When Police and Hong Kong Authorities clash with students


La police de Hong Kong arrête les leaders étudiants et tente de mettre fin aux manifestations démocratiques. Depuis plusieurs mois déjà à Hong Kong des manifestants relayés par des mouvements étudiants s’opposent au diktat de Pékin d’imposer ses propres candidats pour la désignation du chef de l’exécutif local au suffrage universel ( voir notre article précédent sur ce sujet). Mercredi 26 novembre et dans la nuit près de 6000 policiers ont investi le quartier de Mong Kok 旺角 pour démanteler des barrières mises en place depuis deux mois par les étudiants. Les échanges ont été très vifs entre étudiants et policiers qui ont utilisé dans la répression un nouveau type de gaz lacrymogène particulièrement toxique. 148 étudiants ont été arrêtés parmi lesquels Joshua Wong Chi-fung 黃之鋒 , jeune leader du mouvement protestaire et porte parole du mouvement Scolarism 學民思潮 et #Occupy central ainsi que Wong Ho-ming, Tze-long et Lester Shum représentants de la Fédération des étudiants de Hong Kong .

Joshua Wong, 17 ans, dont la maturité impressionne (lire dans Wukali l’article qui lui fut consacré ) a été arrêté sans ménagement par les forces de police et immédiatment traduit devant un tribunal qui l ‘a condamné comme persona non grata à ne plus passer de quelque manière que ce soit dans le quartier de Mong Kok, l’empêchant de facto de prendre même l’autobus qui traverse le quartier pour se rendre à l’université comme l’a souligné son avocat. Par ailleurs il a été signifié qu’il sera jugé lors d’un procès prévu en janvier 2015. Toutes mesures qui indiquent clairement que les autorités chinoises tentent actuellement de couper ce brillant et jeune leader de l’ensemble de la jeunesse étudiante contestataire de la ville. La police a investi la ville de la rivière des perles. Les étudiants ne sont pas seuls et sont soutenus par le monde universitaire et par de très nombreuses associations pacifiques pour le changement démocratique. Les jours qui viennent seront cruciaux, le mouvement démocratique veut bloquer l’accès aux bâtiments de l’administration publique de la ville en guise de rétorsion à l’interdiction de manifester et à la violence policière.

Par ailleurs (et l’événement surtout en Chine n’est pas anodin), Joshua Wong Chi Fung a été victime à l’issu du procès et au sortir du tribunal de jets d’œufs qui lui furent jetés au visage lancés par deux individus qui curieusement réussirent à s’enfuir et ne furent point identifiés. Il ne faut pas considérer cet acte délictueux comme anecdotique ou relevant d’«entartreurs belges»(!), mais plus comme une menace hostile des « autorités » avant d’aller plus loin et plus fort. Les habitants de Hong Kong ne s’y trompent pas !

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Autres temps autres moeurs. Si en 1989 le pouvoir politique et l’armée chinoise 中国人民解放军 (APL Armée populaire de libération), avaient sauvagement réprimé les étudiants rassemblés à Pékin place Tian’anmen 天安门广场, faisant 1400 morts et près de 10.000 blessés, la méthode aujourd’hui mise en place à Hong Kong par les autorités politiques est différente. Il est vrai qu’entre ces deux événements les temps ont radicalement changé. La Chine est non seulement devenue une super puissance et l’«atelier du monde», mais le développement de l’Internet et des réseaux sociaux, de la transmission d’images ou de vidéos instantanées partout sur la planète modifient la donne. La stratégie d’image peut être délétère, nous en savons d’ailleurs quelque chose dans nos moeurs politiques en France ! Ce n’est d’ailleurs point un hasard si les tribunaux à Hong Kong viennent de mettre sous surveillance des plateformes internet installées à Hong Kong telles HKGolden.com ou WeChat and Line et qui furent utilisées par les manifestants pour rassembler leurs partisans, la liberté d’expression n’étant point à leur ordre du jour des juges !

A travers ces événements de Hong Kong, qu’on ne s’y trompe point : il ne s’agit point là de la énième révolte étudiante contre telle ou telle décision d ‘un gouvernement ou d’une autorité locale comme l’on a l’habitude de connaître dans le monde occidental. Pas davantage il ne s’agit de l’opposition «petite-bourgeoise» d’une jeunesse privilégiée contre le pouvoir de l’état, comme les autorités chinoises essaient de le faire croire aux autres habitants de la Chine continentale peu habitués à la chose politique ni à s’opposer. Pas plus d’un fait divers banal qu’ont à rencontrer les forces de l’ordre dans la gestion au quotidien de la sécurité publique

Le décryptage de ces événements s’inscrit dans la longue lignée de la répression inflexible menée par le pouvoir de Pékin contre les oppositions d’où qu’elles viennent et notamment incarnées par le Prix Nobel Liu Xiaobo 刘晓波 et son épouse Liu Xia ( cf. article paru dans WUKALI) ou des artistes dissidents comme le très célébré en Occident Ai Weiwei 艾未未,( artiste conceptuel ) empêché d’exposer dans son propre pays et tenu à résidence. Le Laogai 劳改, (camps de détention) est une triste réalité de l’univers chinois.

