An imaginative literary frame
La chronique littéraire d’Émile COUGUT.
Clara Brancusi, née Bruti est la veuve d’un ancien président de la République. Nonagénaire, elle vit retirée à Nice, en 2060, dans une France qui vient de subir la troisième guerre mondiale et qui ne ressemble plus à ce qu’elle fut. Meurtrie par l’occupation saoudienne, elle a été libérée par le Qatar qui a aboli la République, transformé le palais de l’Elysée en musée du football et institué l’islam comme religion d’Etat. Une série de lois, toutes plus coercitives les unes que les autres, mais prises pour le bien être des français, ont eu pour conséquence un allongement très important de l’espérance de vie. Clara Brancusi, vu son âge est victime de la maladie d’Alzheimer, ne se souvient que de petites brides de son passé (elle sait qu’elle a défilé dans sa jeunesse et en conclue naturellement qu’elle fut militaire et non mannequin) et rarement de ce qui c’est passé quelques heures avant. Mais, comme elle n’a plus aucune notion des « bonnes manières », elle a un langage parfois « cru » qui peut choquer le public et ne pense qu’à faire l’amour. De plus, le conflit l’a ruinée. Son amie Aurélia Meyer, centenaire alerte travaillant pour un « consortium » d’édition, lui envoie son arrière-petit-fils, écrivain médiocre, pour lui servir de « nègre » afin de publier ses mémoires. De fait c’est ce dernier qui à partir de ses recherches sur le successeur d’internet trouve la matière pour ce livre car Carla, à part vouloir coucher avec lui, ne se souvient de rien en général et de son ancien mari de président de la République en particulier.
Parallèlement on suit l’histoire d’un ancien amant de Clara, Solal Cohen, plus grand philosophe de tous les temps, du moins comme il s’est autoproclamé, se noie dans la Seine, persuadé qu’avec son bâton il avait ouvert les eaux pour amener son peuple élu à la terre promise, c’est-à-dire Deauville. Il se retrouve au Paradis où son but est de remplacer Dieu.
La Mémoire de Clara est l’exemple parfait des romans à clef qui met en scène bien des acteurs de la vie parisienne et littéraire actuelle. Un des plaisirs des lecteurs est d’essayer de découvrir qui se cache sous certains personnages du roman. Celui qui est le plus facile à identifier (et pour cause il apparait sous son vrai nom) n’est autre que Patrick Besson qui en profite pour se citer. Au moins, il montre par là, ce dont ses lecteurs ne doutaient pas qu’il sait faire montre d’un certain humour.
Patrick Besson est ce que l’on appelle un écrivain très prolifique : en plus de ses chroniques au Point , il est l’auteur d’une quarantaine de romans, et est juré du Prix Renaudot. Il est certain qu’il a une vraie facilité d’écriture. Il a un style clair, il est facile à lire. Il a un sens inné de la formule : « Les filles qui ont des notes de frais commencent fraîches, puis se refroidissent et finissent glacées. Personne ne paie pour elles, même pas elles. »
Mais il écrit beaucoup, d’aucun trouveront trop. Aussi à force d’être écrit trop rapidement, les personnages de ce livre n’ont aucune profondeur, ils sont décrits à grands traits, caricaturés. Il y a des idées mais aucune n’est véritablement développée, menée à bien. De fait, La Mémoire de Clara n’est qu’une sorte de pochade portant sur le minuscule univers parisien qui se veut intellectuel. C’est plaisant, mais dans quelques années, ce livre sera oublié et Patrick Besson pourra à nouveau mettre son talent au service d’une nouvelle pochade.
Emile Cougut
La Mémoire de Clara
Patrick Besson
Éditions du Rocher. 16€90
WUKALI 08/09/2014