A real pleasure. A punchy, carved and inspired writing !


Les éditions Le Dilettante publient régulièrement des petites pépites littéraires où l’excellence de l’écriture sublime l’originalité de l’histoire et la façon dont l’auteur la traite. C’est en quelque sorte leur signature, leur originalité et le livre d’Alain Guyard en fait partie indéniablement.

La soudure est une réécriture de l’Odyssée d’Homère dans la France du XXIème siècle. Ne vous attendez pas à lire une nouvelle version de l’Ulysse de Joyce, il n’y a strictement aucun rapport tant au niveau du style qu’au niveau du contenu. Alain Guyard revisite ce mythe, mais à sa façon, façon qui lui est très personnelle, et c’est cette démarche que le lecteur ne peut qu’apprécier.

L’auteur est celui qui définit le mieux le contenu de son œuvre : « c’est criard, vulgaire, agressif et disproportionné comme une femme saoule qui accouche debout… absolument mochetingue, mais joyeusement barbare, délicieusement obscène comme un bikini de petite fille taillée dans une escalope crue  ». Non seulement vous avez un avant-goût du style de l’auteur, mais en plus le critique ne peut rajouter un mot de plus tant tout est dit.

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La soudure, c’est cette opération qui permet de lier entre elles deux pièces de métal. C’est le métier de Ryan Moreau, c’est la passion de Cyndie Roux, c’est ce qui leur permet de se découvrir, de s’aimer. La soudure, c’est ce moment revenant chaque mois quand l’argent vient à manquer et qu’il faut attendre la prochaine rentrée. En se privant de tout, le couple, toute charge déduite n’a que 19 euros pour vivre. Aussi, Ryan se lance dans le vol de véhicules à l’aide de ses amis gitans propriétaires d’une casse. Très vite, de par sa créativité et surtout sa volonté de se servir des moyens modernes pour commettre ses méfaits, il devient chef de bande. Mais la trahison le guette en la personne de son ami Kristopher et il finit par se retrouver en prison.

Kristopher, c’est une sorte de Judas, de Ganelon, la figure type du traite fourbe, égocentrique, jaloux et de la réussite de Ryan et de sa relation avec Cyndie. Il abuse d’elle une nuit où elle s’est saoulée pour vaincre la tristesse qui était en elle et il devient obsessionnel pour l’avoir que pour lui. Des amis comme Kristopher, il y en a, beaucoup, et ceux qui ont croisé de tels prédateurs savent tout le mal qu’ils sont capables de causer.

Et surtout, il y a Jean Jacques (son nom de famille étant Jacques et non Rousseau), l’aède de l’histoire, capitaine de la marine marchande propriétaire d’une péniche de mer que Cyndie, par passion, restaure sous sa direction. Et des personnages hauts en couleur comme un avocat « marron » mais excellent pénaliste et un officier de gendarmerie prêt à tout pour obtenir son avancement.

Les « puristes », comme je me targue souvent d’être, peuvent faire la fine bouche quant aux erreurs relatives aux procédures policières et judiciaires. Mais quand elles s’intègrent parfaitement dans le récit, quand leurs outrances démontrent parfaitement leurs côtés caricaturaux, il n’y a rien à dire, elles ne causent aucun énervement, mais plutôt font sourire tant elles font regretter qu’elles ne correspondent pas à la réalité.

Alain Guyard fait preuve d’une grande inventivité, faisant des rapprochements que seul lui sait faire, il arrive à créer une sorte de religion basée sur le culte de Sainte Sara qui ne serait autre que la princesse Kali et dont Héraclite fut le grand prêtre. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’auteur est doté d’une solide imagination et d’une grande culture classique. Et son talent n’est-il pas justement de savoir intelligemment l’adapter à notre époque. Mais en plus il sait faire montre d’une poésie certaine dans son écriture : « le père parlait peu mais buvait doucement, longuement, beaucoup comme font les pêcheurs d’huitres perlières quand ils s’emplissent d’air avant de descendre en apnée. »

Je pense n’est-ce-pas que les lecteurs de ces quelques lignes ont compris que j’ai pris énormément de plaisir à la lecture de La soudure, et qu’il ne leur reste plus qu’à aller investir 18 euros de bonheur chez leur libraire favori…

Emile Cougut


La Soudure

Alain Guyard

Éditions Le Dilettante. 18€


WUKALI 07/04/2015

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