Le pouvoir politique central dans les mains du Parti communiste chinois 中国共产党 et du complexe militaro-industriel de l’APL, 中国人民解放军 (Armée populaire de libération (APL) étouffe tout expression démocratique.

En 2014 et pour la première fois, la production industrielle chinoise a stagné, les coût du travail continuent d’ augmenter( 10% par an) ainsi que ceux de l’énergie et de l’eau ( rapport Mac Kinsey).

Plus profond encore le mécontentement de la majorité de la population et il ne s’agit point là des 250 millions de Chinois représentant la classe moyenne sur une population générale de 1,35 milliard d’habitants que l’on voit par exemple aujourd’hui visiter l’Europe. Les disparités sociales et économiques ne cessent de s’accroître et provoquent des failles béantes au sein du consensus chinois, la redistribution sociale n’est toujours pas à l’ordre du jour malgré les mises en garde des libéraux chinois qui s’opposent aux stratégies économiques du régime. La corruption est impressionnante au sein de l’appareil d’état, du Parti communiste chinois et des fonctionnaires. Des mises en accusation pour corruption viennent de temps à autre mais très rarement de fait, bousculer le ronron des autorités. La mondialisation désormais commencent à se retourner contre la Chine; des entreprises occidentales commercialisant avec la Chine préférant aujourd’hui pour des raisons de «ratio économique» investir au Vietnam par exemple.

Les soulèvements et attentats ouïghours ( population autochtone turcophone du Sing Kiang à l’ouest de la Chine) contre les Hans ( les chinois colonisateurs devenus majoritaires ) risquent de n’apparaître bientôt que comme de simples ballades de Seigneurs de la guerre. Le titre d’un livre écrit voilà de nombreuses années maintenant en 1973 par Alain Peyrefitte « Quand la Chine s’éveillera… Le monde tremblera  », et qui fut en son temps un immense succès de librairie, pourrait reprendre force et vigueur, indépendamment de l’hypothèse envisagée.


Pékin a pleinement mesuré l’épée de Damoclès qui menace son régime. La remise par l’autorité britannique de l’enclave de la Rivière des perles aux autorités chinoises en 1997 n’est pas cette Longue Marche tranquille espérée naguère par les mandarins rouges du pouvoir central de Pékin. Ce qui se passe aujourd’hui à Hong Kong forte de sept millions d’habitants ( ce qui à l’aulne des populations des mégalopoles chinoises n’est somme toute pas démesuré) pourrait demain servir d’amorce à une Chine troublée qui s’inquiète. De toute l’histoire contemporaine de la Chine, ses pires ennemis n’ont jamais été les impérialismes occidentaux ou agresseurs étrangers ( fussent-ils japonais qui pourtant s’y connaissaient en massacres de population, sac et massacre de Nankin 南京) mais les Chinois eux-mêmes avec Mao Tsé-Toung 毛泽东 responsable de la mort de 70 millions de chinois à travers la Longue marche 长征 , la campagne des Cent Fleurs 百花运动/百花運動), le Grand Bond en avant 大跃进 et la Révolution culturelle 文化大革命. Et pourtant c’est ce même Mao dont l’image surmultipliée et idolâtrée à l’égal d’un dieu tutélaire qui sert de caution identitaire au régime. Une quelconque remise en cause du nationalisme communiste chinois serait insupportable pour les caciques réunis autour de Xi Jingping 习近平 secrétaire général du Parti communiste chinois. Place Tien An Mien l’immense portrait du cher dirigeant, reste sous le regard des foules chinoises qui viennent en masse visiter comme des pèlerins, la Cité Interdite. Pendant ce temps aussi les missiles chinois s’accumulent dressés en direction de Taiwan!

Comme Louis XVI qui écrivait sur son journal de chasse le 14 juillet 1789:« rien», les événements en cours aujourd’hui à Hong Kong pourraient se révéler avoir de très graves conséquences pour le régime!

Pierre-Alain Lévy


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WUKALI 28/11/2014
Illustration de l’entête: photo South Chinese Morning Post


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