à Georges Caillé

Sous les caps du passé, océan sans rivage je contemple un amour emporté par les vents.
Les troupeaux fugitifs en la nuit de mon âge disparaissent.
Mes yeux sont les lampes du
Temps.
Terres mémoriales mes îles fortunées ! seigneurial délice, majestueux repos ! les rapides chevaux de mes vertes années n’ont pas lassé mon cœur du bruit de
leurs sabots.
J’ai tissé, j’ai tissé de vents et de paroles un voile au long col gris tenu par les péchés.
De mon dernier portail il cache l’Acropole et courbe vers le sol un casque empanaché.
As-tu faim de la terre ?
Rêves-tu de royaumes ?
Changerais-tu de peau, de pays, de couleur ?
Deux fées se sont penchées pour enlever mon heaume le fer de leur baiser cicatrisa mon cœur.
Qu’elle brille, la rouge, avec sa guipure !
Ses serviteurs criaient : «
Le vieux monde est brisé ! »
Sa licorne au printemps, emprunte sa parure.
La deuxième licorne, les habits de l’été.
«
Va ! tu sauras bientôt ce que l’âge contemple ! » me disait l’autre fée nue sous un beau turban
Elle était allongée sur les marches du temple et me tendait un crâne d’or sur un cadran
Un triste et calme vent inconnu sous les astres qui n’était pas venu d’horizons cardinaux étendait sur le golfe le jour bas du désastre.
Le vieux monde est brisé, préparons les vaisseaux.

Max JACOB. (1876-Drancy 1944)


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