Johan Théorin, a famous Swedish writer


Mon premier écrit pour Wukali portait sur le livre de Johan Théorin : Froid mortel et je viens non de lire mais de dévorer son dernier ouvrage Fin d’été , publié aux éditions Albin Michel. A peine commencé le premier chapitre qu’il devient impossible de quitter ce livre, il ne tarde qu’une chose : le finir pour comprendre l’entremêlement des destins de chaque personnage, et en même temps on ne voudrait pas que l’histoire finisse.

Je ne vais sûrement pas vous compter l’histoire de ce livre, ce serait priver le futur lecteur de la découvrir, de découvrir le vieux Gerlof, la belle Lisa qui se déguise en DJ Lady Summertime, Pauline la servante, la famille Kloss Véronica, Kent, Nikola et son fils Jonas et surtout Aron Freth à moins qu’il ne s’agisse de Vladimir et surtout cette île d’ Öland, sans oublier les horreurs de la Grande Terreur en URSS, un doigt de fantastique, qui s’avère totalement rationnel et un peu de contrebande. L’action se passe durant les vacances d’été, et en Suède il fait chaud, très chaud, tout le monde est en short et la mer est un vrai lieu de détente. En un mois l’histoire de ce petit coin de terre resurgit, les turpitudes du passé, les égoïsmes, la rapacité se doivent d’être soldées même violemment.

Est ce un roman policier ? Ce terme est trop galvaudé pour être appliqué à ce livre, aux livres de Johan Théorin, on parle de thriller, à titre personnel, j’aurai tendance à parler de romans, tout simplement. Il n’y a aucune intrigue policière, seulement des situations parfois violentes, car depuis plus de soixante ans, le vécu, les liens entrent certains protagonistes sont marqués par la violence.

Olécio partenaire de Wukali

Comme dans son opus précédent Théorin écrit sur la solitude, sur les blessures du passé et leurs conséquences au quotidien, sur la façon dont on arrive, chacun à notre façon à les gérer, à les fuir, à les assumer. Le passé, parfois lointain, resurgit dans le présent surtout quand certains « demandent des comptes » à d’autres qui ne se sentent pas concernés par lui, qui surtout ne veulent pas remettre en cause, partager les acquis qu’ils détiennent.

Tout un chacun est plus ou moins prisonnier de ses obsessions, obsessions qui peuvent devenir tellement fortes qu’elles poussent à agir de façon totalement irrationnelle, à ne plus percevoir les frontières entre le bien et le mal, à chercher à tourner définitivement les pages noires du passé tout en sachant plus ou moins consciemment que c’est totalement vain. Et la vengeance froide est tout aussi vaine et n’arrange, de fait, strictement rien.
Johan Théorin aime ses personnages. Il ne les juge jamais, il veut simplement nous donner les clés pour les comprendre. Il les livre au lecteur dans toute leurs complexités, sans strictement aucune trace de manichéisme, sans aucun jugement de valeurs : ils sont tels qu’ils sont et cela suffit. Il n’y a aucune concession au « politiquement correct », aucune tentative de vouloir dédouaner ses personnages au nom d’une tentative d’explication plus ou moins psychologique ou sociologique. Il les livre dans leur nudité, dans leur action, sans chercher à nous imposer une quelconque explication. Théorin n’essaie pas de faire passer un message, n’opère aucune critique de la société suédoise, ne porte aucun jugement sur les faits et gestes de ses personnages.

A bien des égards Johan Théorin peut être comparé, de part cette démarche à Simenon, au Simenon des « romans durs », celui qui ne montre pas particulièrement d’empathie pour les acteurs de ses histoires, mais celui qui en les décrivant avec distance et sans miroir déformant, plonge le lecteur dans la vérité des méandres de la nature humaine, de sa fragilité, de sa complexité.

Cette démarche descriptive est d’autant plus forte que tout le livre est bâti autour de chapitres resserrés, de phrases courtes, où il n’y a que l’essentiel, aucune fioriture. En trois phrases, dix lignes au maximum le lecteur n’a aucune difficulté de percevoir en lui l’immensité de la mer où l’ambiance de la boite de nuit. Et il en est de même en ce qui concerne les personnages du récit des petites touches au détour des chapitres permettent de cerner leur personnalité, leur caractère, leurs blessures, leur solitude, leur autisme.

Car tous, à l’exception de Gerlof sont, à des degrés divers des autistes, enfermés dans leur univers, incapables de s’ouvrir aux autres, d’être dans une vraie écoute active tant ils enferment en eux des douleurs ou un immense égoïsme qu’ils sont de fait incapables de contenir.

Johan Théorin continue de bâtir, une oeuvre sur « la comédie humaine » qui se déroule en Suède en ce début du troisième millénaire, avec des personnages en quête d’une sorte de paix intérieure qu’ils ne peuvent atteindre à cause des chaînes qui les relient soit à un passé, soit à un attachement bien trop important aux choses matérielles les empêchant de se montrer véritablement empathiques avec leurs coreligionnaires.

Émile Gougut


Fin d’été

Johan Théorin

Éditions Albin Michel. 22€90


WUKALI 21/04/2015

Courrier des lecteurs: redaction@wukali.com


Ces articles peuvent aussi vous intéresser