A punch in a shameful and political silence
En continuant cette ballade au cœur de mon Panthéon du cinéma, je vous propose maintenant « JFK » d’Oliver Stone (1991), film politique et polémique s’il en fut : le cinéma, en lui-même, devenant acteur de la réalité politique de notre histoire contemporaine.
Rappelons le sujet : « l’Affaire Kennedy », autrement dit le crime du siècle qui toucha la planète entière, et pas uniquement les États-Unis…Toute personne de ma génération a en mémoire le choc ressenti à l’annonce de l’attentat, puis à celle de la mort du président élu…
Un souvenir personnel lié à mon second métier : guide-interprète et guide-conférencier pour touristes anglophones, dans les musées parisiens. Surtout, mais pas seulement, des Américains aisés. Après les avoir pratiqués quelques temps, les relations devenaient faciles, donc les échanges intellectuels aussi. Nous pouvions aborder tous les domaines sauf un, carrément tabou : le meurtre de Dallas (22 novembre 1963) !
C’était épidermique chez eux… J’ai vite compris qu’il valait mieux parler d’autre chose mais, avec chaque client, je disais un mot (et un seul) la-dessus… Vraiment par hasard, bien entendu… Je voyais changer leurs regards, la contrariété (pour ne pas dire plus) transformait leur visage ou apparaissait une sorte de colère fugitive mais, comme je passais à un commentaire sur une autre œuvre d’art, ça s’arrêtait là…
Cela se passait voici une quinzaine d’années… Aujourd’hui rien n’a changé. Pourquoi cette réaction pavlovienne ? Les Américains savent, depuis longtemps déjà, puisque la thèse du complot fut officiellement acceptée et reconnue par la commission d’enquête du Congrès en 1977, que ce ne fut en aucun cas l’action d’un tireur isolé, en revanche ce que la commission laisse en suspend, c’est que cet assassinat a été « un coup d’état » organisé par le complexe militaro-industriel sous la houlette des pétroliers texans, dirigés par l’homme le plus riche du monde à l’époque : H.L.Hunt, multi-milliardaire du pétrole. Voulez-vous avoir une approche des idées de cet homme ? Il avait surnommé son fils « Bunker Hunt »…
Avec le recul des cinquante années écoulées depuis le meurtre, les Américains se sont rendus compte des conséquences incalculables qu’eut ce « putsch réussi », dans tous les domaines : guerre du Vietnam pendant laquelle moururent près de 50.000 Américains, drogue, insécurité, perte de confiance, crise identitaire, etc…
Il faut savoir que la volonté opiniâtre de réaliser ce film fut inconditionnelle pour Oliver Stone car, devançant l’appel comme volontaire, il demanda à être envoyé au Vietnam, pour combattre les communistes. Soulignons qu’il n’était nullement obligé d’agir ainsi car sa mère était française, donc il aurait pu effectuer son service militaire en France.
Il en reviendra, plusieurs fois décoré mais marqué pour la vie. Cet événement majeur impactera ses films d’une force de révolte et d’écœurement face à l’état américain et à sa violence naturelle. Voire à celle de tout état. Pratiquement gauchiste de nos jours, on mesure le chemin parcouru par cet homme, que cela plaise ou non…
Au départ, la Warner lui fit un chèque de 20 millions de dollars pour le film mais Stone s’aperçut vite que ce n’était pas suffisant. Il lui fallait doubler le budget. Il trouva un accord avec Arnon Milchan, producteur israélo-américain, et le film se fit. Le metteur en scène eut la chance de voir Kevin Costner accepter le rôle de Jim Garrisson, après un premier refus et moults hésitations, juste après son triomphe de « Danse avec les loups ».
Le tournage fut assez court : 72 jours, mais en décors naturels d’époque : Dealy Plaza, le Texas School Book Depository, tous deux liés au meurtre de Dallas.
La manière dont il décortique et démonte le complot est hallucinante de puissance énergétique, notamment dans la suite des images proposées, dont aucune n’est gratuite. Le montage du film est d’une adresse, d’une efficience qui intervient pour beaucoup dans son succès, à l’instar de la musique qui souligne les moments-clé de l’œuvre.
Le jeu des acteurs, dirigés adroitement par le réalisateur, est remarquable de naturel et d’action. La palme revenant à Joe Pesci dans le rôle de David Ferrie et à Gary Oldman dans celui de Lee harvey Oswald. Ils sont criants de vérité, d’ailleurs le public ne s’y est pas trompé : ce sont ces deux interprètes, exceptés Costner (Garrisson) et Tommy Lee Jones (Clay Show), dont on se souvient encore maintenant…
Ce film, supérieurement puissant, est un cri vengeur qui provoqua une énorme polémique incluant tout l’«establishment », politique et médiatique, qui voulut le« démolir » par tous les moyens à sa disposition, légaux ou non… Malgré cela, il fut un succès sur le territoire américain et un triomphe en Europe.
C’était la première fois que l’assassinat de Kennedy devenait le sujet d’un film aux États-Unis. Pas sur notre continent : « I comme Icare », de Verneuil, avec Yves Montand dans le rôle principal, en 1979, en était directement inspiré…
Que reste-t-il de ce temps-là ? La certitude que « les élites » nous cachent beaucoup de choses ? Oui. Qu’ils peuvent nous faire croire n’importe quoi ? C’était vrai avant l’émergence d’Internet et des réseaux sociaux, c’est moins simple depuis.
Quelques mots à propos d’une tarte à la crème de notre époque : la théorie du complot, pour une fois avérée ! Il n’est plus possible, aujourd’hui, de nier qu’il y eut conjuration pour tuer le Président Kennedy.
Jacques Tcharny
WUKALI 16/03/2016
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Illustration de l’entête: JFK. Kevin Kostner dans le rôle du procureur Jim Garrisson,
Prochain article à paraître vendredi 18 mars dans WUKALI sur ce sujet: L’Affaire Kennedy, l’Amérique assassinée . Qu’on se le dise…!