Charles X was the brother of Louis XVI

Certains connaissent Jean-Paul Clément pour ses travaux dont une mémorable biographie sur Chateaubriand. Il n’y a pas, loin de là, que Jean d’Ormesson, qui apprécie cet écrivain. Chateaubriand, et pour cause, est très présent dans cette biographie de Charles X, le dernier Bourbon.

Jean-Paul Clément nous trace le portrait de ce monarque qui est loin de ressembler à l’image d’Épinal que la postérité a laissé. Apparaît un homme d’une grande complexité, victime de son éducation, encore plus que son frère Louis XVI, qui n’avait que dédain pour tout ce qui n’était pas l’aristocratie foncière, n’avait que dédain pour la bourgeoisie fondée sur la finance et l’industrie.

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C’est ce rejet qui lui interdit en quelque sorte de comprendre les aspirations de cette « nouvelle classe sociale » issue de la Révolution et de l’Empire qui lui fera prendre les décisions qui causèrent sa chute. En plus, louvoyant , hésitant il réussit même à pousser dans l’opposition ses plus surs soutiens comme Chateaubriand  !

Quatrième garçon du Dauphin, fils de Louis XVI, le comte d’Artois ne devait jamais monter sur le trône, et d’ailleurs il ne reçut pas une éducation d’un futur prince régnant. Bel homme, jouisseur, homme à femmes, aimant faire la fête, insouciant, dilettante, dépensier, il est la caricature de cette haute noblesse honni par la population. Proche de la reine Marie-Antoinette, il partage son impopularité. Dès le 17 juillet 1789, avec quelques fidèles, il immigre, persuadé que se sera pour quelques semaines, voire quelques mois, alors que ce premier exil durera 25 ans !

A l étranger (Angleterre, Allemagne, Autriche, Italie), il continue sa vie de grand seigneur insouciant, ce qui eut, en outre pour conséquence le vote d’une loi par le parlement anglais suspendant les poursuites de ses créanciers et sa mise en résidence surveillée au château d’Holyrood en Écosse !

En 1804 la comtesse de Polostron décède de la tuberculose. Cette dernière était la maîtresse depuis des années du comte d’Artois. Cette mort marque un vrai tournant dans la vie de ce dernier qui cesse sa vie insouciante et se tourne vers la religion sous l’impulsion de son confesseur le Père Latil qui sera évêque de Reims.

Avec son frère, le comte de Provence qui se déclare régent à la mort de Louis XVI et roi à l’annonce du décès de son neveu dans la prison du Temple, il essaie de fédérer les troupes royalistes, apporte sa caution à l’armée de Condé, au débarquement désastreux de Quiberon, etc.

En 1814, il s’impose aux Alliés quand ils envahissent la France et trouve en Talleyrand, l’homme idoine pour permettre la restauration sur le trône d’un Bourbon que ces derniers et surtout le tsar Alexandre I de Russie ne voulaient pas.

Sous la première Restauration, il accepte la Charte, octroyée par son frère, non sans quelques réserves, et sans être en accord avec la politique de ce dernier, il ne s’oppose pas à lui. Quand le roi fut malade, c’est lui, de fait qui gouverne à sa place et qui impose à l’Europe la participation de la France dans la guerre civile espagnole qui marque le retours de notre pays sur la scène internationale.

A la mort de Louis XVIII, il monte sur le trône et commence par renouer avec la tradition monarchique avec un sacre quelque peu désuet mais grandiose à Reims. A l’étonnement de son entourage, il ne change pas de gouvernement, gardant Villèle comme chef de gouvernement et continuant une politique assez libérale (une de ses premières décisions comme monarque fut d’assouplir dans un sens libéral la loi sur la presse).

Charles X fut un roi très populaire auprès des Français. Ses voyages dans le pays étaient l’occasion de liesses importantes dont lui et sa famille était le centre. Cet amour des Français pour leur souverain le poussa comme le voulait sa culture à croire à un lien direct avec eux, les ministres, les parlementaires ne devant que le concrétiser dans les faits. Il croyait en une monarchie légitimiste et absolue, refusant tout corps intermédiaire pouvant lui supprimer une once de pouvoir. Il ne comprenait pas les aspirations libérales issues de la Révolution, la puissance de la presse, la force de l’opinion publique, la place du parlement dans le jeu démocratique qui voit le jour à son époque.

