Jesus had also some brothers, one of the them was Jude

Dans le cadre des « oubliés de l’histoire », voilà un roman qui nous fait revivre un personnage qui a véritablement existé : Jude, fils de Marie et de Joseph, frère de Jésus, mais aussi Simon, José et surtout Jacques, tous trois membres de la même fratrie.

Ce n’est pas un roman sur la vie du Christ, ni sur les premiers chrétiens, encore que, mais sur la vie des quatre frères de Jésus. Ils ont réellement existé et seule une certaine escroquerie intellectuelle de Saint Jérôme les a considéré comme étant les cousins de Jésus, escroquerie relayée que par les catholiques romains, les autres courants du christianisme ne mettant pas en doute leur réalité. De fait, tous les écrits canoniques parlent d’eux, Jacques et Jude ont chacun signé une épître, et même des écrivains non chrétiens comme Flavius Joseph, témoin des événements de cette époque, font référence à un certain Jacques « frère du seigneur ». Et de fait, il apparaît clairement dans ces textes qu’après la Passion, la petite communauté chrétienne a été « guidée », « dirigée » par Jacques « le juste » que certains considèrent comme étant de fait le premier évêque de Jérusalem, voire le premier pape de la chrétienté.

Françoise Chandernagor a imaginé la vie de cette famille hors du commun à travers le témoignage du petit dernier, Jude, né juste après la mort de leur père Joseph. C’est la vie dans la Palestine de l’époque, une famille unie, assez pauvre, réunie autour de la forte personnalité de leur mère Marie. C’est une époque troublée, avec la domination romaine, des rois cruels, collaborationnistes, totalement dépassés par les événements, un clergé juif corrompu. Les révoltes sont nombreuses, avec leur train de massacres. Des faux prophètes sillonnent le pays, le peuple épuisé est dans l’attente du Jour dernier. Cette époque existait quand Jésus prêchait et continua après sa mort. Jacques, et dans une moindre mesure Jude (Simon est assassiné jeune, José a une place bien moindre), à la mort de Jésus, fait tout avec les apôtres pour préserver les convertis et répandre le message de Jésus. Ils sont en butte avec les communautés juives qui les traitent de blasphémateurs, mais leur persévérance, leur foi leur permettront de sauvegarder la communauté chrétienne. Jacques se trouve vite en butte avec Saül, renommé Paul, qui n’écoute que lui et qui veut porter la parole du Christ à tous les hommes et pas qu’aux Juifs, pas qu’aux circoncis, pas qu’aux membres du peuple élu, quitte parfois à faire des distorsions du message christique.

Françoise Chandernagor, dans la postface de son roman nous explique d’une façon brillante sa démarche, ses sources, les compare, les critique. Elle dénonce certains écrits apocryphes, des escroqueries intellectuelles qui perdurent de nos jours, montre bien que la première communauté chrétienne de Jérusalem aurait pu devenir le centre de l’Église si elle n’avait pas été obligé de fuir la répression romaine.

Mais surtout elle a su écrire son roman dans un style proche de celui du Nouveau Testament et des écrits apocryphes. Elle va même jusqu’à mettre des notes critiques en bas de page, notes pour expliquer brièvement le contexte de l’époque, les courants religieux, etc, mais parfois aussi pour montrer l’originalité du récit de Jude. Et de fait, le lecteur petit à petit oublie qu’il a un roman entre ses mains et finit par se laisse porter par un récit qui aurait très bien pu être réel.

Françoise Chandernagor a réussi ce tour de force, de transformer une fiction en mémoires. Elle nous livre ici un livre vivant dont l’action se déroule dans un monde en mutation, d’une très grande violence, où l’amour du prochain est en butte au sectarisme religieux le plus excessif. Une période de l’histoire de l’humanité où une poignée d’hommes à partir du message d’un homme ont, sans le vouloir, donné une nouvelle orientation à l’Histoire.

Émile Cougut

Vie de Jude frère de Jésus

Françoise Chandernagor

Éditions Albin Michel. 22€90

WUKALI 15/04/2015

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