In the beginning was Sherlock Holmes and Sir Arthur Conan Doyle
La chronique littéraire d’Émile COUGUT
Sherlock Holmes : personnage de fiction crée en 1887 par Arthur Conan Doyle, médecin généraliste de profession, dont les lecteurs du monde entier ont suivi les enquêtes à travers quatre romans et cinquante-six aventures. Personnage de fiction qui a connu un tel succès en Angleterre et dans le monde entier qu’il est devenu une véritable personne pour certains. Et qui dit personne, dit histoire personnelle que l’on peut décrire dans une biographie…
Il parait bien difficile de faire une biographie de Sherlock Holmes, tant ce dernier est fort peu disert sur son enfance, sur sa famille, ses études (sûrement Oxford à moins que ce ne soit Cambridge ou une autre université), les sports qu’il a pratiqués (la boxe et l’escrime). À travers tout ce qu’il a aussi laissé transparaitre, il a une origine française de part sa grand-mère, sœur du peintre (sans savoir si c’est le père ou le fils) Vernet et ’il a un frère ainé : Mycroft. Il a eu une jeunesse solitaire, est venu à Londres pour devenir le premier détective consultant anglais.
A la recherche d’un colocataire, il rencontre dans « Une étude en rouge » le docteur Watson qui deviendra son ami et biographe. Célibataire, voire misogyne (une seule femme Irène Adler trouvera grâce à ses yeux), solitaire, chimiste accompli (en 2002 il est nommé membre d’honneur de la Société de chimie d’Angleterre), dépendant à la cocaïne dont il s’injecte des solutions à 7% dans ses moments de dépression (jamais pour se stimuler lors d’une enquête) expert en déguisement, il est un précieux collaborateur d’un Scotland Yard, qui, à cette époque, était très décrié du fait de ses manques de résultats.
Sherlock Holmes a une méthode bien particulière pour mener à bien ses enquêtes : l’observation des faits, des lieux et en tire des déductions qui s’avèrent exactes. Il travaille à partir d’une mémoire prodigieuse et de fiches qu’il met continuellement à jour. Il fait un véritable travail de police scientifique à une époque où celle-ci en était à ses balbutiements. Il n’y a que la dactylographie qui ne trouve pas grâce à ses yeux, en France Bertillon à la même époque fut longtemps très septique quant à l’utilité des empreintes digitales. Soit, Sherlock Holmes est un solitaire, mais il emploie tout un réseau de jeunes garçons qui vivaient dans les rues : les « irregulars ». A la fin du XIXème siècle, Londres est la plus grande ville d’Europe avec ses 6 millions d’habitants, dont une grande partie vivait dans la misère, et les enquêtes de Sherlock Holmes nous amènent dans les ruelles sombres où le crime règne. Il nous décrit en véritable ethnologue, cette ville, ses différents quartiers, les strates de population qui y résident, qui se croisent plus qu’elles ne se fréquentent. Bien sûr, parfois il enquête loin de la capitale britannique comme dans le célèbre « Chien de Baskerville », mais la société de l’époque y est toujours méticuleusement décrite. En dépit de ce que certains croient encore, Sherlock Holmes est un personnage de fiction, il n’a jamais existé et le célèbre 221B Baker Street, son domicile, ne correspond à aucune adresse recensée dans les plans londoniens.
On connait bien son auteur, Conan Doyle, un médecin généraliste, élève du professeur Joseph Bell, un des fondateurs de la médecine légale en Angleterre, qui défendait la pratique de l’observation médicale pour connaitre les causes des maladies, mais aussi des décès. Il défendait, du haut de sa chaire, une démarche développée par Horace Walpole : la sérendipité (qui a fait l’objet d’une chronique dans Wukali). L’influence de Joseph Bell dans la façon d’être et de travailler de Sherlock Holmes est plus qu’évidente. Conan Doyle, d’une fratrie de 9 enfants avec un père alcoolique violent qui finira ses jours dans un hôpital psychiatrique, en plus de la médecine était passionné par l’écriture. Son œuvre, pour lui, était dans ses romans historiques, sûrement pas dans ses livres policiers. Voltaire croyait bien qu’il passerait à la postérité grâce à son théâtre et Simenon grâce à ses « romans durs ». Conan Doyle se sentait tellement prisonnier de Sherlock Holmes qu’il a essayé de le tuer, mais fut obligé de le « ressusciter » à la demande du public britannique.
Conan Doyle, pour créer son personnage phare, s’est inspiré aussi bien de Vidocq, du chevalier Dupin de E. A Poe, que de Lecoq de Gaboriau, son héros se permettant de les critiquer pour mieux mettre en valeur sa méthode de travail.
Conan Doyle est mort, mais Sherlock Holmes a continué à « vivre » loin de son auteur. Il a influencé les plus grands auteurs de romans policiers comme Chesterton (le père Brown), Simenon (le commissaire Maigret) ou Agatha Christie (Hercule Poirot). Il a vu la création de « clones » comme J. Raffles de son beau-frère Harnany qui a servi de modèle à Arsène Lupin de Maurice Leblanc. Le cinéma et la télévision ont mis en scène des dizaines de Sherlock Holmes, de valeurs souvent inégales.
Jean Bastardi Daumont a produit une étude particulièrement intéressante de cette filmographie. Dans cette « biographie », il nous apprend des éléments que bien peu connaissent, enfin les simples lecteurs de Conan Doyle, pas les membres d’une des 430 sociétés holmésiennes recensées dans le monde. Ainsi la pipe recourbée a été popularisée par un acteur William Gillet, et la casquette à double visière et le « macfarlane » par un illustrateur Sidney Page.
Pour les néophytes, le travail de Jean Bastardi Daumont est une brillante entrée pour connaitre « le canon » de l’univers holmésien, qui plus est, il pousse aussi à relire les romans et nouvelles dont Sherlock Holmes est le héros.
Et puis pour les amateurs, chineurs, ou autres bibliophiles, si vous possédez une édition originale d’une « Étude en rouge », sachez que vous devez vite la mettre dans un coffre, c’est une vraie mine d’or !
Emile Cougut
Sherlock Holmes, détective consultant
Jean Bastardi Daumont
Éditions La Martinière. 32€