Bikers and art, a multiple passion


Chaque année le [**Tour de France*] raconte une épopée et nous fournit l’occasion de traiter le sujet sous le prisme de l’art. Voici une petite chronique estivale et artistique d’un sport populaire si français.

Le Tour de France, signe l’été et les vacances. Une poignée de héros, de chefs de file, la cohorte serpentine des équipes suivant dans un peloton bigarré et multicolore.

Le Tour ce sont aussi des histoires d’hommes, de volonté, de ténacité, mais aussi de souffrance et d’endurance, une épreuve aux nombreux visages où l’esprit d’équipe, le collectif, permet aux meilleurs de triompher, et certains maillots à pois racontent quelquefois des histoires héroïques.

Les cols des Alpes ou des Pyrénées chantent la gloire et l’épopée du Tour, victoire du cycliste, de la machine humaine, de la tactique, parfois aussi hélas des accidents douloureux. Une formidable compétition où des géants s’affrontent pour quelques minutes de différences avant le triomphe sur les [**Champs-Elysées*] à Paris pour revêtir le maillot jaune.

Olécio partenaire de Wukali

Hormis le Tour de France (la plus grande manifestation sportive au monde après les Jeux Olympiques), aucune autre compétition cycliste n’a acquis l’aura du Tour sauf peut-être dans l’immédiate après-guerre les [**6 jours du Vél d’Hiv *] à Paris

**[**Le vélo en art ou l’art du vélo*]

Si le peintre[** Maurice Vlaminck*] était un passionné du vélo, et avant même de pouvoir vivre de la vente de ses tableaux gagnait sa vie en participant à des courses, de très nombreux autres artistes l’ont ciblé comme sujet de leurs oeuvres, qu’il s’agisse de peintures, de sculptures ( très nombreuses et plus ou moins bonnes…) ou de photographies.

C’est devenu une image universelle, le vélo est utilisé par tous et dans le monde entier, et si son image avait pâti quelque temps de quelques stéréotypes stupides, il a retrouvé aujourd’hui la plénitude de ses qualités. C’est un moyen de transport non polluant, ce qui compte beaucoup aujourd’hui, et qui permet à celui qui l’utilise de pratiquer un exercice physique sain, c’est surtout un objet de plaisir et de liberté !

Il représente aussi la liberté sexuelle et s’adapte tant aux hommes qu’aux femmes, bien que la compétition cycliste suivant ainsi le machisme du temps soit essentiellement réservée aux hommes. Il dégage même un certain érotisme. Il n’existe que pour son usage c’est à dire pour rouler, sinon il constitue un élément de décor, placé contre un mur, représentant l’intrusion de la société moderne et mécanique, sinon il participe aussi au paysage urbain en constituant un moyen autonome de transport.

Il est passé d’un moyen de transport marqué socialement avant-guerre à un engin qui peut être très sophistiqué aujourd’hui, véritable bête de course fabriquée avec des cadres carbones hyper légers et résistants, et permet cela va sans dire des exploits sportifs ! Bien sûr, le vélo contribue à réconcilier le monde moderne avec la tradition et d’admirer à son rythme les charmes des paysages traversés.

A la fois objet symbolique du progrès, de la liberté et de l’autonomie de se déplacer, mais aussi marqueur social, on pense notamment aux vélos des premiers congés payés au moment du[** Front Populaire*] en [**1936.*] [**Fernand Léger*] composera de nombreuses oeuvres où il le mettra en scène ( avec bien sûr le fameux «Hommage à David»)

Plusieurs livres qui viennent de sortir et dont nous avons traités dans Wukali rendent hommage à Antoine Blondin qui fut un chroniqueur sportif inspiré et un passionné du Tour.

