The reading of this author is a gleeful pleasure !


Romain Puértolas a l’art de trouver des titres croustillants et irrésistibles, son dernier roman La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la Tour Eiffel ne fait pas exception et c’est un bonheur.

On se rappelle que «L’Extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea» a connu un vrai succès de librairie en France et dans bien d’autres pays. Nous ne pouvons que souhaiter que le nouveau roman de Romain Puértolas qui parait aux éditions Le Dilettante: La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la Tour Eiffel (entraînez-vous à le répéter! ) connaisse le même devenir !

Dans ce dernier roman, on retrouve tout le talent d’écriture de Romain Puértolas : un style clair, énormément d’humour, une grande culture (on ne compte plus les références et les clins d’oeil à Vian, Balzac, Higelin, Orwell, Kundera, Kadaré, etc.), une grande inventivité, une caricature grinçante de notre société, de nos égoïsmes, du rejet de l’autre. C’est un nouveau conte philosophique qui nous est offert. Un vrai conte philosophique dans la droite lignée de ceux de Voltaire et du Siècle des lumières. Et cela fait un bien fou au lecteur. Les livres de Romain Puértolas devraient être remboursés par la Sécurité Sociale comme substitut plus que très efficace aux anti-dépresseurs.

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La grande différence entre les deux romans, les deux contes est que «La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la Tour Eiffel,» a une fin nettement plus « sérieuse » nettement plus « réaliste » et « normale » que les dernières pages de «L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea» et c’est ce qui rend le message d’amour et d’empathie encore plus fort.

Providence, jeune et belle factrice en région parisienne, a rencontré dans un hôpital marocain de « seconde zone » la petite Zahera, orpheline, malade depuis sa naissance de la mucoviscidose, un nuage « grand comme la Tour Effel  » se développe en elle et l’empêche de respirer. Un lien très fort se tisse entre toutes les deux et la jeune femme obtient d’adopter Zahera. Le jour où elle part la chercher à Marrakech, les avions ne peuvent décoller à cause d’un nuage de poussières causé par l’éruption d’un volcan islandais. Pour tenir sa promesse, elle rencontre le suprême Maître 90 ou Maître Hué, grillot sénégalais se faisant passer pour un savant chinois, chef de l’humble caste des mantes tricoteuses (entendre par là les mantes religieuses) célèbre pour leurs sous-vêtements tricotés en fromage. Dans leur temple tibétain de Versailles, où les « moines » jouent à la pétanque avec des tomates vertes, Providence va apprendre à voler en une heure. Elle va « décoller » grâce à Léo Machin (un contrôleur aérien dont elle distribue le courrier), en bikini de l’aéroport d’Orly. S’ensuit un voyage aérien sous les yeux du monde entier. Un miracle, le miracle de l’amour se produit, durant trois minutes pendant lesquelles tous les conflits cessent, pendant lesquelles pas un décès n’est enregistré. Durant son voyage, elle est décorée pour son exploit par les « grands » de ce monde : Obama, Hollande, Poutine, Merckel, Rajoy.

Mais presque arrivée elle est prise dans un orage, et est sauvée des griffes d’un violeur par Léo Machin qui l’a suivie discrètement. Entre temps Zahera victime d’une crise violente est tombée dans le coma et la fiole contenant le médicament pouvant peut-être sauver la fillette a été cassée.

Voilà l’histoire que Léo Machin raconte à son coiffeur. Voilà l’histoire qu’il raconte à Zahera car Prudence est morte dans l’accident d’avion causé par les poussières du volcan, le seul avion dont il avait l’autorisé le décollage pour permettre à la femme de sa vie de tenir sa promesse à une petite fille malade. Voilà l’histoire dont le coiffeur refuse la fin et qu’il réinvente. Le lecteur a le choix entre une très belle histoire d’amour qui finit bien et à une histoire d’amour qui ne finit pas mal, mais qui ne fait pas rêver car trop proche de la réalité. Mais Providence, quelle que soit la fin sauve Zahera d’une mort certaine.

Comme le dit le coiffeur, ce qui importe c’est l’épigramme du roman, la citation de Boris Vian ; « Cette histoire est entièrement vraie puisque je l’ai inventée d’un bout à l’autre» , ou alors cette réflexion : « le plus important est ce en quoi vous croyez. Que ce soit la vérité ou pas. La croyance est parfois plus importante que la vérité. »

La démarche, l’histoire de Providence est une histoire d’amour, d’amour absolu, elle rayonne, transpire d’amour, elle symbolise le dépassement de soi, les miracles que l’amour peut provoquer. Elle, la belle Française blanche, lui l’Antillais noir, elle la petite fille Maghrébine s’aiment bien au-delà des apparences, des couleurs de peau, de la maladie, des peurs, des problèmes matériels, de la gravité. Par amour on est capable de tout faire le bien comme le mal quand on croyait faire le bien. Ce qui compte, nous explique Romain Puértolas, c’est le but, les moyens peuvent être loufoques, irrationnels, ce qui importe c’est d’avoir l’esprit assez ouvert pour savoir les comprendre, les employer pour atteindre ce but.

À la lecture de La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la Tour Eiffel, on rit, on pleure, on réfléchit et surtout on adore avoir la chance de recevoir un tel message d’amour.

Émile Cougut


La Petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la Tour Eiffel

Romain Puértolas

Éditions le Dilettante. 19€


WUKALI 06/01/2015


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