A dehumanised society, an excellent animation short movie


Un autre film de **Philippe Grammaticopoulos*] sur une musique originale d'[**Ivo Malec*],[** Le Régulateur*], réalisé en 2004. Nous avions présenté récemment du même réalisateur [ Le Processus.

Philippe Grammaticopoulos est un artiste inspiré, il s’exprime au travers d’un univers graphique et thématique facilement identifiable. Esthétiquement d’une part, il privilégie les contrastes opposés des noirs et des blancs, on peut y voir une réminiscence puisée non seulement dans les palettes graphiques et didactiques et dans les univers des formes du Bauhaus dont l’influence est pérenne, mais aussi au travers des dessins des graphistes de la bande dessinée des années 50. Un univers binaire, un décor épuré à l’extrême, des éléments d’architectures urbaines froids, monumentaux et distants rappelant les façades néo classiques nazis, mussoliniennes ou de l’époque stalinienne.

Olécio partenaire de Wukali

L’individu se perd et est isolé, il est inconsistant, manipulé et façonné comme dans 1984 d’Orwell. L’humanité n’est plus qu’un vague souvenir, la civilisation de la liberté semble avoir fait place à un monde totalitaire déshumanisé où l’individu est devenu la marionnette dérisoire, le pantin d’une autorité invisible et omnipuissante. C’est aussi d’ailleurs une certaine critique du monde d’aujourd’hui. Tout ressemble à tout, un peu comme nos rues d’ailleurs. Le sujet se perd dans la masse, peu d’individualité, tout le monde se ressemble, ici dans l’univers de Philippe Grammaticopoulos, le personnage héraldique est habillé d’une espèce de redingote et d’un drôlatique chapeau haut de forme. C’était patent d’ailleurs dans Le Processus où l’individu n’existait que par son appartenance au groupe et où toute velléité d’autonomie et de différenciation était empêchée. Le réalisateur file la métaphore d’une société sans spiritualité et sans âme. Une société totalitaire comme le vingtième siècle a malheureusement été prodigue , mais pas seulement, une société aussi consumériste et sans idéal, la nôtre, qui navigue à vue au gré des modes et sans substance.

Parfois quelques couleurs chaudes apparaissent dans le décor visuel du film. Essentiellement du rouge, parfois du jaune. Le style de dessin n’est pas sans rappeler l’art de la gravure, et le personnage féminin à la poitrine opulente, aux seins comme des têtes d’obus a de vagues airs de Nana de [**Niki de Saint Phalle*].

Quant au sujet même du film, un couple en quête d’enfant qui s’adresse à un (comment le qualifier) laboratoire, une maternité, un lebensborn, une pouponnière, un centre de fécondation. À l’intérieur, des incubateurs produisent des « créatures» à naître, et chaque foetus est en tous points identiques aux autres et produit pareillement en batterie. Ensuite c’est le sur-mesure de la consommation de masse et les différences entre les uns et les autres ne sont en fait que des illusions de consommateur. qui croit choisir comme dans les rayons d’un supermarché. La vie biologique, exclusive, la filiation, la génération n’est plus du ressort de l’homme et de la femme, elle existe cependant normalisée, aseptisée, contrôlée, réifiée, réduite à l’état de produit industrialisée et s’incarne dans un transhumanisme redoutable… Est-ce bien une fable, une pochade, un pur divertissement, un dessin animé que nous voyons là ou serait-ce alors autre chose ? Encore une fois, revenons au titre de film d’animation: Le régulateur, il eût été logique d’y voir accolés à la suite les mots «des naissances», cette absence voulue rend alors mieux compte de l’aspect gestionnaire et technocratique de ce que chez les animaux nous appelons la reproduction et que nous préférons appeler quant à l’humain le temps de la naissance et de la maternité

[**Pierre-Alain Lévy*]


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WUKALI 14/01/2017

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