The UN, its murky face


Il est des destins « originaux ». Dans la vie, il existe des opportunités, encore faut-il savoir les saisir, arriver à sortir de sa routine professionnelle et familiale (surtout quand on est mère de deux enfants) et oser tout remettre en cause pour vivre « autre chose », pour aller vers d’autres cultures, d’autres personnes que celles qui entourent notre quotidien. C’est ce que fit [**Célhia de Lavarène*]. Cette journaliste française, travaillant avant tout à[** New York*], apprend, par hasard, que l’[**ONU*] cherche des francophones pour une mission au [**Cambodge*] où vont avoir lieu les premières élections démocratiques dans ce pays encore secoué par les dernières poches de résistance des Khmers rouges. On était en [**1992*]. Malgré son « franc-parler » qui est de très mauvais aloi dans l’univers diplomatiques, elle va participer à 6 missions sous l’égide des[** Nations Unies*], la dernière au[** Libéria*] en 2004.

Si au début, elle a un rôle avant tout d’observateur lors de scrutins électoraux, elle va se voir confier des responsabilités plus « opérationnelles, dont les deux dernières concernaient la lutte contre les traite d’êtres humains (de fait mettre fin à des réseaux de proxénètes en [**Bosnie*] et au [**Liberia)*]. Pourtant, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle est considérée comme une vraie « empêcheuse de tourner en rond » auprès des instances onusiennes, et de fait, elle fut imposée par les responsables des missions qui eux appréciaient son « a-typisme » et sa ténacité.

Chaque mission est pour [**Célhia de Lavarène*] l’occasion de nouvelles rencontres, la découvertes de cultures, civilisations, êtres humains, durement touchés par des conflits très violents, mais qui ont voulu rester dignes, fiers et qui veulent avancer. Une grande leçon d’optimisme : tout est détruit, matériellement, psychologiquement, mais tous ne pensent qu’à l’avenir. Une grande leçon, un beau témoignage plein d’Humanité.

Olécio partenaire de Wukali

En lisant [**Les étoiles avaient déserté le ciel*], on peut comprendre parfois l’attitude de certains responsables de l’[**ONU*]. Célhia de Lavarène est une sacrée enquiquineuse qui pense non à elle (bien que) mais à sa mission sans avoir obligatoirement une vision d’ensemble de la problématique. On ne peut que l’approuver quand elle dénonce l’attitude de certains qui profitent de leur mission pour penser d’abord à eux, à leur carrière, à leurs désirs : un pédophile peut sans grand risque assouvir ses pulsions quand il dirige sur le terrain une ONG chargée de la protection des enfants ! On ne peut que l’approuver aussi quand elle critique, la lourdeur administrative des structures internationales, leur manque d’initiative, et surtout la lâcheté intellectuelle de certains sur le terrain : il ne faut pas de vagues, pas de problèmes car leur carrière future pourrait en pâtir. Certaines pages ont dues mettre en fureur les cadres de l’[**UNICEF*]…

En même temps, parfois, on a l’impression que Célhia de Lavarène emploie un très vieil artifice que plus d’un auteur a employé dans ses mémoires : bien noircir les autres pour mieux valoriser son action (voire sa personnalité), relisons La Guerres des Gaules de [**César.*] C’est un peu énervant, elle se met en scène comme une sorte de Zorro incorruptible au service d’un idéal humanitaire (ce dont on ne peut douter), alors que ceux qui disent partager ce même idéal sont avant tout des hypocrites.

De fait, [**Les étoiles avaient déserté le ciel*] est aussi un vrai pamphlet contre le fonctionnement des organismes humanitaires, de l’ONU aux ONG qui pensent d’abord à leurs intérêts et très accessoirement à ceux des populations qu’ils sont censés aider.
Pamphlet, humanisme, un bon moment de lecture pour mieux comprendre le monde et son histoire récente.

[** Pierre de Restigné*]|right>


[( [**Célhia de Lavarène déballe tout ! *]

« Pendant une quinzaine d’années, j’ai découvert comment, sur les terrains de guerre, les mandats du Conseil de sécurité, votées par des diplomates qui n’ont jamais mis les pieds dans des zones de conflit, sont inapplicables. J’ai découvert que des casques bleus, dont le rôle est de venir en aide aux populations civiles, commettent les pires exactions parce qu’ils se croient au-dessus des lois, protégés par une immunité diplomatique que seul, le Secrétaire général de l’ONU peut lever, ce qui n’arrive pratiquement jamais. »

« J’ai pu constater que dans le monde aseptisé qu’est l’ONU, la bonne volonté ne suffit pas. Chaque pays est différent et pourtant, tout se termine de la même façon : la mission se déploie et dans un premier temps, nous sommes accueillis en sauveurs. Puis petit à petit, face à l’arrogance de quelques-uns, face à leur désintérêt pour le pays et ses habitants que bien souvent ils considèrent comme inférieurs, les liens se distendent et les problèmes commencent. Que ce soit en Bosnie ou ailleurs, j’ai vu les casques bleus se comporter en sauvages. Pas un pays ne s’en sort mieux qu’un autre. Qu’on soit français, américain, russe, qu’on vienne du continent africain ou asiatique, on viole, on vole, on pille. »

« J’ai eu peur, parfois. J’ai vécu des choses fabuleuses, dures, difficiles, comme celles que lorsque je travaillais la nuit avec les flics et que nous effectuions des raids pour libérer des toutes jeunes filles qui avaient été achetées, vendues et forcées de se prostituer. Je ne regrette rien. »)]


[**Les étoiles avaient déserté le ciel
Célhia de Lavarène*]
éditions Balland. 22€


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WUKALI 08/02/2017

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