de ma vie.»
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