Communication, the best of all possible worlds or plane manipulation ?


La chronique de Pierre de Restigné.


Le bandeau qui entoure l’essai d’Edouard Rencker est pour le moins explicite : « NON à la pub qui nous prend pour des cons ». L’auteur est un spécialiste de la communication d’entreprise, il est président directeur général de Makheia, premier groupe de communication institutionnelle indépendant.

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Etymologiquement, la communication veut dire : « mettre en commun», « être en relation avec ». De fait communiquer veut avant tout dire partager, échanger. L’auteur, dans une première partie brillante nous montre que notre société de consommation a détourné la communication vers la contrainte, l’influence, voire la manipulation. De fait, cela n’a rien de particulièrement étonnant quand on connait les « bases théoriques » dont se sont servis les publicitaires et autres « communicants » pour exercer leur métier. Bien sûr Edouard Rencker n’y fait aucune allusion, mais les grands théoriciens (et praticiens) de la communication politique puis publicitaire, ceux dont les écrits ont aussi servis de base à l’étude de la psychologie des foules sont, depuis Gustave Le Bon, Lénine et Goebbels, qui je crois ne sont pas passés dans l’histoire pour des modèles de démocrates… Bien sûr, on peut faire remonter la communication moderne à la mort de Socrate et faire de Platon le premier « public relation » de l’histoire comme le souligne E. Rencker, et ne parlons pas des apôtres… !

Cette racine, en soit tout à fait noble, ne doit pas faire oublier que les outils de la communication moderne, eux n’ont pas été développés par Platon, Xénophon ou autres évangélistes, mais pour servir des dictatures.

Cela posé, le livre d’Edouard Rencker au-delà du constat apporte des éléments de réflexion de ce que devrait être la communication en ce début de millénaire avec l’apparition de nouveaux supports pour la véhiculer. A chaque fois qu’une nouvelle façon de diffuser l’information a été créée par le génie humain, les conséquences sur la société ont été importantes d’où des réticences très fortes au niveau du pouvoir politique. Louis XI a instauré les prémices de la censure dès l’apparition de l’imprimerie qui fut une des causes des guerres de religion en Europe. Le cinéma, la radio, la télévision ont fait l’objet dès leur création de contrôles très stricts. Le problème qui se pose aux pouvoir publics avec internet et la dématérialisation, non du support, car une machine est nécessaire, mais de l‘origine de l’information qui est transmise est le contrôle du contenu qui est devenu, de fait, impossible. De plus avec la multiplication des informations transmises, leur vitesse, il est impossible de prendre du recul pour pouvoir différencier entre celles qui sont vraies avec celles qui n’offrent aucun intérêt pour le récepteur. C’est l’adage « trop d’information tue l’information » que tout un chacun subit quotidiennement aussi bien dans son cadre professionnel que dans sa vie privée. De par son métier, Edouard Rencker analyse brillamment les problèmes qui se posent au sein des entreprises, enfin dans les entreprises avec qui il travaille et qui ne doivent pas être des PME ou des PMI qui, elles, ont rarement pour ne pas dire jamais des problèmes de positionnement de la direction de la communication au sein de la hiérarchie de l’entreprise, car il n’y en a pas…

Pour l’auteur, revenir à une « vraie » communication, une communication qui ne soit pas de la manipulation, il est nécessaire qu’elle passe par une « nouvelle posture (l’authenticité), de nouveaux engagements (abandonner la manipulation), par l’invention de nouvelles méthodologie (penser en terme de public et non de cibles), par d’autres moyens de réflexion (l’Open Data), par une grille d’analyse de la communication plus efficace, réactive fondée sur une vraie relation plutôt que sur des interactions. Sans oublier un travail méthodologique extrêmement fin pour élaborer un ensemble de signes audibles et acceptables envers des publics de plus en plus segmentés.» On ne peut qu’être d’accord avec lui, et avec les développements qu’il nous sert pour parvenir à ce but. Pour autant, un certain scepticisme reste dans l’esprit des lecteurs, tant tout cela passe par la bonne foi des communicants et les oblige de fait à remettre en cause tout leur savoir, à prendre un autre chemin que celui qu’ils ont appris, à une remise en cause totale des outils qu’ils ont à leur disposition et qu’ils savent utiliser. En quelque sorte c’est renier Lénine et Goebbels, et accepter de ne jamais manipuler les personnes à qui ils s’adressent. On peut toujours rêver… Il va de soi, c’est faisable, mais à une condition alors, c’est que tout les communicants fassent en même temps la même démarche. Et dans les communicants, il faut inclure tous les « anonymes » qui inondent Internet de messages et dont les récepteurs ne connaissent pas la démarche. Une sorte de « code de bonne conduite de la communication » est certes nécessaire, mais est-ce que les personnes qui reçoivent cette communication vont croire à la sincérité des émetteurs quand d’autres émetteurs diffuseront des messages totalement contradictoires. Et que deviennent les personnes (à peine quelques milliards au niveau de l’humanité et quelques millions en France) qui n’ont pas accès à « l’Open Data » ?

Et puis, il est parfois difficile de partager l’optimisme de l’auteur. Quand il nous parle de publics différenciés, le spectre du communautarisme n’est pas loin. Et si les vecteurs actuels de communication : ordinateurs, tablettes et autres Smartphones, ont permis de mettre en relation émetteurs et récepteurs d’information de façon instantanée, il n’en demeure pas moins qu’ils détruisent les relations inter personnelles qui elles développent les relations humaines, terme qui devient un gros mot dans l’organisation de nos sociétés… En plus, au nom de la liberté que ces engins nous donnent (du moins ils nous sont vendus au prétexte de ce motif), il n’en demeure pas moins qu’ils sont avant tout des instruments pour mieux nous surveiller. Au-delà des écoutes « sauvages » étasuniennes, il suffit de voir le nombre de « spam » qui inondent nos boites courriel pour s’en rendre compte. Cette « liberté » à un coût : notre emprisonnement. Ce qui n’est jamais dit lors de notre acte d’achat et encore moins dans toute la publicité qui nous inonde. Ne pas dire, cacher les aspects les « moins plaisants » d’un objet, n’est-ce pas de la manipulation ?

Les vœux pieux d’Edouard Rencker risquent de le rester longtemps.

Pour autant, le constat que fait l’auteur sur les problèmes qui se posent et que posent la communication actuelle est très intéressant, même si parfois, il abuse de sigles, d’acronymes que les profanes ne maîtrisent pas totalement. De plus, il n’est pas toujours facile à savoir quand il parle de communication politique, d’entreprise ou grand public.
La pub est morte. Vive la communication est toutefois un livre intéressant à lire pour ceux qui souhaitent comprendre les mécanismes d’élaboration des manipulations qui nous entourent.

Pierre de Restigné


La pub est morte. Vive la communication

Edouard Rencker

Éditions L’Archipel.19,95€


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