Voici un film coréen réalisé par les étudiants de l’ École d’animation Chungkang et traitant de la conduite des soldats japonais en Corée pendant la Seconde Guerre mondiale. En préambule je tiens à préciser que ce film n ‘est nullement pour tous publics. En effet il contient des scènes d’une infinie cruauté, extrêmement dures à supporter.
Souvenir d’une émotion
Avant que de traiter de ce film coréen intitulé Pour elle ( For her), permettez-moi une digression qui me semble utile.
Je me rappelle quelles furent mes réactions quand je vis lors de sa sortie à Paris voilà pas mal d’années maintenant, « Le tombeau des lucioles», chef d’oeuvre du réalisateur japonais Isao Takahata. L’histoire tragique de deux petits frères séparés de leurs parents, qui vivent le drame de la peur, de la faim, des bombardements, du deuil et de la mort.
L’émotion était au rendez-vous. Je m’étais demandé alors pourquoi sur un tel sujet si fort, si poignant, si douloureux lui aussi, le parti n’avait pas été de choisir de réaliser un film avec de vrais acteurs, une espèce de blockbuster somme toute.
Retour sur images
Très rapidement néanmoins je trouvais la réponse. Le format « film d’animation » permet de contenir le sentiment et d’intérioriser les flots d’émotions qui sans cela subjugueraient le spectateur, même si cependant on ne peut s’empêcher de sentir les larmes couler. Il permet aussi d’éviter un certain pathos qui parasiterait le message
De même, autre argument, le film d’animation est considéré comme adapté à un public juvénile, lecteur de mangas par exemple, et cela est partuclièrement vrai pour le Japon et la Corée ( même si, j’en conviens bien volontiers, nombre de films d’animation aujourd’hui séduisent un public d’adultes, et je ne parle pas là des adulescents). Dernier point sa valeur pédagogique, démonstrative, politique ou morale, est très certainement ainsi plus forte et plus efficace.
Ces arguments restent tout à fait pertinents pour le film coréen For Her que j’ai choisi de vous présenter.
Des témoignages
Il s’agit d’un film de témoignages, ceux de soldats de l’Armée impériale japonaise qui obéissant aux ordres de la caste militariste au pouvoir, se livrèrent à des massacres sur la malheureuse population de la péninsule coréenne pendant la Seconde Guerre mondiale, et l’invasion de leur pays par les soldats du Soleil levant.
Et de rappeler pareillement aussi les crimes de guerre commis en Chine, les massacres de Nankin ou l’évocation de la sinistre Unité 731
Rappelons s’il en était besoin qu’aucun gouvernement à Tokyo, qu’aucun Premier ministre japonais de s’est jamais excusé auprés des Coréens pour les crimes barbares et les exactions sur la population soumise et vaincue. Les femmes coréennes qui furent réduites à un quasi esclavage sexuel pour servir dans les « stations de confort » nippones (autement dit en français BMC– bordel militaire de campagne) à la libération des pulsions bestiales de la soldatesque japonaise, n’ont jamais ( pour celles qui ont réussi à survivre) été reconnues et indemnisées, si toutefois ce mot a du sens, par l’état japonais !
Les voix que l’on entend tout au travers de ce film, sont des enregistrements authentiques d’anciens soldats japonais, aujourd’hui largement grands-pères. Ils furent acteurs et témoins voilà plus d’un demi siècle des exactions qu’eux-mêmes ont commises et dont aujourd’hui arrivant au seuil du grand saut ils se repentent. Comme dirait Georges Brassens : « le temps ne fait rien à l’affaire… », mais c’est une autre chanson !
Force de l’image
Ainsi le choix a été fait de ne pas présenter ces témoins, ces hommes devenus vieux, à travers par exemple un banal reportage documentaire de cinéma ou de télévision classique, mais les ont ausi bel et bien adaptés à la forme du film d’animation les présentant à égalité d’identité graphique avec tous les protagonistes de ce film témoin d’histoire. De telle sorte que sous cette forme, ils ne déparent pas, permettant un lissage narratif et une unité parfaite.
Quitte à me répéter, voici s’il fallait le souligner encore, la démonstation puissante de la capacité du film d’animation de traiter TOUS les sujets, et de rencontrer TOUS les publics. Ce film en atteste!