Masterworks from Budapest museums in Paris


Le musée des Beaux-Arts de Budapest, le célèbre Szépmüvészeti Múzeum, est fermé pour rénovation jusqu’en 2018, et comme c’est souvent le cas, plutôt que de dormir quelques années, des oeuvres en profitent pour voyager.

L’institution hongroise prête donc ses plus belles toiles, mais aussi des dessins et des sculptures. A découvrir au Musée du Luxembourg du 9 mars au 10 juillet 2016.
Voici une exposition qui rend accessible au plus grand nombre des joyaux, des œuvres connues de Dürer, Cranach, Greco, Tiepolo, Goya, Manet, Gauguin, Kokoschka, mais pas seulement les plus célèbres. En effet, ce qui est intéressant et surprenant, c’est le joli parti pris des commissaires. Ne pas vouloir juste présenter des chefs-d’œuvres, mais offrir quelques belles découvertes, des perles rares dirons-nous, parmi les quatre-vingt toiles, dessins, sculptures présentés. Des oeuvres bien souvent méconnues mais qui nous permettent de mieux comprendre, dans ce voyage qui nous mène de la Renaissance au début du XXe siiècle, toute la singularité du rapport à l’art avec Budapest.

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Olécio partenaire de Wukali

Les commissaires d’exposition, Laurent Salomé, conservateur en chef du patrimoine et directeur scientifique de la Rmn-Grand Palais, et Cécile Maisonneuve, docteur en histoire de l’Art, ainsi que leurs homologues hongrois, ont pensé qu’il était possible de contourner l’exercice obligé de la sélection de chefs d’œuvres pour raconter une histoire. « Nous avons préféré jouer sur une atmosphère, quelque chose d’un peu mystérieux que l’exposition allait dire et qui ne serait pas facile à expliquer par écrit ou par des mots. » commente Monsieur Salomé. Ainsi, le public découvre des rapprochements singuliers entre les toiles. Il y a même un peu de « Carambolages » dans cette exposition. (lire article dans Wukali)

Nous avons joué de façon assez libre sur des rapprochements, certes en choisissant des chefs-œuvres, mais nous sommes également allés chercher des œuvres très peu connues, qui sont pourtant parmi les plus belles. Pour exemple, une sublime sculpture de Pisano qui n’a aucune célébrité dans notre pays. « Nous sommes restés littéralement en arrêt devant cette merveille absolue, lors de nos visites à Budapest, confie Laurent Salomé. L’œuvre fut donc du voyage, et ce fut le cas de bon nombre de toiles, pas vraiment considérées comme les plus importantes de tel ou tel artiste, mais qui « dégageaient quelque chose de très fort ou de très original, quelque chose qui allait donner toute sa saveur à l’exposition. »

C’est évidemment un parcours à travers l’histoire de l’art européen qui est proposé ; des repères restent inchangés, mais l’idée est aussi de montrer une vision différente, celui d’un musée d’Europe de l’Est. Les choix de ces artistes ne s’est pas toujours fait pour les mêmes raisons ni de la même façon dans cette partie de l’Europe.

« On a un parcours un peu encyclopédique et en même temps, on a organisé quelques ruptures, c’est à dire des salles qui ne sont pas chronologiques et qui n’ont pas été présentées selon les écoles. » commente Monsieur Salomé.

On songe à « Caractères ». Une salle dans laquelle on trouve aussi bien des portraits que des scènes de genres ou encore des études de caractères. On s’y promène de la Renaissance à Manet dans des rapprochements un peu télescopés. Au final, cela souligne davantage encore l’originalité des collections.

Dans une exposition de chef-d’œuvres il ne faut jamais passer trop vite devant les tableaux ! Surtout devant des dessins qui, de loin, peuvent nous paraître un peu « gris », conseille le commissaire. Ici un paysage au crayon d’Altdorfer est une pure merveille, là, de Rembrandt, une magnifique « Maison paysanne hollandaise dans le clair obscur ».

Dans la salle, « Un nouvel élan religieux, Cécile Maisonneuve, co-commissaire de l’exposition, parle de la « perméabilité des styles et des œuvres » qui se répondent. Au delà de la thématique religieuse, on découvre la mobilité des œuvres et des artistes. Que ce soit Greco qui arrive de Grèce, en Occident par l’Italie, et ensuite part en Espagne, Ribera qui est un Espagnol qui fait carrière en Italie, Blanchard, qui va se former à Venise, Tiepolo dont l’œuvre a été peinte en Italie pour l’ambassade d’Espagne en Angleterre, etc… on voit dans cette salle le mélange des origines. Cela vient rompre la notion d’école et montre l’art européen, l’art occidental, dans sa globalité.

