Such a brilliant Belgian writer with so delicate, exquisite, and deep rooted literature
Le nouvel [**Armel Job*] est arrivé. Comme d’habitude quand un écrivain que j’apprécie (beaucoup) commet un nouvel opus, je suis parcouru par des sentiments contraires. Une grande joie en imaginant par avance le plaisir que je vais prendre à cette nouvelle lecture, l’impatience de me plonger à nouveau, encore et encore, dans l’univers de l’écrivain ; et puis la crainte, la crainte d’être déçu. Car mon expérience de dévoreur de livres m’a fait constater que mêmes les meilleurs, mêmes les plus grands, mêmes les écrivains dont vous prendriez une majorité d’œuvres si vous deviez vous exiler sur une île déserte, ont commis des volumes qui sont, comment dire, plus faibles, qui ne vous font pas « vibrer » comme d’habitude. Alors souvent votre déception est à la hauteur de la passion que vous portez à l’œuvre globale de cet écrivain. Les lecteurs de WUKALI savent que parfois je n’hésite pas à m’attarder sur ma déception, déception réelle mais rarement comprise par les attaché(e)s de presse des maisons d’édition. Mais si on ne doit pas être honnête intellectuellement, si on doit être censuré quand on expose son ressenti, alors on garde ses critiques pour soi, et on tourne le dos aux censeurs. Comme WUKALI a pour devise (non écrite) « la liberté absolue », je continue à passer des heures derrière mon ordinateur pour dire tout le bien ou le mal que je pense après une lecture.
Donc, quand j’ai reçu le dernier roman d’Armel Job, [**Une femme que j’aimais*], aux éditions Robert Laffont, j’étais tiraillé entre ces deux sentiments. Et celui qui a prédominé après moins de deux pages de lecture est… : un émerveillement renouvelé ! Tout ce qui constitue le talent d’Armel Job est là, intact, son univers est encore plus beau, plus profond. Son écriture, son style ciselé, précis, sans fioritures, sans un mot de trop sont présents. Sa description de tous les personnages de Claude le narrateur aux plus secondaires qui n’apparaissent qu’au détour d’un chapitre est parfaite, nous les connaissons, nous les avons rencontrés, nous les voyons physiquement, ils sont vivants, si vivants qu’Armel Job finit par nous faire croire qu’il n’écrit pas un roman, une fiction, mais une tranche de vie, une sorte de reportage sociologique autour d’un évènement réel. A l’instar de son prestigieux compatriote, [**Georges Simenon*], il part d’un fait divers, d’une anecdote (ici le décès d’Adrienne la tante de Claude) pour disséquer, étudier l’enchaînement des faits qui en résulte et les transformations qu’il cause à tous les protagonistes. Et puis (ou et surtout), cet évènement est le révélateur des non-dits, des souffrances accumulées dans le passé et qui ressurgissent dans le présent. Plus Claude avance dans sa quête (connaître le secret qu’Adrienne voulait lui dire avant son décès), plus sa grille de lecture sur le passé de sa tante, de ses parents, de son propre passé change, évolue. Ce qu’il croyait être une vérité, une évidence, n’était qu’apparence, une sorte de muraille où il faisait bon de se retrancher afin de ne pas affronter la cruauté, la nudité des faits réels.
Et puis il y a ce petit territoire sur la carte de ce vaste monde qu’Armel Job connait, recrée dans chacun de ses livres. L’office du tourisme des Ardennes belges (s’il existe) doit impérativement le payer (cher) car il a en lui son meilleur ambassadeur. Après l’avoir lu, qui n’a pas envie de découvrir ses paysages, son atmosphère, sa philosophie de vie. Armel Job presse ses Ardennes où la vie et donc les gens sont rudes, taiseux et fait ressurgir à chaque fois les secrets qu’elles renferment. Et à partir de ces lieux « de ces coteaux, de ces vallons » (nous ne sommes pas loin de la « morne plaine » de Waterloo), il crée une véritable comédie humaine. Pas une fresque flamboyante à la Balzac ou à la Simenon, non, une comédie humaine faite de renonciations, de ressentiments, d’incompréhensions, de questionnements, de personnages en quête perpétuelle pour essayer de trouver un équilibre, un mode de vie qui leur permettent de vivre tant bien que mal avec le poids de leur passé, voire du passé des proches qu’ils vous ont fait involontairement partager. Les Ardennes belges sont le personnage récurrent que l’on retrouve dans l’œuvre d’Armel Job, celui qui sert de socle, l’immuable qui est le principal détonateur qui met tout en mouvement.
Et puis, il y a au détour des pages une réflexion qui vous interpelle, qui vous sort du chemin tracé vers un autre univers sur lequel vous êtes invité à cheminer, mais seul, « si le cœur vous en dit », sans l’aide d’Armel Job qui n’est qu’un passeur.
Alors, et j’en connais, certains vous diront que c’est du niveau du café du commerce en faisant l’amalgame entre le café du commerce et les brèves de comptoir ; les mêmes qui sont capables d’attirer votre attention sur une réflexion similaire rencontrée chez [**Balzac*], [**Proust*] ou [**Flaubert*] (encore mieux [**Voltaire*] ou [**Spinoza*]). On connait tous de ces pseudo-intellectuels souvent autoproclamés qui ne savent que rabâcher des « valeurs sûres » mais qui sont incapables de réfléchir par eux-mêmes pour essayer d’appliquer leurs pseudo méthodes de réflexion à ce qu’ils ne connaissent pas, à ce qui est nouveau. Ils étalent leurs connaissances, mais restent d’un parfait conservatisme montrant par là leur total manque d’assurance, leur désir de briller de se faire reconnaître par leur connaissances du passé mais incapables de s’ouvrir au présent, voire au futur.
Pour le plaisir un petit florilège de ces « à côtés » : « J’ai brûlé les photographies, parce que j’avais peur qu’elles ne finissent par remplacer les vrais souvenirs. Les photographies figent les gens, elles les épinglent comme des papillons dans les cases d’un tiroir entomologique. Le papillon n’était un papillon qu’en vol. », « La frite est à l’homme libre ce que l’hostie est au dévot ». « Elle avait lu un tas de livres, les romanciers catholiques surtout, Bernanos, Mauriac, Green, quand personne ne les lisait plus, vu qu’il avait été décidé alors que le talent et l’intelligence étaient réservés aux athées. »
Et pour finir : « Pour gagner l’attention du lecteur, les écrivains doivent être tentés d’introduire du pittoresque dans toutes les pages. C’est absurde quand on y pense. La vie, la plus part du temps est dépourvue de pittoresque. Elle s’éloigne rarement des sentiers battus. Plus on est banal, plus on est vrai. » Voilà résumé le style, l’univers d’Armel Job : le vrai.
L’histoire de[** Une femme que j’aimais*] n’est autre que la quête de Claude, aide pharmacien à Charleroi, autour du passé de sa tante Adrienne. Celle-ci est décédée brusquement alors qu’elle lui avait dit qu’elle voulait lui confier un secret. Lequel ? Adrienne n’a-t-elle pas été assassinée, par qui ? Pourquoi ? Quels sont ces secrets, ces non-dits qui détruisent ceux qui les portent ? Comment ne pas s’arrêter aux apparences et continuer encore et encore à creuser pour approcher d’une vérité que l’on n’a pas envie véritablement de connaitre ?
Une quête magnifiquement décrite, mise en valeur par [**Armel Job*]
[**Une Femme que j’aimais
Armel Job*]
éditions Robert Laffont. 19€50
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WUKALI 25/01/2018)].
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