Three eminent French animal sculptors of the XXth century
L’animal a toujours fasciné les sculpteurs, du paléolithique à notre temps. D’authentiques écoles foisonnèrent dans la Rome antique comme à la Renaissance, dans la Florence des Médicis. Mais c’est, sans le moindre doute, le Paris du XIXème siècle qui vit la plus intense exaspération des recherches sur le rendu objectif, donc analytique, de l’aspect de la bête, d’abord domestique puis sauvage. Depuis une cinquantaine d’années des artistes comme [**Barye, Mène, Isidore Bonheur*] et autres [**Pautrot*] ou [**Moigniez*] ont été redécouverts et sont entrés au Panthéon de l’art.
[**- Qu’en est-il du XXème siècle ?*]
C’est seulement depuis moins de vingt ans que quelques galeristes précurseurs se sont entichés de ces maîtres, quelquefois bien oubliés, y compris de leur vivant. Aujourd’hui leurs œuvres s’arrachent à des prix inimaginables aux yeux de ces artisans disparus, que nous avons baptisé artistes.
Cet article parlera de [**Roger Godchaux, Georges Guyot et Georges Hilbert*].
– [**Roger Godchaux*] (1878-1958) fut à la fois peintre, dessinateur et sculpteur. Il consacra son existence à l’illustration de l’animal. Né dans une famille juive de la petite bourgeoisie de province, il est issu d’un père antiquaire et d’une mère pianiste. Lui et son frère Yvan feront leurs études à Vendôme sous la férule de leurs grands-parents maternels, professeurs de musique au lycée local.
Il monte dans la capitale en 1894 où il est l’élève de [**Jules Adler*] et, surtout, du peintre pompier [**Jean-Léon Gérome*], sculpteur à ses heures perdues. Admirateur inconditionnel de [**Barye*], il réussira à se créer une collection d’œuvres originales de ce maître en provenance directe de son atelier. Il expose régulièrement au Salon des Artistes Français, dès 1905.
L’engouement des amateurs pour ses travaux ira crescendo, lui permettant de vivre de ses œuvres éditées, confirmant ainsi son incontestable talent mais sans lui offrir le triomphe auquel il aspirait. De nos jours, on trouve ses sculptures dans de nombreux musées français et étrangers.
En 1937 il signe un contrat d’édition, pour ses terres cuites, avec la manufacture de Sèvres. Il expose dans diverse galeries (Charpentier, Georges Petit, Edgar Brandt…) à cette époque.
Resté à Paris pendant l’Occupation, il portera l’étoile jaune mais réussira à survivre sans être déporté, comme son frère assassiné au camp de la mort de Mauthausen en décembre 1943.
Son œuvre, animalière presque exclusivement, est consacrée essentiellement aux fauves et, surtout, à l’éléphant qu’il représente, très naturellement et très simplement, dans ses attitudes de la vie quotidienne, observée au Jardin des Plantes. On pourrait presque affirmer qu’il fut le portraitiste officiel de l’éléphant d’Asie. Il s’agit toujours du pachyderme asiatique aux oreilles courtes qu’il devait mieux ressentir que son cousin africain. Lequel n’apparut au zoo de Vincennes qu’à partir de 1934 (date d’inauguration du lieu).
Ses sculptures, dominantes de son travail, utilisent des matériaux variés : quelques tailles directes en bois, de nombreux modelages en terre dont il traite les surfaces par lissage de stries obliques, laissant les textures visibles. Des empreintes moulée en plâtre sont prises sur ses terres pour être fondues en bronze, d’abord par [**Susse*], célèbre éditeur, puis par [**Valsuani*]. Il travailla aussi avec [**Andro*] et [**Gatti*], fondeurs moins connus.
La plupart de ses créations sont de dimensions restreintes mais existent quelques grandes tailles.
Vraiment, ses éléphants apparaissent d’une vérité étonnante. Généralement se sont des femelles, aisément reconnaissables à leur absence de défenses( les éléphantes africaines en possèdent). Mais il a du aussi en voir dans des cirques car il créa un modèle assis qui paraît lui avoir été inspiré ainsi, si l’on en juge par l’attitude. Une puissance tranquille émane des divers modèles qu’il invente. Chacun d’entre eux est individualisé et différent des autres car l’artiste leur confère une personnalité particulière par son sens de l’observation très développé et son aptitude à exprimer la vérité de leurs attitudes et de leurs volumes. On ressent la grande tendresse de Godchaux pour les bons géants des immenses forêts d’Extrême-Orient : à cet égard, que l’on regarde le jeune mâle marchant une patte levée, son congénère courant ou celui qui oriente sa tête vers le bas et l’on ne pourra qu’être convaincu de ce postulat.