Il faut encore préciser que l’exposition nous dévoile les collections du musée des Beaux arts et ceux de la Galerie Nationale Hongroise. En effet, Budapest présente cette curiosité d’avoir une Galerie Nationale, créée dans l’après-guerre communiste et qui met l’art hongrois à l’honneur. Deux musées aux destins mélés, séparés en 1957 et qui forment de nouveau une même entité. « Désormais, Il y a une direction générale qui regroupe les deux musées, et l’art hongrois va pouvoir à nouveau dialoguer avec l’art européen. On sort un peu de cette idée que l’école nationale se trouve dans un bâtiment, et tout le reste du monde ailleurs », commente Laurent Salomé.

Bien évidemment, l’art hongrois vient ponctuer le parcours et on découvre des moments-clés de l’histoire de la Hongrie avec des œuvres emblématiques, notamment à la fin du parcours, dans la salle symbolisme et modernité. On peut citer L’Alouette de Pál Szinyei Merse, un nu qui fit scandale à l’époque, ou encore les œuvres de Sandor Bortnyik, au cubisme bariolé.

Dans la salle nouvelle nouvelle peinture, des Monet, Manet, Cézanne, Millet, Seurat, Gauguin. À l’entrée, un vieil homme au visage sombre nous accueille de son regard perçant. Nous le nous reconnaissons, la toile est célèbre. Il s’agit de Franz Liszt peint par Mihály Munkácsy en 1886, Le peintre qui a fréquenté Barbizon était attiré par le modèle français, mais réfractaire à l’impressionnisme, il a choisi de travaillé dans un esprit realiste.

Focus sur quelques œuvres

Andréa Pisano, Pontedera, vers 1295 – Orvieto, 1348/1349 Vierge à l’enfant © Musée des Beaux-Arts, Budapest 2016

L’identité du créateur de ce petit chef d’œuvre occupe depuis longtemps les chercheurs mais les caractéristiques stylistiques permettent néanmoins de situer cette Vierge à l’Enfant dans l’œuvre d’Andrea Pisano, lui-même fortement influencé par l’art de Giotto. La Vierge de Budapest esquisse un sourire qui accentue son expression radieuse et contemplative. |center>

Cranach l’Ancien : Salomé avec la tête de Saint Jean Baptiste. 1526/1530 © Musée des Beaux-Arts, Budapest 2016

Voilà un thème récurrent à l’époque et Cranach, étrange peintre et graveur allemand, en a fait de nombreuses variations. « Celui de la femme un peu sournoise, redoutable même, qui exercait son pouvoir par la ruse et par la séduction « commente Laurent Salomé.

Autre rapprochement mis à l’honneur aussi, intéressant d’un point de vue stylistique, Francisco de Goya y Lucientes Fuendetodos, La Porteuse d’eau (La Aguadora)
et Edouard Manet 1832 – 1883 La Dame à l’éventail ou La Maîtresse de Baudelaire
1862
© Musée des Beaux-Arts, Budapest 2016

Goya-Manet, au travers de scène de genre, se font aussi écho. Goya fait ressentir l’importance de la femme, pauvre mais travailleuse.

La maitresse de Baudelaire, Jeanne Duval, est quant à elle représentée sur son sofa. « Le personnage est fascinant. On lui connaissait un problème de jambe raide. Manet a eu cette trouvaille incroyable de montrer sa jambe, dépassant de la crinoline. Il la met en évidence, et il y a quelque chose d’étrange dans cette pose. On découvre encore un jeu des apparences et c’est aussi un peu une sorte de méditation sur la vie parisienne. Cette figure de la vie mondaine semble se poser des questions. », commente le commissaire de l’exposition.

József Rippl-Rónai
© Galerie nationale Hongroise, Budapest 2016
Femme à la cage, étonnant tableau qui est également l’affiche de l’exposition. Dans un contraste théâtral, la lumière qui émane du profil pâle de la femme et de sa main tenant la cage.

Cet artiste a vécu à Paris entre 1887 et 1900. Il y travaille en symbiose avec d’autres artistes, en quête d’un nouveau langage formel. Il élabore sa vision à partir d’une inspiration spontanée et en se confrontant aux problèmes picturaux de l’époque. Il est introduit dans le cercle des artistes proches de la Revue blanche et prend également part à quelques expositions du groupe des Nabis.

Pétra Wauters


Chefs-d’œuvre de Budapest au musée du Luxembourg
Musée du Luxembourg 19 rue de Vaugirard, 75006 Paris

Ouverture tous les jours de 10h à 19h, nocturne le vendredi jusqu’à 21h30

Accès
M°: St Sulpice ou Mabillon/ RER B Luxembourg /Bus : 58, 84, 89, arrêt Musée du Luxembourg / Sénat


WUKALI 16/03/2016
Courrier des lecteurs : redaction@wukali.com

Crédit Photo : Vue de l’exposition (6) scénographie Jean-Jules Simonot © photo Didier Plowy pour la Rmn-Grand Palais. Photo: Tête de caractère F.X Messerschmidt et peinture Mihaly munkacsy, L’apprenti baillant : Pétra Wauters


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