A stinky movie


Lu dans la presse

Après avoir visionné « Welcome to New York« , on peut évoquer le navet. On peut aussi s’attarder sur le navrant. Car dans ce film inspiré des frasques de DSK, le réalisateur Abel Ferrara y glisse une ignominie : la fortune d’Anne Sinclair, ou plutôt celle de son personnage baptisé Simone, viendrait de combines suspectes sous l’Occupation. Une réécriture totale de l’histoire de la famille de la journaliste.

L’antisémitisme fonctionne comme la calomnie selon Beaumarchais, dans le Barbier de Séville. Lancez une accusation dénuée de tout fondement, laissez la courir et s’enfler comme une rumeur et elle deviendra l’idée la mieux partagée. C’est ainsi qu’Abel Ferrara, au détour de son lamentable navet, Welcome to New York, lance une ignominie : la fortune d’Anne Sinclair, ou du moins celle du personnage de Simone, proviendrait de combines inavouables datant de l’Occupation.

Le scénario grossier ayant déjà présenté DSK comme un monstre déshumanisé, un vampire (Des vierges pour Dracula, avec Christopher Lee passe d’ailleurs pour un Bergman quand on a vu Gérard Depardieu dans Welcome to New York), il faut justifier la présence à ses côtés d’une épouse, qui persiste à le soutenir. Il est donc indispensable de la noircir ! La compagne d’un monstre avide d’innocentes créatures ne peut-être la grande journaliste dont la popularité n’a pas été affectée par l’affaire du Sofitel. Heureusement, elle est riche et juive. De quoi réveiller les vieux fantasmes antisémites. Elle peut bien puiser dans son trésor pour que son vampire échappe au bâton de buis de la justice et au chapelet de têtes d’ail. Une fortune juive est forcément suspecte. Qu’importe la vérité !

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Le galeriste Paul Rosenberg, grand-père d’Anne Sinclair, défendait, dans les années 20, des peintres encore controversés : Picasso, Matisse et Fernand Léger, entre autres. L’origine de sa fortune ne tient à rien d’autre que son discernement de marchand d’art. Conscient du danger nazi, il partit pour les Etats-Unis avec sa famille en 1940. Loin de faire fortune grâce à l’Occupation, il fut spolié et déchu de sa nationalité française par Vichy et les tableaux qu’il n’avait pu emmener furent pillés par la soldatesque nazie. Le père d’Anne Sinclair quant à lui rejoignit la France Libre dont il partagea les épreuves et les combats jusqu’à la fin de la guerre.

Faire du juif un profiteur de l’Occupation, voilà l’amalgame !

Mais, dans le film, cette famille irréprochable doit être souillée. On bâtit donc un amalgame qui fait du juif un profiteur de l’Occupation ! Pendant cette période, on a plutôt vu des biens juifs accaparés par les nazis, volés par leurs serviteurs, on a vu la cupidité des délateurs envoyer des familles entières à la mort. Les produits des pillages ont parfois été dissimulés jusqu’à nos jours.

En France, les comptes bancaires des juifs assassinés sont restés en déshérence jusqu’à la fin du siècle. Les nazis et leurs complices raclaient tout, les 75 000 juifs déportés de France avaient été dépouillés de tout ce qu’ils possédaient, les gardiens de Drancy confisquaient les sacs à main et faisaient les poches des malheureux qui montaient dans les trains. Et l’on ose jouer de cette association d’idées nauséabondes qui rend suspecte toute fortune juive, en l’associant à l’Occupation !

Des fortunes douteuses ont bel et bien été bâties en France et dans toute l’Europe occupée, mais ce fut par la collaboration et la confiscation des biens juifs. Mais Abel Ferrara lance cette ignominie, qui colle si bien à l’esprit d’un temps où la rumeur se substitue à l’histoire. Anne Sinclair refuse de s’abaisser à le poursuivre. Elle a raison : de nos jours, les écrivains, les histrions et les cinéastes usent de l’antisémitisme pour masquer leur médiocrité et passer pour sulfureux. Le navet de Ferrera ne mérite pas de passer pour un brûlot subversif.

Source : MARIANNE. Guy Konopnicki


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