Cela étant, on ne peut négliger ses fauves qui semblent se consacrer à leur vie quotidienne : chercher de la nourriture, dormant, au repos, dévorant une proie, buvant à la rivière… Les deux lionceaux jouant ou la lionne avec son petit figurent parmi les scènes les plus tranquilles que l’artiste réalisa jamais.
Une forme de douceur, de calme, d’amour de l’animal, caractérise ses créations, immédiatement identifiables parce que lui appartenant en propre. Ses œuvres ne peuvent être confondues avec celles d’aucun autre sculpteur. Rançon de cette gloire ? L’abondance de faux, naturellement…
– [**Georges Guyot*] (185-1973), parisien issu d’un milieu pauvre, fit son apprentissage chez un sculpteur sur bois car ses parents n’avaient pas les moyens de l’envoyer étudier aux Beaux-Arts. C’est donc un autodidacte vrai. Doué et talentueux, le jeune homme montra très vite un grand attrait pour l’animal. C’était un individu à la personnalité impressionnante, expansive avec débordements si l’on peut dire. Sa notoriété fut immédiate, il est aujourd’hui reconnu comme un des grands animaliers du vingtième siècle. Il passait beaucoup de temps au Jardin des Plantes, à observer les fauves.
Son œuvre est variée, assez complète dans les sujets représentés. Elle se compose de chiens, de taureaux, de singes, mais ce sont surtout ses ours et ses fauves qui firent sa réputation. Son interprétation de l’animal lui est toute personnelle et, à l’instar de [**Godchaux*], reconnaissable dans l’instant. En permanence, il cherche à rendre impeccablement l’essence de leur nature, leur ressenti et leur « humanité ».
Il affirmait « ne jamais tricher » dans son travail d’élaboration d’une sculpture et la force de ses ours saute aux yeux du spectateur ébahi.
– [**Georges Hilbert*] (1900-1982) est né en Algérie, fils d’un médecin vétérinaire. Il n’a donc rien d’un autodidacte. Il entra, brièvement, aux Beaux-Arts locaux en 1917 puis, l’année suivante, aux Arts décoratifs de Paris. Il commença sa carrière en 1925 ( Salon d’Automne). C’est un proche de [**Paul Belmondo*]. Dès cette époque, il se précipite au Jardin des Plantes où il observe les animaux. C’est là qu’il apprend vraiment son métier en réalisant des dessins mais aussi quelques esquisses en pierre tendre.
C’est un adepte inconditionnel de la taille directe. Il aime les grands formats : les bas-reliefs pour la fauverie du Jardin des Plantes(1935), les fonds baptismaux de la cathédrale de Luxembourg (1937), les quatre lions grandeur nature du château de la Trousse (1951) et les douze bas-reliefs de la villa du gouverneur de la Banque d’Algérie à Alger (1951). Il taille des blocs de différentes matières : calcaire, granit, marbre…
Ces trois sculpteurs animaliers, aux tempéraments divers et variés, ont un substrat commun : l’époque à laquelle ils appartiennent. C’est dans le bouillonnement culturel de ce que l’on appelle « l’École de Paris », soit le temps que dura la troisième République(1871-1940), qu’ils ont forgé leur art et leur personnalité. Ils l’ont exprimé différemment bien entendu, mais ils se sont mis au service de l’animal, le rendant bien plus proche de nous. Ce fut leur leur chance et leur limite, toutes deux indistinctement liées. Le public des collectionneurs et des amateurs l’a parfaitement compris et les a consacrés, en les intronisant membres du « hall of fame » de l’Histoire de l’Art.
Contact : redaction@wukali.com
WUKALI 23/06/2017
Illustration de l’entête: Roger Godchaux. Lionne couchée Bronze à patine brune nuancée de vert Signé sur l’arrière de la terrasse, et inscrit ‘cire perdue’ Cachet rond du fondeur Susse Frères, et inscription en lettres cursives H. 20 cm – L. 57 cm – P. 21 cm