19 juillet 1954

« De Bordeaux à Bayonne, je me suis étonné d’être dans cette caravane qui décoiffe les filles, soulève les soutanes, pétrifie les gendarmes, transforme les palaces en salles de rédaction, plutôt que parmi ces gamins confondus par l’admiration et chapeautés par nescafé. Je peux le dire, mon seul regret est de ne pas m’être vu passer. […] C’est donc aux spectateurs que j’en avais, tandis que nous poussions notre troupeau de coureurs à travers des villages où les notables s’érigent en chefs d’îlot de l’enthousiasme. Je savourais la ferveur qui s’attachait à notre transhumance. Elle nous rappelle que l’art de vivre est d’abord un système de communication des êtres. » in Du pin et des jeux (p. 17)

ou encore

20 juillet 1957

« Un maillot jaune, une peur bleue, une copie blanche et peu de matière grise… Nous en aurons vu de toutes les couleurs pendant trois semaines. La mémoire, comme un arc-en-ciel, retient et dilapide des souvenirs confonds, pépite qu’il nous faudra extraire de leur gangue et rentrer avant l’hiver, pour les veillées. Seul s’impose aujourd’hui ce sentiment que Gustave Flaubert appelait la mélancolie des sympathies interrompues. Le Tour, carrefour des nations et de langages, pâque tournante pour les amitiés, est maintenant semblable à un quai de gare tout bruissant de partances et de déchirements refoulés. Des idées noires… ». in Tour d’Ivoire (p. 49)

Lire aussi : Antoine Blondin la légende du Tour (éditions du Rocher)

Le vélo est bien entendu une des formes du mouvement, de la vitesse, de la compétition, du sport et des loisirs. Premier des sports mécaniques il ouvre l’horizon, c ‘est un des symboles du XXème siècle. Il est symbole de liberté, d’émancipation, pas étonnant que les artistes s’en soient emparé, qu’il s’agisse de sculptures ou de peintures.

En 1942, d’un tas d’objets hétéroclites, Picasso va récupérer un vélo et l’intégrer dans son imaginaire fantasque et créer cette fantastique tête de taureau, l’oeuvre fait aujourd’hui partie des collections du musée Picasso. La tauromachie revue et corrigée, faite objet d’usage. Anthropologie revisitée. C’est un simple objet de cuir et de métal qui connaitra un immense succès, et jusqu’à aujourd’hui impressionnant le nombre des oeuvres qui s’en inspirent redécouvrant les objets du quotidien et les transformant le plus souvent en des créatures fantastiques, quelques soudures sont nécessaires et une nouvelle identité apparait sous le regard. Une fois de plus [**Picasso,*] suivant en cela l’exemple de [**Marcel Duchamp,*] a détourné un objet de sa fonction initiale pour l’installer dans une nouvelle existence. Conceptuel Picasso ? Eh oui …!

Si dans ce domaine aujourd’hui il est un maître, c’est bien [**Ai Weiwei 艾未未*], l’artiste dissident chinois, que le sujet a inspiré et cela est d’autant plus vrai que la [**Chine *] l’utilise en masse. Mais voila, ce carrousel de vélos d’Ai Weiwei est statique, il fait du surplace, et c’est au spectateur de tourner autour pour l’envisager. Ne serait-ce point là une forme de parabole de la Chine contemporaine qui malgré son gigantisme est en fait un socle puissant et immobile et peu capable de se transformer de l’intérieur. Observons d’ailleurs dans cette démonstration que les vélos porteurs à la base de l’oeuvre n’ont pas de guidon… Une image métaphorique d’un confucianisme immobile sous couvert de révolution sociale. Force et faiblesse de l’art conceptuel. Bref voilà de tous autres sujets que nous aimons traiter dans nos colonnes, nous aurons l’occasion d’y revenir dans des articles spécifiques, venez nous lire régulièrement et faites-nous connaître ! Ah j’oubliais, Vive le Tour !

[**Pierre-Alain Lévy*]


WUKALI 02/07/2017
mise en ligne antérieure : 04/07/2016

Illustration de l’entête : Tour 2010, 11ème étape, Andy Shleck maillot jaune, Photo ©Graham Watson. Velonews
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