A hell of fire starting in August 1914. Great animation movie


La chronique de Pierre-Alain LÉVY.


Vous connaissez très probablement mon goût particulièrement résolu en faveur du film d’animation, une forme d’art cinématographique qui permet de traiter tous les sujets, mais vraiment tous et bien loin de l’idée saugrenue de ne convenir qu’à un seul public de très jeunes collégiens. Les termes mêmes en ont changé, on ne parle plus guère de dessins animés, mais de films d’animation et cette nuance sémantique tout à fait révélatrice va bien au delà de la simple technique. Il semblerait même, (et plus je vois de ces films, plus je m’en convaincs) que la propension actuelle le désigne pour un public adulte et cultivé.

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Je retiendrais deux arguments pour étayer cette opinion, le sujet et la qualité artistique.
Le film d’animation que j’ai d’ailleurs sélectionné cette semaine à savoir : « La Tranchée» du réalisateur canadien Claude Cloutier et sorti en 2010, me permet sans difficulté de confirmer cette conviction.

L’image, car c’est aussi de cela qu’il s’agit et notre société subit ad vomitum, pardonnez-moi cette expression, un trop plein d’images qui se succèdent à vitesse cybernétique sans que jamais celui qui les regarde, vous et moi, ne se pose vraiment la question de leurs fonctions ni de leur véritable capacité d’influence mais c’est déjà un autre débat…

Claude Cloutier utilise des photographies d’archives, d’actualités d’époque, les façonne, les modélise, les transforme via parfois des techniques informatiques et leurs donne une unité de couleur, et puis le travail de l’artiste intervient au pinceau dans une véritable création artistique restituant par la griffe de la peinture l’atmosphère dantesque de ces combats des tranchées, de ces assauts sanglants, de cette mort qui taraude et qui fauche tout en mettant en contraste la nostalgie lumineuse de cette vie civile et de paix laissée au pays, de cette vie idyllique et pastorale que de jeunes hommes ont abandonnée, en l’occurrence de jeunes canadiens, pour venir combattre et mourir dans les champs de l’Aisne ou de l’Argonne.

Claude Cloutier parachève sa magistrale démonstration en mettant en opposition avec ces jeunes gens sous l’uniforme, ces soldats, un monde nécrophage et caverneux d’insectes et de rats comme prolégomènes de l’enfer et de l’outre-tombe. La musique d’accompagnement due au compositeur Pierre Desrochers et entremêlée de bruits d’explosions et de mitraille, avec des staccati de caisses-claires ou de cuivres, lisse le film. Les dernières images sont particulièrement prenantes comme toutes issues d’un cauchemar que je ne saurais qualifier, sinon goyesques peut-être, le grand peintre espagnol ne disait-il pas: El sueño de la razón produce monstruos ! Les corps éclatent et se transforment, se métamorphosent même, deviennent matière et néant, ceux des hommes comme ceux des chevaux, broyés, massacrés, chairs déchirées, pulvérisées par les pluies d’acier et de feu qui tombent, broient les hommes et tuent l’espérance.

14, 1914, Le soldat venu du Québec ou de l’Ontario à peine débarqué sur la belle terre de France git mort allongé près d’une tranchée, son corps peu à peu recouvert de cette gangue de terre et de boue qui l’avale comme Saturne dévorant ses enfants, et l’absorbe dans cette glaise fatale et saint sépulcre

Pierre-Alain Lévy


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