About Love, Art Trafficking and nazi art plundering during WWII
Ah Apt, le Lubéron, Avignon, ce petit territoire du Sud-Est où est née l’héroïne de ce roman. Que de souvenirs, maintenant qu’elle poursuit ses études d’histoire de l’art, après son master de droit à Bordeaux (où sa sœur ainée est avocate), elle revient régulièrement se ressourcer en famille. Bien sûr sa grand-mère maternelle est victime de dégénérescence sénile, mais il reste son papy avec qui elle faisait des batailles de boules de neige l’hiver (tout le monde sait qu’il neige souvent l’hiver dans le Lubéron, et quand c’est lors d’un enterrement, cela rend la cérémonie encore plus triste). Et puis il y a ses parents et l’entreprise familiale de fruits confis développée par son frère. Marion fait un remplacement dans l’étude notariale de Fabien Goldberg, le fils ainé de Simon Goldberg richissime marchand d’art qui reproche à son ainé son goût pour le droit et qui ne jure que par Lucas son cadet.
Malgré leur 20 ans de différence, ils tombent amoureux l’un de l’autre ce qui est loin de plaire à leur famille respective. Lors d’une réception dans le domaine Goldberg, Marion est interpellée par une toile de [**Matisse*] : Soleil couchant sur Collioure. Or elle se souvient que cette œuvre fait partie des œuvres de l’artiste disparues durant la Seconde Guerre mondiale. S’en suit une enquête menée par la jeune femme et sa sœur avec le concours d’un enquêteur de l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels qui va aboutir à la chute de la maison Goldberg et au couple Marion Fabien.
Et que voilà un roman sur un thème moult fois abordé : le pillage des œuvres d’art par les nazis lors de la Seconde Guerre mondiale, mais aussi la valeur de l’analyse des experts. Pour remettre en cause une expertise qui doit-on saisir si ce n’est un autre expert ? Même si les méthodes de travail ont évolué dans le temps, cette situation est kafkaïenne mais correspond à une réalité qui doit nous interpeller : jusqu’où doit-on faire confiance à une expertise ? Qui décide qu’une personne est un expert (à part d’autres personnes qui ont été reconnues comme étant eux-mêmes des experts) ? Face à une expertise, surtout si elle a été donnée par une « notabilité » dans son domaine, qu’elle est notre libre arbitre ? Voilà un beau sujet de réflexion qu’aborde (enfin que frôle) [**Martine Delomme*].
Pour le reste, au-delà des batailles de boules de neige (soyons honnête il n’y a qu’une ligne dans ce roman de 343 pages) ou du fait de prendre le TGV Avignon/Bordeaux) pour ne pas subir les réelles fatigues de la route (sauf qu’il faut passer par Paris et changer de gare et quand on connait les joies des couloirs de métro entre la gare de Lyon et celle de Montparnasse, avec ses escaliers et ses escalators régulièrement en maintenance, la fatigue est loin d’être absente à l’arrivée à la gare Saint Jean, même si on s’est assoupi dans la rame), il y a, comment dire, des erreurs et des invraisemblances !
On peut passer sur le fait qu’en France aucun juge ne délivre de mandat (encore un ravage du matraquage américain) et encore moins de saisie ordonnée par un juge faite par un huissier, un officier de police judiciaire dans le cadre d’une commission rogatoire a tous les pouvoirs pour la faire et en plus comme il n’y a pas les honoraires de l’huissier, cela coute strictement rien au niveau des frais de justice. De même tout le monde ne peut connaitre les subtilités de partage entre les zones police et les zones gendarmerie. Mais toutes les préfectures sont en zone police (et jusqu’à preuve du contraire, Avignon est la préfecture du Vaucluse) sont en zone police. Alors quand un crime est commis à Avignon, la gendarmerie ne fait strictement rien, en revanche l’enquête est confiée soit à la Sécurité Publique, soit à la Police Judiciaire, services dépendant tous les deux de la Direction Générale de la Police Nationale et non de celle de la Gendarmerie Nationale (ne pas le savoir est-ce un dégât collatéral de certaines séries télévisuelles françaises ?). Même remarque sur les méthodes de travail des enquêteurs de l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC), ils ne sont jamais seuls. Mais ils savent travailler, ne délèguent pas leur travail à des tiers. Et que dire de leur méconnaissance de leur travail tel qu’il apparait dans ce roman. Qui pourrait croire qu’il faut attendre 70 ans pour savoir qu’un moulin bombardé en 1944 contenait des peintures qui brûlèrent ? La liste des œuvres spoliées par les nazis est connue et elle contient aussi bien celles qui sont « perdues », que celles qui ont été détruites. Qu’un faussaire de génie ait pu reproduire à l’identique une œuvre détruite, c’est plus que probable, mais qu’il ait pu en faire des dizaines censées avoir été détruites au même moment, au même endroit.
Je passerai sur le côté débile profond de celui qui ne détruit pas la preuve formelle de ses turpitudes (car c’est réel, il faut bien que la police ait de la chance et elle sait parfaitement travailler avec et sur l’ego des délinquants), mais comment dire, l’enquête de Marion sur la famille Goldberg est plus qu’invraisemblable, pleine de « deus ex machina ». Quand on connait l’œuvre salutaire de certains pour que les criminels nazis ne restent pas impunis et ne jouissent pas du fruit de leurs turpitudes, quand on voit les documents sur lesquels travaillent Marion, penser qu’une jeune fille puisse, 70 ans après les faits, arriver à ses conclusions, c’est faire offense à leur travail.
J’arrête, car je reconnais que je m’attarde sur des détails que nombre de lecteurs ne relèveront pas, et qui pourront trouver leur plaisir dans l’histoire d’amour entre Marion et Fabien, malgré les répétitions, les longueurs, certaines digressions qui n’amènent pas grand-chose à l’histoire. Mais, ce qui est certain c’est que le style de [**Martine Delomme*] est fluide, très agréable à libre.
[**Après les ténèbres
Martine Delomme*]
éditions de L’Archipel. 20€
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WUKALI 23/01/2018)]