En plus, il ne comprit pas que Paris, la population parisienne et ses élites n’était pas la France. Aussi, avec maladresse, atermoiements, hésitations, réussit-il à mécontenter même ses plus fidèles soutiens. Si sa politique étrangère montra de vrais succès (indépendance de la Grèce, expédition d’Algérie), si sa politique culturelle accompagna brillamment le renouveau des arts en France et dans le monde aussi bien au niveau littéraire, pictural, musical, philosophique dont nous sommes les héritiers directs, sa politique intérieure ne fut pas comprise, ses accès d’autoritarisme lui valurent la défiance des électeurs (essentiellement des propriétaires terriens payant le sens). Aussi, mal conseillé par le mystique Prince de Polignac, son fidèle ami alors chef du gouvernement, il pris les fameuses ordonnances (contre la presse, dissolution de l’assemblée nationale nouvellement élue qui ne s’était pas encore réunie), il enclencha une émeute à Paris qui allait très vite le renverser (les Trois glorieuses).

Il aurait pu sans mal mettre fin à celle-ci si le Maréchal Marmont avait compris la différence entre une guerre urbaine et un champ de bataille, et surtout s’il avait fait montre de plus de détermination. Mais comme son frère Louis XVI en 1789, il répugnait à faire couler le sang des Français. En plus il n’avait pas compris les manœuvres de Lafitte, Lafayette et surtout de son cousin d’Orléans, Louis-Philippe.

On connaît la suite : son abdication, suivie de celle de son fils aîné le duc d’Angoulême, en faveur de « l’enfant du miracle », le petit Henri, duc de Bordeaux, fils du duc du Berry, et son exil, d’abord en Angleterre où il retourne à Holyrood, puis l’Autriche où il va résider à Prague.Il passe son exil seul, entouré de quelques fidèles, recevant des visites, dont celles de Chateaubriand, s’occupant avant tout de l’éducation de son petit fils Henri V.

En fuyant une épidémie de choléra il se retire à Göritz. Mais il est rattrapé par cette maladie et décède alors qu’il venait d’avoir 79 ans. Il repose dans le monastère franciscain de la Châtaigneraie avec son fils, son petit fils et leurs épouses.

Charles X ne fut pas exactement conforme à l’image que la postérité nous a léguée. Il fut avant tout victime de son éducation, ne comprenant pas que la monarchie absolue se reposant sur une aristocratie terrienne et sur l’Église n’existait plus. Pour autant il a régné sur une France qui sortait des épreuves de la Révolution et de l’Empire et qui connut à son époque une de ses périodes les plus fastes tant au niveau économique, politique que culturel.

Mais il n’avait les capacités d’analyse et de décision surtout dans les situations d’urgence qui font les grands hommes d’État. Il aurait accepté d’être un monarque non absolu mais constitutionnel, l’histoire de France eut été bien différente.

Jean-Paul Clément a une sympathie certaine pour Charles X, il nous présente un homme peu connu, une facette que l’on a pas l’habitude de connaître. On peut se montrer critique parfois par son manque d’analyses, par sa rapidité quand les décisions du monarque ne vont pas exactement dans le sens qu’il voudrait qu’elles soient. De plus il ne cache pas une certaine antipathie contre Lafayette et surtout contre Louis-Philippe. On a parfois l’impression de lire les pamphlets légitimistes qui se multiplièrent lors du règne de ce dernier.

Jean-Paul Clément adore Chateaubriand, comme un fil rouge tout au long de son étude historique sur Charles X il sait placer la bonne citation de son écrivain favori au bon endroit. Une contribution littéraire enrichissante pour une biographie de vraie qualité

Félix Delmas


Charles X
Jean-Paul Clément

éditions Perrin. 26€


WUKALI 24/10/2015
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